~ Chapitre 1.3 ~ (009) (010)

7 minutes de lecture

*

Le lendemain, après leurs cours et vers dix-sept heures, Joakim et son cousin Noah se rendent à Santa Monica Beach afin de piquer quelques têtes et accessoirement, admirer le joli panorama des lieux ; alias les jeunes filles en bikinis.

En effet, à Los Angeles, les Californiens travaillent beaucoup, mais terminent le plus souvent leurs journées en plein milieu d’après-midi, pour se jeter avec avidité sur les longues plages de sable fin. Notons aussi qu’ici, il y a deux soixante-dix jours de soleil par an et la température reste généralement comprise entre 18° et 30°. Pistes cyclables, roller, skate, bronzette… On peut dire que les Angelins profitent de la vie !

À peine arrivés, Joakim et Noah reconnaissent très vite deux visages féminins. Amy Wills et Trisha Hill sont installées sur des transats à quelques mètres.

Les demoiselles ont apparemment eu la même idée qu’eux. Farniente, discussions sans fin entre amies et mise en valeur de leurs précieux atouts, dans le but de charmer quelques beaux Californiens.

— Le monde est petit ! souligne discrètement la tête blonde de Noah, à Joakim qu’il considère comme son frère de cœur. En effet, le fait d’avoir grandi dans des maisons voisines n’a fait que tisser entre eux et au fil des années, de solides liens fraternels.

— On dégage, annonce Joakim en esquissant une grimace de dégoût et en accélérant le pas dans la direction opposée, tandis que son interlocuteur le suit avec empressement,

— Attends, ne sois pas pressé, on peut les inviter à boire un verre !

— Quoi ? Non merci !

— Genre ! Je sais qu’entre toi et Amy ce n’est pas trop ça, mais en ce qui concerne Trisha ? Eh eh ! Tu sais qu’on a tous remarqué qu’elle te mate à fond ! plaisante Noah avant de reprendre — Heeeeeey ! Attends ! Reviens !

Il rit encore en arrivant derrière son cousin qui s’installe plus loin sur la plage, à bonne distance des demoiselles. On sait jamais. Des fois que ces idiotes souhaiteraient venir leur adresser la parole !

Blasé, Joakim soupire,

— Elles sont aussi creuses l’une que l’autre.

— Ah ? Mais en fait, Jo', est-ce qu’il y a une seule personne sur terre qui n’est pas creuse, à tes yeux ?

— Je commence à me le demander… Et d’ailleurs, en parlant de ça, je crois que je vais devoir te laisser !

— Enfoiré ! s’esclaffe Noah en observant ensuite les courbes de Trisha qui se déplace désormais en direction de la mer, aux côtés de sa meilleure amie.

— Elles sont quand même pas mal du tout.

— Dans le genre poupées gonflables sans cervelle, sans doute.

Connaissant son cousin et sachant que celui-ci déteste les conversations puériles centrées autour des jeunes filles de leur âge, Noah cherche à changer de sujet, quand il aperçoit soudain leur comparse Alex, qui est en train de se rapprocher de Trisha et d’Amy.

— Wow, t’as vu ? Il est toujours fourré avec elles ! commente-t-il alors que son interlocuteur ne l’écoute plus, perdu dans ses pensées. Monologuant, le Breakdancer blond, de taille moyenne et à la carrure musclée, continue tout de même, l’air rieur,

— Et puis tu crois qu’il viendrait nous voir ce salaud ?

— Il te manque une paire de trucs ronds sur le torse pour lui plaire, reprend Joakim.

— Allez ! Viens, on va les voir, ça suffit de faire les asociaux !

— Pourquoi ? Laisse-les, Alex va peut-être conclure. Joakim soupire cela en se relevant du sol pour se mettre en chemin vers l’océan.

— Justement, c’est ce qui m’ennuie ! l’informe Noah en le suivant pour continuer de parler.

— Ne me dis pas que tu es intéressé par l’une des cruches ?

— Bah quoi… Je ne suis jamais sorti avec une blonde, alors que ma couleur de cheveux me prédestine pourtant à le faire ! Amy est peut-être mon dest.… Hey ? Joakim ?!

Son interlocuteur ne l’écoute déjà plus, préférant essayer de battre son propre record d’apnée pour tenter d’échapper à son moulin à paroles de cousin.

*

Quelques heures plus tard, vers vingt et une heures, c’est un long et copieux repas qui s’achève chez les Bauer ; les Mullers et les Beckers ont été conviés. Les discussions animées vont bon train et le passé de chacun se narre avec plaisir et nostalgie.

Les plus jeunes du groupe ne sont déjà plus de la partie, pas vraiment friands de ces réunions familiales qui s’éternisent : ils ont tous fui la pièce dès leur dernière bouchée avalée.

Le sexagénaire brun, Erwan Muller, sermonne affectivement, en direction de celui qu’il a élevé comme un fils

— Jeff ! Tiens-toi droit, on dirait un gitan, tu ne donnes pas le bon exemple aux enfants, imagine que l’un d’entre eux te voit ainsi avachi à table !

— Ah, aucun risque, ils ne redescendront surement pas ! soutient aussitôt Éva pour appuyer son frère jumeau.

