~ Chapitre 8.1 ~ (047) (048)
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Trois jours plus tard, le Crew des Drifterz traine à la place Leimert. Ils profitent de leur samedi après-midi, en compagnie d’Amy Wills, Trisha Hill et s’étonnent que Joakim ne les ait plus rejoints depuis dimanche dernier. Trisha se demande aussi ce qu’il devient depuis qu’il l’a accostée dans le couloir de leur classe.
Presque toute la bande reste persuadée que le disparu leur a préféré la présence de Kristofer Varels, oubliant tout autour de lui, ainsi que ses cours.
De son côté, Noah, qui tient amoureusement Amy dans ses bras, l’embrasse régulièrement et ne s’inquiète pas de l’indépendance de son cousin. « Il ressurgira quand il le souhaitera ! Il faut lui lâcher la grappe », souffle-t-il en levant les yeux au ciel et en câlinant sa blondinette, assis sur l’un des bancs de cette place où son Crew traine souvent. Il profite ainsi de sa nouvelle vie de couple.
— Yo ! Salue soudain Andréas Cobain en arrivant vers le groupe.
Il sort d’un examen qui lui a fumé le cerveau !
Il rejoint toujours ses amis après les cours malgré l’interdiction de ses parents, mais désormais, il ne pratique plus le breakdance en leur compagnie. « Des fois que cet abruti de Joakim le dénonce à nouveau… » Andreas reste d’ailleurs satisfait de son absence et prie pour qu’elle se prolonge ! « Moins il le voit, mieux il se porte. »
Un désir mitigé, car, si la majorité des Drifterz apprécie la présence du jeune Bauer, quatre de ses membres s’en agacent souvent.
Zack Muller, qui se doit de partager l’opinion de son meilleur ami, Andreas Cobain, ainsi que Michael Davis et Jordan Smith.
— On attend Miguel et on se fait un parkour dès qu’il arrive ? propose l’impulsif Drifterz roux, Aïdan Brown, en direction de ses comparses. Il s’ennuie.
— Faut voir, parce que s’il est avec Joakim, on peut poireauter encore longtemps, intervient Hajer Riahi. Au pire, on l’appelle et on lui demande, au lieu de déblatérer pendant mille ans.
— Pourquoi vous posez-vous autant de questions, s’immisce Amy dans la conversation ? Joakim est-il un agent double travaillant pour le gouvernement, ce qui vous empêche de le contacter directement dès que vous vous demandez où il est ?
— Ben… c’est-à-dire que… commence Aïdan en se raclant la gorge et en jetant un regard vers Trisha qui a l’air de s’ennuyer.
Plantée à deux mètres de lui, elle observe les passants en silence. Elle semble absente, distante et nullement impliquée dans leurs discussions…
— En fait, il vaut mieux éviter d’appeler Joakim quand il traine avec Kristofer, ajoute Zack à son tour pour éclairer la blondinette. Ça le rend très désagréable et on n’a pas signé pour ça.
— Trisha nous racontera ce qu’il a fait pendant ces trois jours, puisqu’il l’a invitée samedi soir chez lui, s’exclame joyeusement Amy.
Elle lâche ainsi et avec fierté, une bombe dans les pattes de la bande.
L’ensemble des Drifterz se retourne aussitôt vers elle, l’air interloqué pendant l’espace d’un instant, puis riant très vite à gorge déployée.
— Une fête chez lui, donc avec Kristofer ? Tu vas t’éclater, Trisha ! pouffe Zack avec un clin d’œil, et, bien entendu, c’est ironique !
La jeune fille rousse s’intrigue de la réaction du brun qui remet sa mèche en place après sa réplique. Décidément, ce fameux Kristofer anime beaucoup de conversations, dans ce Crew…
— C’est bon ? Vous arrêtez ? s’agace soudain Noah en attrapant son téléphone portable, Joakim par ci, Joakim par là, vous avez gagné.
Deux sonneries plus tard, le Drifterz concerné décroche et Noah réalise qu’il n’y a aucun bruit de fond derrière lui.
— Salut, lui répond Joakim d’une voix calme.
