~ Chapitre 9.3 ~
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En fin de journée et alors que le jeune Bauer vient de ranger sa moto dans le garage familial, son téléphone vibre soudain et il se hâte de décrocher, l’air satisfait.
— Ouaip allô Hajer ! Alors, comment ça s’est passé ?
— Ce sont des fils de putes !
— Ah merde.... réagit Joakim en analysant très vite la rage croissante de son ami.
— Je suis dégouté ! grince-t-il avec un désespoir palpable, bref, tu tenais à ce que je t’appelle en sortant… c’est fait ! Et tu avais raison, je suis nul…
Le jeune écrivain réprime un sanglot.
— Non, j’avais tort, le contredit calmement son interlocuteur. Et tu ne vas pas te laisser écraser.
— Ah ouais ? reprend Hajer avec une colère croissante. Et qu’est-ce que tu veux que je fasse pour leur apprendre à péter moins haut que leurs culs, à ces enculés ?
— Un feu de joie !
L’écrivain amateur en rit aux éclats, puis ajoute avec aigreur.
— Ça serait tout ce qu’ils méritent, mais ils ont du bol, j’ai rien sur moi pour tout faire cramer.
— Et comment tu allumes tes clopes, alors ?
— Ben, sachant que j’essaie d’arrêter de fumer… répond Hajer en fouillant tout de même ses poches.
Dans la plus grosse de son baggy, il réalise rapidement la présence d’un petit objet métallique et glacé ; un briquet en chrome de la marque Zippo.
Il sourit face à cette savoureuse coïncidence, puis se demande quand il a pu subtiliser cet objet. « Surement un larcin dérobé en boite de nuit ». Il en rigole et s’en amuse, tout en informant Joakim de sa trouvaille.
— La nuit va bientôt tomber et la station-service d’à côté est ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le renseigne soudain Joakim avec calme et avant de jeter un œil à sa montre. Oh merde, je dois te laisser, je te rappelle un peu plus tard. Ou toi, si tu as besoin, pour quoi que ce soit.
le jeune Bauer raccroche son téléphone après sa tirade qui réussit à troubler un interlocuteur simplet.
D’un pas lent, car encore désespéré par son échec d’aujourd’hui, Hajer commence à s’éloigner avec une sensation d’avoir le cœur pris dans un étau. Il se souvient douloureusement de toutes ces heures passées à écrire, pour rien. D’un père qui le traite de minable au quotidien, de déchet qui n’arriverait jamais à rien… Son cerveau boue.
Une heure plus tard et à force de cogiter sa détresse, il revient discrètement aux alentours de Black Coat Press avec dDeux jerricanes moyens qui gonflent désormais son sac à dos.
Il en serre encore les dents de rage puis, aveuglé par sa propre colère et satisfait que cet endroit soit aussi si peu fréquenté, ce soir, il éparpille discrètement des papiers froissés devant l’entrée du bâtiment, avant de leur vider dessus ses deux bidons.
D’un geste vif, il enflamme ensuite le tout.
C’est lorsque le feu commence peu à peu à grimper sur l’établissement en grignotant la grande porte en bois qu’une peur terrible s’empare de lui. Terrifié par son acte irréfléchi, il court à quelques mètres pour se jeter derrière un buisson dissimulé dans l’ombre, pour s’y cacher et se dépêcher de téléphoner à Joakim.
Par chance, son interlocuteur qui attendait son appel décroche dès la première sonnerie :
— Oui , allô? Ça va ?
— Non ! Au secours, Jo, qu’est-ce que j’ai fait ? Au secours, aide-moi !
— Qu’as-tu fait ? demande le jeune Bauer avec un sourire en coin qui trahit une infinie satisfaction.
— Ce que tu m’as dit… JE SAIS, je suis trop con ! Pitié, aide-moi ! Ne me laisse pas tomber, je t’en supplie, me laisse p…
— Jette dans les flammes tout ce qui peut être compromettant, ordonne calmement Joakim avec une assurance terrifiante. Tout ce qui peut servir à allumer un feu, allumettes, briquet, bref, vide tes poches. Et ensuite, barre-toi.
— J’ai.. j’ai.. j’ai toujours le briquet, et.. Bégaie Hajer avec détresse avant de reprendre, bref d’accord, tout de suite, je.. Je.. Tout de suite ! Je fais ça ! D’accord !
Il revient discrètement vers les flammes et dans la panique, y jette quelques bouts de papier insignifiants, un paquet de chewing-gum, ainsi que le fameux Zippo, avant de courir dans la direction opposée.
— Calme-toi, respire, marche paisiblement, tu n’as rien à te reprocher. Tu es un passant comme un autre. Rassure Joakim dans son téléphone alors qu’il entend son ami haleter.
— Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que j’ai fait ? Putain, j’entends les pompiers ! J’entends les pompiers ! Joakim ! À l’aide !
