2 - Samuel
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Samuel
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Lorsque Ariana et Rafaël ont décidé de louer cet appartement, il y a plusieurs choses auxquelles ils n'avaient pas pensé. Tout d'abord, l'emplacement : juste au-dessus de la place du Pont, grossière erreur. Combien de fois par semaine voit-on débarquer la police pour une intervention de masse ? Combien de fois Rafaël doit-il hurler par la fenêtre afin de faire taire les badauds juste en bas de chez nous ?
Bien trop souvent.
Le second soucis, et non des moindres, c'est la place. Quatre chambres, certes, mais seulement deux salles de bain. L'une est réservée à mon frère et sa petite amie, ce qui fait que nous devons nous partager la seconde. Et, ça aurait très bien pu fonctionner, pour peu que notre famille ne comporte pas en son sein, Damian et Miguel.
— Ouvre cette putain de porte ou je t'écorche vif !
— J'ai pas finis de me préparer !
Adossé au mur du couloir, je regarde Damian tambouriner sur la porte de notre salle de bain, les sourcils arqués à leur paroxysme tandis que l'heure tourne. Dans moins d'une heure, il doit être à Bellecour avec Mikky, afin d'y retrouver leur équipe pour pouvoir ensuite tous rejoindre l'Arène. Il aurait été bien plus simple de directement se rendre à la salle mais leur coach est quelqu'un de psychorigide et de plutôt arrêté sur certaines choses. Difficile de lui faire changer d'avis lorsqu'il a une idée en tête.
— Je me suis pas encore lavé les cheveux, Mikky bordel !
— J'ai presque finis !
Décidé à calmer les choses, je me rapproche de mon petit ami, et pose une main sur sa nuque pour le détendre. L'effet inverse se produit, il se tend comme un arc, et tourne vers moi un regard furibond.
— Tes cheveux sont très bien, je souris en caressant sa nuque.
— Non, pas du tout. Arrête de me mentir pour me ménager.
Je roule des yeux, dépose un baiser contre sa tempe, et l'attire contre moi alors qu'il tape à nouveau contre le panneau de bois.
Il est tellement crispé que je sens chacun de ses muscles sous mes doigts.
Depuis un an, j'ai pris au niveau de la taille, et je sais que ça a le don d'énerver Damian. Lui, n'a presque pas grandi, et selon notre médecin, il ne prendra plus que un ou deux centimètres au plus. La faute à son activité sportive trop intensive selon lui. Alors, lorsqu'il se retrouve ainsi, le nez dans le creux de mon épaule, il grogne, se débat, et je trouve ça tellement adorable que je ne peux m'empêcher de le lui faire remarquer. Résultat : il grogne, couine, rue comme un animal sauvage.
Alors que je le tiens serré contre moi, Rafaël fait irruption dans le couloir, nous dévisage, puis pointe le salon derrière lui d'un pouce équivoque.
— Danny est vraiment pas en forme.
— Il a pris un anti-vomitif depuis que vous êtes rentrés de chez le docteur ?
Mon frère hoche la tête, et je sens Damian se détendre entre mes bras.
Par rapport à leurs débuts difficiles, il existe désormais une véritable alchimie entre lui et Rafaël qui opère et qui détend mon petit ami.
— Je vais pas pouvoir vous accompagner les garçons, je suis désolé.
— Et Ari ? Elle nous rejoint là-bas ?
— J'imagine ? À part me beugler ce matin de garder un œil sur Danny et de veiller à ce que Dam mange, elle ne m'a rien dit d'autre.
Je me mords pensivement la lèvre en roulant des yeux : pauvre Rafaël. Lui qui me mettait toujours devant le nez que Damian est une teigne, un sale gosse prétentieux et j'en passe, il a depuis un an eu le temps de découvrir que certains traits de caractère se retrouvent dans les fratries.
Ariana est une horreur en ce moment. Certes, elle est en pleins partiels, mais ce n'est pas une raison pour être une boule de nerfs survoltée et franchement pas toujours très sympathique avec Rafaël.
— On a de la glace à la vanille dans le congèle si tu veux.
— Hilarant Dam. Tu ferais mieux de t'occuper de tes cheveux gras au lieu d'être une peste.
Nouvelle montée en tension, tous mes efforts réduis à néant en une phrase. Damian hurle, frappe la porte, insulte son frère et le mien dans un espagnol parfait. Rafaël m'adresse un petit signe de la main avant de rejoindre le salon, fier de lui.
Saleté de famille.
