~ Chapitre 13.1 ~

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Une fois sur son palier, la rouquine tourne discrètement les clefs de chez elle pour entrer avec son homme. Ils se faufilent ensuite jusqu’à sa chambre où Trisha va se dépêcher d’indiquer à Joakim de s’installer sur son lit. Elle espère que sa mère ne rapplique pas en trombe, car l’idée de devoir lui expliquer la présence de son blessé ici et non aux urgences ne l’enchante pas. Elle imagine déjà son air effaré tandis qu’elle déshabille le torse de son petit ami pour récupérer ses vêtements maculés de sang séché. Il bougonne et lui rappelle qu’il ne souffre d’aucun handicap et ne nécessite pas son aide à ce niveau !

Il râle ensuite comme un pou quand elle tente de jouer son rôle d’infirmière. « Elle appuie sur une côte ! Il a mal ! Toubib de pacotille ! Qu’elle ôte ses vilains doigts de là », alors qu’elle lui désinfecte ses plaies et lui passe un gant de toilette sur le visage pour le lui nettoyer.

Devant ses airs de grands malheureux au bout de sa vie, elle soupire et se moque affectueusement de lui :

— Regardez-le, l’impressionnant Joakim Bauer…

— Mais t'es pas douce, aussi ! se défend immédiatement celui-ci, vexé. Tu veux juste m’achever !

— Oui, oui, gros bébé, allez, repose-toi maintenant !

Le jeune homme obéit et ferme les yeux, pendant que sa petite amie ramasse son linge. Elle prévoit de s’éclipser dans la salle de bain pour tout mettre dans la machine à laver. Un cycle rapide de quinze minutes devrait suffire à nettoyer ces taches non indélébiles.

Sa mère entre soudain dans sa chambre alors qu’elle se préparait à en sortir.

— C’est bien ce qu’il me semblait ! grince-t-elle immédiatement en remarquant le blessé allongé devant elle.

Piégée, Trisha se dépêche de lui expliquer en bref qu’elle le récupérait en ville après une agression… Mais Maya demande pourquoi sa progéniture ne souhaite pas le ramener chez lui ou à l’hôpital. La jeune fille lui assure alors qu’elle préfère s’en occuper cette nuit afin qu’il puisse rentrer le lendemain ! Elle précise que toute cette histoire doit rester entre eux. Un clin d’œil plein de sous-entendus accompagne sa réplique.

Sa mère n’apprécie pas de ne pas prévenir les parents Bauer de l’agression de leur enfant, tandis que Trisha revient s’asseoir sur le rebord du lit aux côtés de son homme pour lui caresser la joue. Il semble dormir à poings fermés et cela l’émeut profondément.

— Ton copain a peut-être fait quelque chose de grave, insiste la quadragénaire avec méfiance. Il est sacrément amoché…

— Bien sûr que non !

— Et qu’est-ce que tu en sais ? Les garçons à cet âge se battent facilement ! Souviens-toi de ce que Joey a été capable de faire !

— Ne le compare pas à ce dégénéré !

— Bien entendu, souffle Maya avec dépit. Du coup je retourne voir mon film, tu as ce qu’il faut dans la pharmacie. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis dans ma chambre. Et demain, il rentre chez lui…

Dix minutes plus tard et après avoir enfin mis les vêtements de son petit ami dans la machine à laver, la jeune fille revient rapidement vers son blessé qui a ouvert les yeux entre temps. Il a réussi à s’asseoir tant bien que mal sur le lit et pianote sur son téléphone pour répondre aux messages d’un certain « Enzo ». Trisha remarque ce prénom masculin et se rapproche de son homme pour s’installer derrière lui et lui attraper la tête pour qu’il la pose sur ses cuisses.

— C’est qui ? demande-t-elle, l’air curieux.

— Le frère de Miguel, marmonne Joakim en grimaçant de douleur.

Il râle ensuite parce que sa rousse lui tient le visage entre ses mains pour le câliner comme s’il avait « huit ans et demi ! » « il n’est plus un bébé, elle doit lui lâcher les couilles ! ». Amusée, celle-ci rit, lui tire la langue, puis le qualifie de « bébé dans un corps d’homme. »

— Trisha, est-ce que tu peux faire une recherche pour moi ? demande le fameux nourrisson en redevenant sérieux.

— Oui, bien sûr.