— Et alors ? Il y a eu un incendie, c’est donc tout à fait normal qu’ils arrivent, ils font leur boulot. Continue ta route en marchant l’air de rien. Ton visage laisse transparaitre ton agacement vis-à-vis de la jeunesse actuelle, tu es lassé de vivre dans une ville avec tant de criminalité…
— Mais c’est moi qui ai fait ça, Joakim ! Criminalité, mes couilles, c’est moi le criminel !
— Hein ? Mais non, tu n’as rien fait, puisqu’il n’y a aucune preuve pour t’incriminer. Tu m’entends ? Tu n’as rien fait. Et personne ne saura jamais ce qui s’est passé cette nuit. Toute cette histoire restera entre toi, et moi. Alors tu vas rentrer chez toi et tout oublier.
— Et si je, et si je…
— Personne ne remontera jusqu’à toi. Car personne ne t’a vu, ce soir. Personne. N’est-ce pas ?
— O. Oui. Personne…
— Très bien, c’est parfait. Rentre paisiblement chez toi, maintenant. Et fais-moi confiance. Tu as confiance en moi, n’est-ce pas ?
— Oui…
Hajer ne ment pas, car il ne peut se sentir qu’en sécurité avec un ami qui a toujours et en tout temps, une longueur d’avance sur les évènements. Jamais rien ne pourrait prendre Joakim au dépourvu et tous le savent…
— Tu es encore loin de chez toi, là ? demande de nouveau le jeune Bauer.
— Non, je suis arrivé…
— Alors monte dans ton appartement, prends une bonne douche, mange, et va te coucher. Demain, on a un examen de maths ! Ne pense plus qu’à ça. Je te vois au lycée, bonne nuit.
— O.Oui…
— Fais ce que je t’ai dit et tout ira bien.
— Oui, promis…
— Bien. Bonne nuit.
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L’enquête sur l’incendie criminel de Black Coat Press se bouclait rapidement, lorsqu’un inspecteur découvrait dans les débris du bâtiment, un briquet en chrome de la marque Zippo, très peu abimé par les flammes. Le bas de l’objet portait une gravure discrète, avec l’identité de son propriétaire « Joey Sanders ».
Un nom qui ravivait immédiatement certains souvenirs.
Intrigués et dans le but de fouiller toutes les pistes possibles, même les plus minuscules, trois policiers se pressaient d’interroger le concerné sur ses activités, le jour du délit et vers vingt et une heures, sans lui parler du Zippo en leur possession ; pour que celui-ci leur réponde qu’il n’avait rien fait dans cette tranche horaire et qu’il ne pouvait trainer devant une maison d’édition « moi, mon truc, c’est le football ! » clamait-il. Plein de bonne volonté, il leur expliquait par la suite le déroulement de sa soirée : à dix-huit heures, il finissait son entrainement, pour rentrer chez lui afin de prendre une douche, pour ensuite se préparer et ressortir vers dix-neuf heures quarante-cinq, car il devait retrouver son ex-petite amie qui lui avait donné rendez-vous pour boire un café, parce qu’il lui manquait, soi-disant. La garce lui avait d’ailleurs posé un lapin ! Mais elle pouvait surement lui servir d’alibi.
Les enquêteurs le menottaient juste après en lui montrant son briquet, trouvé sur les lieux de l’incendie. « vous étiez sur place, pourquoi mentez-vous ? » en panique, Joey hurlait qu’ils « faisaient la une grossière erreur ! » Il en bégayait de désespoir, tremblant de tous ses membres. « je venais de perdre mon Zippo, le jour même, dans mon vestiaire, sans doute entre midi et deux, je crois, je vous le jure ! » s’époumonait-il nerveusement et alors qu’on le poussait dans une voiture de police. Après le père, voilà que le fils s’y mettait et ce gamin allait apprendre qu’il ne devait pas marcher sur les traces d’un mauvais exemple…
Consciencieux, les enquêteurs questionnaient tout de même Trisha peu après et la demoiselle contestait aussitôt avoir envoyé le moindre message à Joey Sanders, pour l’inviter au Eight Coffee ; un café situé, comme par hasard, à trois rues de Black Coat Press… La rouquine en restait bouleversée, choquée de réaliser que son ex osait se servir de son nom pour tenter de camoufler un délit pareil ! « Quel psychopathe ! »
De son côté, Joey continue à nier en boucle sa présence sur les lieux du crime, alors qu’on l’incarcère dans la prison basse sécurité de Terminal Island, dans l’attente de son jugement.
Abasourdi par un enchainement sordide d’événements absurdes, le jeune homme tourne désormais en rond dans sa cellule et ne comprend pas pourquoi son ex-petite amie avait ainsi menti pour l’enfermer ici et détruire sa vie. Il la déteste ! « Cette sombre garce qui lui avait demandé d’effacer son message après lecture, car elle agissait dans le dos de son nouveau mec ! »
* *
*
La résolution de l’affaire de l’incendie passe sur les plus grandes chaines d’informations et le foyer Bauer regarde NBC, ce soir.