— Salut mec. Qu’est-ce que tu fais ? demande rapidement le blondinet.
Il s’intrigue du silence autour de son interlocuteur, car il l’imaginait saoul lors d’une fête chez Kristofer.
— Là, rien. Je suis chez moi.
— Parfait, ça ! Tu nous rejoins, du coup ?
— Euh, je ne peux pas.
— Il y a un problème ? Tu sais que si ma nouvelle eau de toilette te déplait, dis-le-moi en face… pareil si tu en as marre d’être en dessous, on peut permuter, tu sais…
— J’ai quelques trucs à régler et je n’ai pas l’impression d’avoir quitté vos faces de poux depuis longtemps. Je vous manque tant que ça ? rit Joakim en pianotant sur son ordinateur.
Noah perçoit le bruit de ses touches et comprend qu’il dit la vérité.
— Bah ouais, on est fan de toi, tu le sais bien ! s’amuse-t-il en revenant avec sérieux, bref, le geek, cet après-midi, on a prévu d’aller chercher les costumes.
— Oh, flemme. Prends-moi le même que toi.
— Tu abuses de fou ! En plus, on avait dit que chacun devait avoir un animal différent !
— Choisis en moi un de requin alors.
— Pas con, c’est vrai que ça te corresponds bien !
— Je sais… conclut Joakim avec un petit sourire en coin et en s’étirant de satisfaction sur sa chaise.
*
Quelques heures plus tard, dans sa chambre à la décoration très féminine, Trisha se maquille avec nervosité devant sa coiffeuse. Elle espère que l’invitation de Joakim tient toujours, puisqu’elle ne l’a plus revu depuis mercredi. Soixante-douze heures à penser à lui, en s’interdisant de questionner Noah à son sujet et quatre mille trois cent vingt minutes à prier pour qu’il ne se soit pas payé sa tête.
Quelqu’un de normal aurait possédé des réseaux sociaux pour qu’elle le contacte dessus, mais normalité et Bauer ne riment pas ! Soupirant avec un brin d’espoir, elle se demande si son crush du moment l’attendra en bas de son immeuble ou s’il prendra la peine de monter sonner à sa porte. S’IL VIENT ! Elle réfléchit à l’endroit où elle devrait le retrouver, à vingt et une heures.
Partagée entre un sentiment d’excitation et d’angoisse, elle hésite à se démaquiller pour enfiler son plus moelleux pyjama, en oubliant tout d’un certain énergumène qui s’apprête sans doute à lui poser un lapin…
Le cœur battant la chamade, elle aimerait que tout ceci ne soit pas une vaste blague, car il faut avouer que le reflet du miroir de sa coiffeuse lui dévoile une splendide jeune femme qui ne le laissera surement pas indifférent.
— Tu es sublime, ma chérie, la flatte soudain sa mère en pénétrant dans sa chambre, et tu feras en sorte qu’il te ramène après la soirée par contre. Tu m’appelleras s’il ne souhaite pas le faire. D’accord ?
— Oui, bien sûr, si l’invitation tient toujours !
— Comment ça ?
— Ça fait trois jours que je ne l’ai plus revu !
— Mais tu ne le vois pas tous les jours, au lycée ?
— Non, il n’y va pas tous les jours.
— Eh bah ! En voilà un qui ne se sent pas très concerné par sa graduation ! Et ses parents, ils ne disent rien ? Surtout qu’il va se faire virer, à force !
— En fait, il obtient de bonnes notes malgré ses absences, au point qu’il se permet parfois de rendre une copie blanche ! rit Trisha en apprenant cela à sa mère, ça se voit qu’il est loin d’être con.
— Eh bien, tant mieux si tout lui réussit en étant fainéant ! Mais évite quand même de prendre exemple sur cet énergumène !
— Oh, t’inquiètes pas pour ça ! sourit Trisha en scrutant l’heure sur son téléphone portable, il est censé arriver dans un quart d’heure… je me demande s’il viendra en bas, ou à la porte ? s’il vient…
— Aucune idée, mais tu seras bientôt fixée ! Au fait, ce n’est pas pour changer de sujet, mais est-ce que tu sais ce que devient Joey, avec tout ça ?