…
L'Arène, c'est un peu le sanctuaire de l'équipe de cheerleading de la ville. C'est ici qu'ils répètent, qu'ils s'exhibent, et qu'ils soutiennent leur équipe de basket.
La salle est immense, les gradins flambants neufs, et les écrans au plafond sont toujours allumés, dévoilant des images d'archive d'anciens matchs, des clips musicaux.
Seul, assis en tailleur sur mon siège, je fixe l'écran de mon portable avec un intérêt discutable, les yeux perdu dans les photos qui défilent sur ma page instagram.
Lorsque nous sommes arrivés en France, Damian, Ariana et moi avons tout effacé en ce qui concernait nos réseaux sociaux. Tout ce qui aurait pu nous compromettre est parti e fumer en quelques clics, du passé d'escort de Ari aux nudes et à la sale réputation de mon petit ami en passant par mes glorieux dérapages ultra-violents. Bien sûr, les habitants de Soledo, de l'autre côté de l'atlantique, ont toujours ces précieuses photos, vidéos. Notre seul espoir est qu'ils ne les divulguent jamais.
Ici, personne ne sait vraiment. Les gens supposent, s'interrogent, théorisent, mais n'ont jamais de vraies réponses. Ce serait trop dangereux, de tout révéler, car on prendrait le risque de tout revivre.
En bas des gradins, Nssim me fait un grand signe de la main, et me rejoint en trébuchant sur au moins deux marches. Paré de son sweat bleu à l'effigie de l'équipe, il est fier comme un coq de venir se planter à côté de moi.
— Vu que ton mec fait parti de l'équipe, et Mikky de l'équipe junior, y'aurait moyen d'avoir un pass VIP pour rencontrer les joueurs ?
— Mais bien sûr, je souris en l'avisant s'asseoir. Cinq cent balles et un Mars aussi ?
— Le sarcasme te va pas.
Sur le terrain, les joueurs de l'équipe sont en train de s'échauffer, tandis que le coach de Damian les briefe à grand coup de cris pas toujours très encourageant. J'avise Mikky, au milieu des jeunes de l'équipe junior, en train de sautiller sur place en tirant sur son tee-shirt.
— Danny est pas là ?
— Non. Gastro. Raf le garde, mais je vais filmer pour leur montrer...
Je reste un instant en suspend, mes yeux rivés sur le carré VIP des gradins, où viennent de prendre place les deux nouveaux, ainsi que ce qui me semblent être leur parents. Nassim suit mon regard et hausse les sourcils.
— Sois pas étonné Sammy, les Petrova c'est vraiment pas la même cour que nous.
— … j'avais capté oui.
Plutôt classes pour un événement sportif de ce genre, la petite famille discute sans prêter grande attention aux joueurs sur le terrain. Les deux enfants sont pour l'une sur son portable, pour l'autre en grande discussion avec une femme d'un âge certain.
— Arrête de les fixer comme ça, c'est creepy, me glisse mon ami.
Je hoche doucement la tête, et alors, les éclairages baissent, et le speaker entre en scène.
Ariana n'est pas là.
Elle n'a pas d'excuse pour ne pas être présente. Son dernier examen était ce matin, et elle ne travaille pas ce week-end.
Je soupire, m'imaginant déjà la dispute qui va s'en suivre ce soir, et écoute le présentateur nous rappeler que la recette de ce match amical sera reversée à la recherche pour le cancer.
— Je tiens également ce soir, à saluer l'un de nos plus grands investisseurs, monsieur Petrova Andrea !
Un spot lumineux se braque sur le carré VIP, tandis que ce qui doit être e père de Madeline et Alexandre se lève pour saluer la foule. Ce n'est pas l'homme que nous avons vu au lycée hier matin, celui-ci est bien plus grand, plus large d'épaule – il me fait penser à Monty Cortez.
— Merci à lui ! Et maintenant, je vous demande un tonnerre d'applaudissement pour les plus grands supporters de notre équipe, accueillez les Lions !
Les lumières baissent encore tandis que l'équipe de cheerleading rentre sur le terrain.
Lorsque Damian a rejoint l'équipe, il y a un an maintenant, je lui avais fait part du ridicule de leur nom. Les ''Lions'', l'équipe de cheer qui soutient l'équipe de basket officielle de Lyon, vraiment ?
Ce jour-là, il m'a envoyé paître – et pas qu'un peu – et a boudé pendant plus de six heures.