Ana, l’épouse de Jeffrey, ne peut s’empêcher de rire, tandis qu’il intervient enfin pour plaisanter à son tour,

— On a déjà de la chance qu’ils aient mangés avec nous ! Parce qu’à l’époque, vous pouviez vous brosser pour qu’Eva et moi, on se coltine vos diners familiaux soporifiques.

Jeffrey fait référence à sa propre adolescence, lorsqu’il vivait, grandissait et évoluait, avec sa sœur jumelle, sa mère, ainsi que son beau-père.

— Je confirme, soupire Vanessa Beckers, épouse Muller, en se retournant d’un coup vers son homme pour reprendre d’un air amusé — tu te souviens chéri, quand ces deux couillons préféraient se commander des pizzas pour rester dans leur chambre, devant la console ?! On était vraiment trop gentils, quand j’y pense. Enfin, toi, surtout…

— Oh que oui que je m’en souviens, rit franchement Erwan Muller, ancien chanteur à succès, désormais retraité, avec émotion.

*

Pendant ces beaux discours qui relatent un passé heureux, Joakim, accompagné de sa liseuse et de son frère, se détend sur la plage, devant chez lui, avec un roman de James Joyce, Finnegans Wake.

C’est l’une des routines préférées des fils Bauer ; s’octroyer cette petite pause pour méditer, se relaxer, avec pour unique ambiance sonore le bruit des vagues qui viennent s’écraser sur le sable.

Joakim possède un lien particulier avec son cadet qui reste ; et malgré son handicap ; une compagnie idéale, un être d’exception qui apaise les esprits les plus tourmentés rien que par sa simple présence.

Et qu’il y a-t-il de plus confortable au monde qu’une retraite sous les étoiles dès la nuit tombée. L.A étant une si belle ville que Joakim ne se prive pas de ces moments à admirer les lumières de la cité des anges qui se reflètent avec souplesse sur l’océan Pacifique.

Le troisième membre de la fratrie Bauer arrive soudain derrière l’ainé de celle-ci, pour le surprendre et s’asseoir très vite sur le rocher contre lequel il s’adosse.

Joakim soupire alors aussitôt en conséquence,

— Oui ?

— Qu’est-ce tu lis ?

— La recette du foutou banane. Maugrée Joakim, blasé par cette question idiote. Il maudit les gens qui parlent pour ne rien dire ! S’il ne s’agissait pas ici de sa petite sœur, il lui aurait bien envoyé deux ou trois insultes cinglantes pour lui apprendre à tourner une dizaine de fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir.

— C’était histoire de parler.

Joakim ne lui répond plus et se replonge simplement dans sa lecture.

— Tu penses que j’ai un problème ? Reprends Erika dans un soupir en contemplant le ciel étoilé, l’air songeur.

— Non, mais tu vas en avoir un bientôt si tu ne me laisses pas tranquille.

— David m’a quittée. Il m’a dit que je ne me consacre pas assez à notre couple. Confesse Erika sans se soucier des mises en garde de son frangin. Elle a l’habitude. Joakim Bauer ne laisse personne étancher sa peine sur lui pendant des heures. Ou alors cela dépend des cas. Et du degré d’affection qu’il porte à la personne. Et encore…

— Cela t’étonne ? lui soupire-t-il avec lassitude.

— Je ne sais pas…

— Tu n’as pas deux compétitions importantes qui commencent bientôt ?

— Si, mais…

— Alors, va t’entrainer au lieu de me casser les pieds. Car je suppose que tu as encore envie d’écraser Gray.

— Bah carrément ! se surprend à lancer presque joyeusement Erika, avant d’ajouter en fronçant les sourcils d’un air boudeur,

— Tu es quand même chiant, on peut jamais te parler !

— T’as mieux à faire que de larmoyer maintenant que tu es débarrassée de ton looser. À plus et bon entrainement !

— C’est pas faux ce qu’il m’a dit, tout de même, je n’ai pas de temps à consacrer à une relation. Il a vraiment raison en un sens et même si ça me désole, ça ne me rend pas triste, au fond. Je pense que je m’en fiche. Tu penses que c’est normal, toi ? Je ne suis même pas sure d’avoir été amoureuse ! Il ne me manque que pour les longues discussions qu’on pouvait avoir ensemble !

Joakim ne dit plus rien, concentré sur sa lecture.

— Bon, je monte. Espèce de grand frère discount ! rit Erika avec un air taquin en se relevant de sa pierre. Elle ne souligne plus l’habituelle indifférence de son ainé. Qui des proches de Joakim Bauer ne connait pas son caractère, après tout. Son frangin n’est et ne sera jamais une épaule sur laquelle pleurer, mais il sait rester, cela dit, un guide précieux. Pourtant, et cela la jeune fille le regrette amèrement en tournant les talons, à une vieille époque désormais révolue, il y a de cela de longues années, il n’était pas encore cet être renfermé et froid.

— Erika ! Appelle Alarich en courant après sa jumelle pour l’agripper affectivement par le bras et la suivre. Il abandonne ainsi Joakim sur la plage pour faire de lui l’homme le plus heureux du monde ; enfin un peu de solitude…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 9 versions.

Vous aimez lire Emilie ヅ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0