— Avec tout ça, j’ai manqué Starquest et j’aurais voulu connaître le résultat de la compétition. Va voir sur le site officiel pour moi, s’il te plait.

— Tu penses que c’est fini ?

— Ça a commencé depuis plus de deux heures, donc oui. Les résultats doivent être sur le site.

Sa petite amie se relève rapidement pour s’asseoir à son bureau, devant son laptop, tandis qu’il grimace de douleur en se mettant sur le côté pour l’observer.

— Je te ramène du Tramadol dans deux minutes, l’informe sa rousse en pianotant sur son ordinateur. Tu as de la chance dans ton malheur, car ma mère en a quelques boites pour quand sa sciatique se réveille.

— Mais tu as des yeux derrière la tête ? s’étonne-t-il, car elle lui parle en lui tournant le dos.

— L’instinct, mon cher, lui sourit-elle avec fierté.

— L’instinct de casser des couilles.

— Tu ne devrais pas faire ce genre de blagues quand tu es alité et agonisant ! Un coup de coude est vite arrivé sur une côte cassée… Mais moi j’dis ça, j’dis rien !

— Agonisant, moi ? Je suis au meilleur de ma forme, arrête !

— Molly Gray a remporté cette édition de Starquest.

— Hein ? s’intrigue Joakim, surpris. Tu es sure ?

— Ben tiens, regarde par toi même, lui répond-elle en revenant vers le lit avec son ordinateur portable.

Elle le pose sur le matelas et s’assoit à côté, tandis que Joakim recule légèrement pour lui offrir de l’espace.

Le jeune Bauer constate de ses propres yeux la page d’accueil du site actualisée pour afficher les noms des nouveaux vainqueurs, ainsi que les clips des représentations qui leur ont valu leurs titres. La blondinette obtenait bel et bien la première place dans la catégorie « solo », quand la médaille « couple » semblait remportée par deux adolescents issus de l’école Rolling deep.

Blasé, il fait défiler l’écran jusqu’à la prestation de la rivale de sa sœur.

— Bah… Elle a mérité sa victoire, grince-t-il avec dépit vers la fin de la vidéo. Regarde la suite du classement pour voir où a terminé l’autre idiote. Elle a dû manquer le podium de peu et j’imagine sa rage en ce moment.

Il se rallonge sur le dos après sa phrase et referme les yeux. « Quelqu’un ici n’était pas censé lui apporter des cachets ? »

— Je ne la trouve pas, s’intrigue son infirmière de pacotille.

Elle scrolle consciencieusement le top dix des candidats encore une fois pour vérification.

— Cherche mieux.

— Je fais que ça. Elle n’est pas dans la liste !

— Elle a donc été incroyablement naze, soupire Joakim avec dégoût. Tant pis, merci pour tes recherches. Au moins j’ai rien raté.

— Je l’ai trouvée ! s’exclame subitement sa rouquine. Là ! Dans la section « toutes les vidéos », il y a tous les participants !

— Non merci, je n’ai pas envie de voir sa nullité.

— Oh, mais que tu es méchant ! le gronde sa petite amie en le fusillant du regard.

Elle fronce les sourcils et lance quand même la représentation de sa cadette :

— C’est ta sœur et tu dois la soutenir envers et contre tout !

— Non. Elle a remporté les Nationales il y a deux ans et le niveau est presque équivalent à celui de Starquest, voire même plus élevé selon certains. Elle avait donc carrément les moyens d’être à la place de Molly Gray cette année et si elle a échoué, c’est qu’elle s’est reposée sur ses lauriers comme la demeurée qu’elle est.

— Je dois vraiment être mauvais juge alors, parce que moi, je trouve son numéro exquis, s’extasie Trisha une fois arrivée à la fin du visionnage de la représentation.

Son interlocuteur mime un ronflement. Les yeux fermés, la tête sur l’un des oreillers du lit, il semble dormir à poings fermés.

— Tu as de la chance d’être si mal en point et d’avoir besoin de repos, sinon je…

— Je… Je meurs… infirmière de pacotille ! gémit Joakim en levant une main tremblante vers elle.

Un numéro d’acting digne des plus grands.

— Oh la la, oui, je vais te chercher les cachets, je reviens ! s’exclame son interlocutrice en riant.

Elle réapparaît avec un verre d’eau, l’une des boites de Tramadol de sa mère ainsi qu’un gant de toilette rempli de glaçons.