En septembre cette année, lorsque nous avons appris que l'équipe lançait un nouveau projet, une équipe junior, nous ne nous attendions absolument pas à ce que Mikky souhaite la rejoindre. Je me dis, encore aujourd'hui, que son intégration à l'équipe junior ne reposait pas réellement sur une envie de pratiquer ce sport, mais plutôt de partager quelque chose de concret avec son frère.
Ce qui est fou, c'est qu'il est très loin d'être mauvais à son poste de porteur, et qu'il a fait de réels progrès depuis cinq mois.
Microphone de Manic Drive se lance dans les enceintes, et Nassim sursaute à côté de moi. Attentif, il a les yeux rivés sur le terrain tandis que je commence à stresser. J'ai abandonné l'idée d'un jour être détendu lors d'une exhibition, comment pourrais-je espérer le contraire ? Mon petit ami est flyer, autant dire celui qui se fait jeter à plusieurs mètres de hauteur sans aucun ménagement par ses coéquipiers, qui est manipulé dans tous les sens, qui se tord et se plie en tous sens. Le fait qu'il ne se soit jamais rien cassé, foulé, ou tordu est un véritable miracle.
— Oh bordel...
Nassim jure, tandis que Damian est pour la première fois projeté en l'air par deux garçons d'une vingtaine d'année.
Moi, je me contente de grincer des dents, espérant le voir retomber sur ses pattes.
— Je sais pas comment tu fais mec, me glisse mon ami en se penchant vers moi. Ma copine ferait ça, je... je pourrais pas. Ça l'amuse de voler comme ça sans protection ? Sans déconner...
Je souris, lui donne un coup dans l'épaule, et ai la présence d'esprit de lancer la caméra – un peu tardivement certes – pour filmer la performance. Que ce soit Danny, Rafaël, Ariana ou Lu, j'aurais été la cible de leur réprimandes si j'avais oublié.
En face, les jumeaux Petrova sont focalisés sur l'exhibition. Je discerne même les flashs de plusieurs téléphones en train de capter la performance.
Lorsque l'équipe junior se joint à leurs homologues plus âgés, je remarque l'énergie débordante que met Mikky, et qui doit sûrement entendre les hurlements de Nassim à en croire son air hilare.
Et un saut, et deux, et trois. J'ai le souffle erratique, ils arrivent à me faire peur ces deux imbéciles, à se trémousser quelques mètres pus bas sans se soucier de mon état.
Nassim vient de poser une main sur mon épaule, tente de me rassurer d'un regard entendu tandis que là-bas, sur le terrain, Damian est en équilibre précaire, debout sur une jambe dans l'étreinte des mains de son porteur.
Je vais m'évanouir.
…
Adossé au mur de la file d'attente pour la cantine, je réponds distraitement sur le groupe d'échange que nous partageons avec nos anciens amis à Soledo.
« Vraiment ? » - Duke.
« J'ai du mal à croire que notre Mikky ait fait ça » - Duke.
« C'est logique, il a un sacré caractère de merde, comme tout le reste de la famille » - Lu.
« Merci Lu, ça fait toujours plaisir » - Damian.
Amusé, je jette un petit coup d’œil à mon petit ami par-dessus mon épaule, et l'avise en train de pianoter sur son propre portable, les sourcils froncés.
« Bref » - Isak.
« Du coup gros clash chez les Cortez-Portgas ? » - Isak.
« Non, chez les Cortez-Cortez, ne nous mêle pas à leurs disputes stp » - Samuel.
Je roule des yeux, et suis interrompu dans tous mouvements lorsque Édouard, un ami à moi, m'attrape le bras pour me tirer en avant. Je ne m'étais même pas rendu compte que la file avait avancé sans moi.
— T'es dans la lune mec, me lance t-il en ricanant.
— Je gère une crise familiale.
— Oh, sale week-end ?
Je secoue la tête, évasif, avant de soupirer.
Ce serait peut-être exagéré de qualifier ces deux derniers jours de ''mauvais'', mais la dispute qui a éclatée entre Ariana et Mikky samedi soir s'est répercuté sur l'entièreté de notre dimanche.
