Partie 2

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Chapitre 5 : Les Masques Tombent

Les jours s’allongent, et la nouvelle de la bourse commence à se répandre. Au lycée, les murmures à propos de Yann changent de ton. De "pauvre type", il devient "l’intello" ou "le chanceux". Mais Yann sait que ces mots ne sont qu’une façade ; les regards moqueurs et les rires étouffés sont toujours là, juste plus discrets. Dans ce monde où tout le monde porte un masque, Yann avance prudemment, conscient que chaque mot, chaque geste peut le fragiliser.

Un vendredi, en sortant de cours, Yann est arrêté par Thomas, l’un des élèves les plus populaires du lycée. Yann ne lui a jamais parlé, mais il sait que Thomas fait partie de ceux qui se moquent de lui en douce. Yann s’attend à une remarque acerbe, mais, à sa grande surprise, Thomas le félicite pour la bourse. "C’est courageux, ce que tu fais", lui dit-il, les mains dans les poches, comme s’il cherchait quelque chose dans le vide.

Yann ne sait pas comment réagir. Est-ce sincère, ou un piège ? Il bredouille un "merci" timide et s’éloigne, les pensées embrouillées. Il ne sait plus à qui faire confiance ; même les compliments sonnent faux dans un monde où il est habitué à l’insulte. Pourtant, quelque chose dans l’attitude de Thomas le perturbe, une lueur dans ses yeux qui ressemble à de l’admiration, ou peut-être de l’envie.

Chapitre 6 : La Nuit des Confidences

Un soir, alors que Yann rentre tard après une séance de révision à la bibliothèque, il trouve son père profondément endormi sur le canapé, des bouteilles vides éparpillées autour de lui. Yann en profite pour rejoindre discrètement sa chambre. Il sait que les nuits comme celles-ci sont ses seuls moments de répit. Il s’assoit sur son lit, le regard perdu dans les dessins de ses sœurs, accrochés sur les murs comme des fenêtres ouvertes sur un monde plus coloré que le leur.

Il reçoit un message de Karim. "Ça va ? T’es où ?" Yann hésite, puis répond : "Je suis chez moi. Mon père dort." Une heure plus tard, Karim est à sa porte, avec un sourire chaleureux et une pizza à moitié froide. Yann l’accueille en silence, reconnaissant d’avoir quelqu’un à qui parler, même brièvement.

Assis sur le sol, ils mangent en discutant de tout et de rien, des devoirs, des rêves, de l’avenir. Karim parle de son propre désir de quitter cette ville, d’échapper à un destin tracé d’avance. "On mérite tous mieux que ça", dit-il, et Yann acquiesce en silence, pensant à ses sœurs, à sa mère disparue, à tout ce qu’il laisse derrière lui.

Puis, sans crier gare, Karim lâche une confession qui fait basculer l’ambiance. "Tu sais, Thomas, le gars qui t’a parlé… il m’a dit qu’il t’admirait, qu’il aimerait avoir ton courage." Yann le regarde, incrédule. Thomas ? Celui qui a toujours été parmi les autres, à rire de lui ? Il ne comprend pas. "Les gens ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être", ajoute Karim, et Yann réalise que derrière les apparences, chacun porte ses propres blessures.

Chapitre 7 : La Dernière Étincelle

Quelques jours avant son départ pour sa nouvelle école, Yann décide de confronter son père une dernière fois. Non pas pour se disputer, mais pour comprendre. Yann entre dans le salon et s’assoit face à lui. Koffi le regarde, un mélange de colère et de fierté dissimulée dans ses yeux fatigués. Yann prend une grande inspiration et, pour la première fois, ose poser la question qui le ronge depuis des années.

"Pourquoi tu me détestes autant ? Pourquoi tu nous fais ça ?"

Koffi reste silencieux. Puis, comme si un barrage cédait en lui, il lâche ses mots avec une amertume désespérée. "Je ne te déteste pas, Yann. Je suis en colère, tout le temps. Contre ta mère, contre moi-même, contre la vie. Je ne sais pas comment faire autrement." Les paroles sont brutales, mais pour Yann, elles résonnent comme une vérité libératrice. Il voit enfin l’homme derrière le monstre, un homme perdu, débordé par ses propres démons.

Yann se lève, et sans un mot de plus, il quitte la pièce. C’est la première fois qu’il sent son cœur s’alléger un peu. Il ne pardonne pas, mais il comprend.

Chapitre 8 : Le Départ

Le jour du départ, Yann se tient sur le quai de la gare avec son sac à dos et un billet vers une nouvelle vie. Ses sœurs pleurent, accrochées à lui, tandis que Koffi se tient à l’écart, les yeux baissés. Karim est là aussi, le sourire triste mais encourageant. Yann serre une dernière fois ses sœurs contre lui, leur promettant de les emmener dès qu'il le pourra.

Lorsque le train démarre, Yann sent son cœur se serrer, mais aussi une liberté nouvelle l’envahir. Il sait que le chemin sera encore long, que la douleur et les souvenirs ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Mais pour la première fois, il a fait un choix pour lui, et c’est tout ce qui compte.

Il regarde par la fenêtre, les paysages qui défilent, et dans chaque paysage, il voit un peu de cet avenir qu’il a toujours rêvé. Un avenir où il ne sera plus défini par les regards des autres, ni par les coups de son père. Un avenir où il pourra être lui-même, enfin.

Et tandis que le train s’éloigne de tout ce qu’il a connu, Yann se promet de ne jamais oublier d’où il vient, mais de toujours regarder vers où il va. Parce que maintenant, il sait que même dans la nuit la plus sombre, une lueur d’espoir suffit pour éclairer le chemin.

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