— On ne s’est pas reparlé depuis la rupture, donc non, je ne sais pas du tout comment il la vit....
— Je ne parlais pas de ça, mais de ce qui arrive à son père. Tu as vu les infos hier soir, ou faut que je te brieffes ?
Brett Sanders. Le célèbre chirurgien californien vient de tomber entre les mains de la justice pour trafic d’enfants, pédopornographie et autres. Un réseau entier révélé au grand jour et l’homme hurle encore son innocence, alors que toutes les preuves semblent contre lui. Son avocat bataille actuellement pour tenter de le faire écoper de vingt ans de prison ferme, au lieu d’une peine à perpétuité…
Trisha n’a pas le temps de réagir à la phrase de sa mère que la sonnerie de l’appartement retentit soudain.
— Oh mon dieu, c’est lui ! piaille-t-elle.
Son cœur manque un battement alors qu’elle rougit déjà comme une pivoine. Stressée, elle s’admire une dernière fois dans le miroir de sa coiffeuse et demande :
— Ça va, je ne suis pas trop mal, non ?
— Tu es resplendissante, s’exclame Maya Hill avec un sourire malicieux. Va le rejoindre sans plus attendre !
Trisha rit et se dépêche d’aller ouvrir à Joakim, tandis que sa mère la regarde de loin, foncer pour accueillir le jeune Bauer à l’extérieur de l’appartement ! Au grand malheur de la femme mature qui aurait apprécié le voir en chair et en os !
Trisha n’a pas le temps de prononcer quoi que ce soit à son éphèbe qui l’attrape soudain par la taille pour l’embrasser passionnément dès qu’il l’aperçoit et alors qu’elle pousse la porte de chez elle d’une main, pour la refermer. Pudique, elle ne souhaite pas que sa mère assiste au spectacle de sa langue qui entame un langoureux ballet avec son partenaire.
— Tu es très belle, lui murmure Joakim dans un souffle et contre ses lèvres.
Trisha lui rend son compliment en observant sa tenue qu’elle trouve terriblement sexy, grâce à une veste grise, ouverte sur un tee-shirt blanc, sur lequel retombent deux plaques en métal, attachées par un long collier.
— On doit se dépêcher, lui sourit Joakim en lui pointant l’ascenseur du regard.
— J’étais persuadée que tu ne viendrais pas, tu sais.
— Oh ? Eh bien, tu t’es trompée ! lui renvoie-t-il en pénétrant dans l’élévateur derrière elle.
Il appuie ensuite sur le bouton « rez-de-chaussée. »
— J’aurais moins stressé si on avait échangé nos numéros ! ose la rouquine pour lui faire passer un très explicite message.
Un homme normalement constitué arrêterait soudain ses pas pour corriger cet oubli !
— Sans doute, lui répond-il simplement alors qu’ils arrivent devant une sportive rouge garée à quelques mètres.
— Euh, elle est à toi ? s’horrifie Trisha car elle n’a jamais vu cette moto devant chez elle auparavant.
— Oui, pourquoi ? Ne me dis pas que tu as peur !
— Pas particulièrement, mais regarde ma tenue et mes talons !
En effet, la robe moulante et très courte de la jeune fille ne se prête pas vraiment à diverses cabrioles sur un tel engin…
— Bah… soupire Joakim avec indifférence, monte en amazone.
— En plus, il y a qu’une place sur ta moto, non ?
— Oui, c’est une sportive.
— C’est mignon, tu as l’air de penser que je m’y connais en moto !
— Assieds-toi, tu es très fine, ça va passer. Accroche-toi à moi.
— Hmmm… si tu le dis… obéit Trisha en s’installant difficilement sur l’ignoble engin.
Elle se demande, dans un soupir, l’intérêt de posséder une moto d’égoïstes, quand il en existe avec deux places ? Agacée, elle regrette d’avoir mis tant de temps devant sa coiffeuse, pour lui plaire, alors que lui semble se ficher de son inconfort et de son malaise.
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