À peine étions-nous rentrés samedi, après la très bonne prestation de Damian et Mikky à l'Arène, que leur sœur leur est tombé dessus pour leur reprocher l'état catastrophique de leurs chambre, le désordre dans le salon, et tout un tas d'autres choses. Et, alors que je m'attendais à ce que mon petit ami réagisse le premier, c'est Mikky qui a explosé, lui reprochant d'être une sœur indigne, méchante et égoïste, avant d'aller s'enfermer dans sa chambre. Le fait qu'elle ne soit pas venu à l'exhibition y a joué pour beaucoup mais, je soupçonne que l'amertume de Mikky ne datait pas de et événement. Depuis le début du mois, Ariana est franchement imbuvable, et avec tout le monde. Pas étonnant que l'un de nous lui ait enfin claqué entre les doigts. Le fait qu'il s'agisse de Mikky a surpris, d'où le malaise ambiant hier.
« T'abuses, t'es autant concerné que nous » - Damian.
« Vous faites partie de la famille maintenant » - Damian.
« Pas lorsqu'il s'agit de vos crises de telenovela » - Samuel.
« Quoi ? » - Damian.
« Les mecs vous êtes mignons mais vos scènes de ménage, vous pouvez les régler en-dehors du groupe si c'est possible ? » - Chiara.
Je coupe mon portable, rageusement, et me tourne vers l'arrière de la file pour tenter de capter le regard de mon petit ami. Il est comme moi, adossé au mur et regarde dans ma direction avec un petit air renfrogné que je lui connais bien. Celui qui dit « Ce que tu dis est vrai, mais tout de même, évite de me mettre face à ce problème ». De la main, je lui indique de me rejoindre, il m'adresse un simple doigt d'honneur bien placé, avant de me tourner le dos.
— Il a pas l'air content, rit une voix derrière moi.
Grave, rauque, rien à voir avec celle de Édouard ou de Nassim. Rapide, je me retourne pour tomber nez à nez avec Alexandre Petrova, droit dans ses baskets blanches étincelantes et son jean large. Il fixe mon petit ami avec un air amusé au visage. Ses yeux sont plissés dans une expression de pure contentement, tandis qu'il se tourne vers moi.
— Samuel c'est ça ?
— Oui, je réponds d'un ton soucieux. Et toi c'est Alexandre ?
— Exact.
Je hoche vivement la tête, et reprends mon avancée dans la file, pour attraper un plateau que je pose négligemment sur les rails de la cantine, Alexandre sur les talons. Édouard m'interroge du regard, je hausse les épaules. Je ne comprends pas pourquoi ce garçon me suit, et encore moins pourquoi il me parle. Mes yeux coulent à nouveau vers Alexandre, qui relance immédiatement la conversation.
— Je vous ai vu au match samedi, m'explique t-il. Et puis, mes amis m'avaient parler des deux mecs débarqués des states en cours d'année. C'est pas anodin.
— Pas plus que deux frères et sœurs qui reviennent de Suisse en plein cours d'année.
— Touché.
Assez désappointé par mon échange inattendu avec Alexandre Petrova, j'attrape maladroitement mon assiette de salade, manque la renverser par terre. Mon vis à vis rit à nouveau, tout en m'indiquant d'éviter de tapisser le sol de salade verte saturée de sauce.
— Ton pote là-bas, c'est le nouveau flyer de l'équipe ? Ma sœur Maddy l'a trouvé excellent mais, la connaissant, j'imagine qu'elle a déjà dû le trouver sur les réseaux sociaux pour le lui dire elle-même.
— Il me fait flipper à chaque fois avec ça.
— Je comprends.
La cantinière me tend mon assiette de riz bien remplie, et je quitte enfin les rails pour me diriger vers une table quelconque, Édouard visiblement perdu pour de bon. Alexandre me talonne, et je ne comprends pas pourquoi.il a bien des amis avec qui allé manger non ?
Il s'assoit en face de moi tout en gardant un silence assez pesant. Le bruit autour de nous me donne mal à la tête, alors peut-être n'est-ce pas plus mal qu'il se taise. Édouard me donne un coup de coude dans les côtes, sur ma gauche, et me demande si je vais manger m salade.
— Si tu as envie de t'empoisonner vas-y, je ris en lui tendant l'assiette.
— Tu viens pas du pays de la mal-bouffe par hasard ?
— Rien à voir.
Mon ami commence à manger, et mon attention se tourne à nouveau vers Alexandre.
Nous restons ainsi à nous fixer quelques longues minutes, avant que le claquement d'un plateau sur ma droite ne me fasse sursauter.
— Putain de cantine de merde.
Damian ronchonne pour changer, et je constate sou plateau presque vide avec un froncement de sourcil.
Il ne semble pas plus intéressé que ça par la présence de Alexandre juste en face de moi, et jette son sac à dos par terre avec mauvaise humeur. Il n'adresse même pas un regard à Édouard, ce qui n'est pas vraiment étonnant lorsqu'on connaît le dégoût qu'il lui porte.
