~ Chapitre 5.2 ~

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— Tu veux boire quelque chose, propose gentiment Raphaël une fois dans le salon avec son fils, au milieu de quelques collègues qui passent et repassent autour de lui.

— Non merci.

— Je te fais visiter ? On a du temps à tuer, ma réunion a été annulée, alors si tu veux, je peux t’emmener au studio d’enregistrement et te faire découvrir mon métier !

— Tu joues à quoi papa ? Est-ce que j’ai l’air d’en avoir quelque chose à foutre ? Envoie sèchement Joakim avant d’aller se laisser tomber sur le canapé de la salle d’attente où l’a conduit son père. Il se met à regretter de ne pas avoir fait demi-tour dès l’instant où il a aperçu les manifestants commencer à se rassembler.

Dix minutes plus tard et tandis que son paternel s’est résigné à retourner avec ses collègues, un homme de la quarantaine arrive joyeusement vers Joakim pour s’exclamer dans sa direction.

— Bonjour ! Tu es Joakim ?

— Aux dernières nouvelles, oui.

— Ah ah j’en étais sûr, je t’avais reconnu ! Je suis Mike Keller ! Mais tu ne dois pas te souvenir de moi, alors que je t’ai connu tout petit ! Un rire énervant accompagne la réplique et cela agace le lycéen qui lève les sourcils d’un air blasé.

— Ma femme est la meilleure amie de ta mère, tu dois la connaître un peu mieux, elle ! Paula !

— En effet, soupire Joakim avec désintérêt afin de montrer à son interlocuteur qu’il pourrait aller trainer ailleurs.

— Tu veux que je te fasse visiter nos locaux ? reprend Mike, avec un grand sourire.

— Hum, pourquoi pas ! Je commençais justement à m’ennuyer ! Accepte aussitôt Joakim, sans l’once d’une hésitation dès qu’il réalise que son père l’observe de loin.

À cet instant, le cœur de Raphaël se serre de le voir ainsi filer avec son ami. Il continue toutefois de poursuivre sa conversation avec un autre de ses collègues, tout en se sentant humilié par le comportement de son rejeton.

Vingt minutes plus tard, Joakim revient de sa petite virée dans les locaux d’Universal Music. Il affiche un large sourire et discute cordialement avec Mike Keller. Il rit même avec lui.

Observant son attitude de loin, Raphaël s’intrigue et se dirige vers eux d’un pas rapide.

— Je parle sérieusement, si jamais un jour tu cherches un stage, tu n’hésites pas à m’appeler ! propose Mike à Joakim, avec un clin d’œil amical.

— C’est noté ! Tu m’excuses deux minutes ? répond Joakim avant de commencer à s’éloigner à grandes enjambées. Il a remarqué l’approche de son paternel et tente de l’esquiver. Une fuite vers la machine à café se désigne comme une solution salvatrice.

— Je suis fan de ton fils, s’exclame joyeusement Mike à Raphaël dès que celui-ci arrive à son niveau.

— Je vois en effet que vous avez l’air de bien vous entendre, tous les deux, renvoie Raphaël avec un soupçon de jalousie au creux de la voix, — et puis s'il a besoin d'un stage, je pense qu'il passera par moi en premier...

— Peut-être ! N'empêche, ça faisait longtemps que je l’avais pas vu ! Mais je dois avouer qu’il est d’une compagnie agréable ! Il s’intéresse et participe ! Si j’avais voulu faire visiter nos locaux à mon fils, il m’aurait envoyé bouler pour préférer jouer à la console ! poursuit Mike, sans réaliser la souffrance que ressent son collègue qui est actuellement en train de se noyer dans un océan de dégoût et d’aigreur.

De son côté, Joakim, qui discutait avec une secrétaire, reçoit soudain un coup de téléphone.

— Ouais, Miguel ? répond-il aussitôt.

— Salut Jo… Te demander ça m’embête, mais…

— Là dans l’immédiat, ça va être compliqué, je suis coincé à Universal Music, mais si tu peux attendre un peu…

— Je ne peux vraiment pas, tu le sais bien… mais ce n’est pas grave, je vais me débrouiller pour cette fois, t’inquiètes !

— Désolé encore. Bref, je te laisse, bonne journée.

L’humeur de Joakim descend en flèche alors qu’il raccroche son téléphone, agacé par le fait de ne pas pouvoir rejoindre son ami qui a besoin de lui.

— Alors tu es en dernière année, si j’ai bien compris ? Et que projettes-tu te faire ensuite ? reprend la secrétaire dans sa direction, l’air enjoué.

— Pour une secrétaire, ne pas connaître les règles de dactylo, c’est moyen.

— P... Pardon ? s’interloque la jeune femme alors que son interlocuteur observe son ordinateur où est affiché le courrier d’un client.

— Au moins, on comprend vite pourquoi on vous a placé si près de la machine à café ! ajoute Joakim avec un mépris non dissimulé.

— M… mais je ne te permets pas ! Tu.. Tu as de la chance d’avoir un père aussi adorable que Raphaël ! Sinon…

— Sinon quoi ?

— Un souci, ici ? Arrive justement Raphaël d’un pas rapide. Il n’a pas arrêté de surveiller son fils…

— Non rien, ne t’inquiètes pas, lui sourit la secrétaire pour ne pas créer d’ennuis.

L’air indifférent, Joakim revient vers le petit salon, quand tout à coup l’un des employés vient prévenir le reste de ses collègues, que les manifestants ont été dispersés par la police.

Les deux Bauer ne prononceront pas un seul mot sur le chemin du retour, au grand désespoir de Raphaël qui aurait souhaité discuter avec son fils de sa visite des locaux de l’entreprise…

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