Erika n’en revient pas et apprend à ses parents qu’elle le connait, ce Joey ! « Il est le capitaine de l’équipe de football de leur lycée ! » Raphaël et Éva restent horrifiés par la situation, mais soulagés que leurs enfants ne fréquentent pas ce gamin issu de la pire des familles.
De son côté, Joakim écoute le journal télévisé avec une satisfaction infinie, dissimulée derrière un air impassible et neutre. Il jubile.
Son téléphone portable sonne soudain dans le creux de sa poche et il répond sans attendre pour entendre Hajer pleurer à l’autre bout du fil :
— Joaaaakim ! Tu as vu les infos ? Mon Dieu, mon dieu, mon Dieu ! Qu’est-ce qu’on a foutu ? Boooordel !
— Oui et je suis tout aussi choqué que toi… Mais on ne le connaissait pas tant que ça et je crois qu’il avait des problèmes…
— M… mais quoi… ? bégaie Hajer dans l’incompréhension
Son estomac se noue alors qu’il réalise à quel point son ami excelle dans l’art de la comédie.
— Je dois te laisser Hajer, je suis en famille, là. On se prépare à regarder un film. Bonne soirée et à demain ! Et n’oublie pas ce qu’on s’est dit !
— Euh ouais, à demain…
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Au même moment, Trisha Hill ne regarde pas le journal télévisé avec sa mère, pour se préoccuper de ce qui arrive à un taré, mais plutôt YouTube, confortablement installée sur son lit avec son laptop. Elle visionne le clip des Drifterz posté par Noah, il y a peu, en le commentant au téléphone avec sa meilleure amie ; qui elle, s’impressionne beaucoup moins du petit numéro des jeunes hommes.
Quand la rouquine s’extasie avec fierté devant cette vidéo, que « le requin reste franchement le plus beau du groupe, eheh » ! Amy soupire avec une indifférence évidente pour Noah, dont elle vantait le moindre fait et geste il y a peu, le congratulant pour tout et rien.
Trisha ne comprend pas ce revirement de situation et n’attend pas pour lui demander si elle voudrait lui confesser quelque chose, par le plus grand des hasards.
— Y a rien, mais je vais pas piailler parce qu’il a fait un clip, déguisé en nounours, avec ses potes.
Son ton frôle le désagréable, car elle a du mal à dissimuler le fait que son compagnon l’intéresse de moins en moins. « trop parfait. Trop gentil. Trop attentionné et trop doux. Un canard. Un putain de, CANARD » qui peut tout lui offrir, comme la première des serpillières bas de gamme du coin. La demoiselle blonde se rend compte qu’elle s’ennuie dans ce genre de relation et commence à envier le couple de sa meilleure amie.
*Clip des Drifterz ci-dessous XD
https://www.youtube.com/watch?v=aAccyhtLXK0
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Du côté Bauer et alors que Joakim revient vers sa chambre, Erika se précipite soudain vers lui pour lui sauter affectueusement au cou.
Les bras ballants, le long du corps, il n’attend par pour lui demander quelle mouche aurait bien pu la piquer, pour qu’elle se dépêche de s’exclamer, d’un petit air penaud et en esquissant une bouille mignonne et attendrissante :
— Je comprends maintenant pourquoi tu ne voulais pas que je sois Cheerleader ! Tu voulais en fait m’éloigner de ce malade mental ! Tu l’avais cerné depuis le début ! Et tu as donc voulu me protéger… Comme toujours ! Alors, excuse-moi d’avoir mal parlé de toi et promis, je ne contesterais plus jamais tes décisions. Tu es le meilleur des grands frères et je t’aime fort !
— Je suis content que tu t’en rendes compte, se contente de sourire Joakim avec un petit clin d’œil.
Il jubile comme jamais de cet échec et mat, à tous les niveaux, après avoir tout retiré à ce chien de Sanders : son grand amour, son père, ainsi que sa propre liberté.
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Et pendant que le reste de la fratrie se réconcilie à quelques mètres, Alarich cours s’enfermer dans sa chambre, terrifié d’avoir aperçu et reconnu, par la baie vitrée du salon du premier étage, celui qui l’appelait à l’aide sur la plage, il y a deux semaines, pour qu’il se précipite vers lui alors qu’il ne devait pas sortir sans Erika…
Michael Davis.
Le Bauer le plus pur de la famille n’oublierait ce visage pour rien au monde, mais souhaite que son ainé ne le remarque pas, parce que depuis tout ce temps, l’aura maléfique qui flotte dans cette maison lui déchire le cœur tous les jours un peu plus et il aimerait tant que son grand frère arrête de s’enfoncer dans les ténèbres…
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