— Dis-moi la dramaqueen, tu vas te calmer ?
— Pourquoi tu me parles toi ? Après tout, je ne suis qu'une star de telenovela au rabais, acuerdas ? J'ai le droit d'être une dramaqueen.
Je roule des yeux, et surprend le rire de Alexandre.
Ce type est étonnant. Il est immense, aussi large d'épaule que son père, et porte d'ores et déjà une barbe plutôt fournie, mais à ces yeux rieurs plutôt enfantins. Damian fronce le nez, et se met à le fixer avec ses yeux perçant d'une façon qui, personnellement, me met mal à l'aise. Et pourtant, je le pratique depuis un an et demie maintenant.
Cependant, ça ne semble pas du tout déranger mon voisin d'en face qui, plus amusé qu'autre chose, plante sa fourchette dans son morceau de poulet avec gourmandise.
— Je peux savoir pourquoi tu ris toi ?
Ça y est. Les grands yeux de Damian toujours fixés sur lui, Alexandre trouve tout de même le moyen de soutenir son regard pour lui adresser le sourire le plus avenant possible étant donné la situation.
Ce geste n'a cependant aucun effet sur mon petit ami qui en un claquement de doigt, vient de rechausser son air de sale petit con arrogant. Je déteste lorsqu'il fait ça.
— Il n'y a absolument rien de drôle si on ne connaît pas le contexte alors, je vais te poser la question une dernière fois : pourquoi tu ris ?
— Tu... tu me fais marcher là hein ?
— J'en ai l'air ?
Je pose ma main sur la hanche de Damian, tente de le tempérer, alors qu'il est en train de monter en pression pour aucune raison. Un soupir remonte le long de ma gorge : j'arrive à le contenir, heureusement.
Alexandre passe une main dans ses cheveux châtains, me jette un regard équivoque, je me contente de hausser les épaules. Qu'il se débrouille avec Damian, j'ai déjà assez à le gérer vingt-quatre heure sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
— Pourquoi tu m'agresses comme ça ?
— Parce que je n'aime pas la façon que tu as de te pointer ici, et de prendre ma place, à ma table, en face de mon copain. Alors maintenant, tu vas récupérer ton plateau, et aller rejoindre l'un de tes nombreux amis qui t'ont fait une ovation ce matin, merci. Et surtout, n'oublies pas ton culot en partant.
— Wouah, Coco est en forme, grince Édouard.
— On a pas demandé l'avis du bas peuple, alors ferme-la.
Le coup de coude que je donne à Damian l'ébranle – j'ai parfois tendance à oublier ma force – mais ce n'est pas un problème. Qu'il soit de mauvaise humeur, en colère à cause de Ariana, grincheux à cause de ce que j'ai dis sur le groupe, oui. Mais s'en prendre ainsi à Alexandre n'est pas une solution.
— Quoi ? grince t-il.
— On est que lundi, alors relax.
— Ton copain à raison gattino, détends-toi, je viens en ami.
— J'ai pas besoin ni de ton amitié, ni de ce surnom ridicule. Circule.
Édouard se penche en avant pour pouvoir capter le regard de Damian. Ne pourrait-il pas pour une fois éviter de se mêler des sauts d'humeur de mon petit ami? La situation est déjà assez tendue.
— Damian, redescend là.
— Non merci, je suis bien en hauteur.
— Facile à dire quand on atteint même pas les un mètre soixante-cinq.
Damian gronde, insulte son vis à vis dans un espagnol tremblant de colère, avant de revenir àAlexandre.
Ce qui est fou, c'est qu'il ne semble pas du tout atteint par la langue acérée de mon petit ami. Il prend même ça à la rigolade. Ses yeux d'un brun profond ne le quittent pas tandis que je sens ses muscles se tendre sous mes doigt.
Alexandre finit tout de même par se redresser, et attraper son plateau avant de nous décrocher un grand sourire.
— Sam, ravi d'avoir fait ta connaissance. Et toi, gattino, on se recroisera.
Il s'éloigne, et je me tourne vers mon petit ami pour le foudroyer du regard.
En une fraction de seconde, il retrouve son air tranquille, et commence à découper une rondelle de tomate, l'air ailleurs, soulagé.
— C'était quoi ça ? De la jalousie ?
— Cariño, c'est moi qu'il a appelé ''chaton'' en italien alors, à ton avis, qui de toi ou moi devrait être jaloux ?
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