Une demi-heure plus tard, le jeune couple s’endort dans les bras l’un de l’autre, la tête de la rouquine reposant délicatement sur l’épaule de son homme alors qu’elle l’enlace avec tendresse.

*

Au même moment, dans une villa de Long Beach, Kristofer et Shane passent une nuit beaucoup moins chaste…

Les deux anciens amants se désinfectaient mutuellement leurs plaies il y a quelques minutes encore, entre tendres caresses et malicieux regards qui finissaient de réveiller la passion brulante qu’ils tentaient d’enterrer depuis leur rupture.

Lors de soirées alcoolisées, ils s’abandonnent parfois et ainsi, aux plaisirs de la chair, sans rien prévoir derrière, « parce que leur couple ne peut plus exister. Parce que leurs caractères ne collent pas ». Ensemble, ils ne se supportent pas, mais au lit… « ils réinventent le sexe. » Clame souvent Shane.

Comme à chaque ébat, Kristofer laisse échapper un « je t’aime » en plein orgasme, soulevé et maintenu contre un mur par l’homme de sa vie. Il se fait aussitôt gronder pour sa mièvrerie alors que celui-ci atteint le septième ciel à son tour, dans un long râle de jouissance. Le blond foncé repose ensuite son partenaire au sol et marche vers la salle de bain. Un signe de main dans la direction de son ex lui indique qu’il doit le rejoindre au plus vite afin que le deuxième round puisse commencer, sous le jet d’eau chaude d’une douche relaxante… Sans attendre, le millionnaire accourt derrière lui, très envieux de continuer cette incroyable soirée…

*

Le lendemain matin, Maya gronde devant sa fille, qui la retrouve timidement dans leur salon pour lui annoncer qu’elle ne se rendra pas en cours aujourd’hui.

Elle souhaite en effet rester s’occuper de son petit ami, toujours alité. Maya n’en revient pas de son audace :

— Trisha, tu exagères ! Il devait partir, en plus !

— Oui, mais n’est pas en état ! Il reste un jour de plus, Mamounette d’amour !

— Oh ne me fais pas ces yeux de chiot pour essayer de m’attendrir, vil personnage ! Et ses parents ? Tu penses à ces gens qui doivent mourir d’inquiétude ?

— Il leur a envoyé un message hier en prévenant qu’il dormait chez un ami !

— Comment ça, chez un ami ? s’intrigue Maya avec suspicion. Il ne leur dit pas qu’il reste avec toi, sa petite amie ?

Trisha fait la moue. Elle non plus n’apprécie pas que son compagnon semble cacher leur relation, mais elle tente de justifier son attitude par une éventuelle pudeur…

— En plus, reprend Maya avec sévérité. Il devrait vraiment passer des radios de ses côtes. Ces conneries, c’est pas sérieux.

— Il me dit qu’il n’en a pas besoin. Il affirme n’en avoir finalement qu’une seule de cassée et est persuadé de ne pas risquer un épanchement sanguin dans les poumons. Il m’a expliqué pourquoi, mais j’avoue que je n’ai pas tout compris, mais il a l’air de savoir de quoi il parle…

— Eh bien, si son gros ego a fait médecine et qu’il est capable de s’auto-diagnostiquer, souhaitons-lui bon rétablissement ! grommelle Maya en levant les yeux au ciel. D’ailleurs, mon petit doigt me dit que tu as tapé dans mes antalgiques pour lui.

— Oui, mais tu as plein de boites !

— Bah voyons ! Faites des gosses, qu’ils disaient !

De l’autre côté du mur, Joakim, toujours étendu sur le lit de sa rousse, reçoit un appel de Miguel. Ce dernier s’étonne de ne pas le voir au lycée, pour suivre son cours préféré : celui de sciences, le seul qu’il ne manque jamais, d’habitude !

— J’ai eu quelques soucis hier soir. Je t’expliquerais plus tard.

— Des soucis ? Comment ça ?

— J’ai Kris en double appel. Je te rappelle.

— Oh la vache, ça fait du bien d’entendre ta voix ! s’exclame Kristofer avec culpabilité dès que son ami prend son appel. Je suis désolé qu’on t’ait laissé derrière, hier, pardon…

Mal en point, il réalisait tout de même la situation, la veille, au moment de sa fuite avec Shane. Il en meurt désormais de honte comme à chaque fois qu’il doit assumer que son homme passe avant tout et que, pour lui, il serait prêt à abandonner n’importe qui.

— Je vais bien, assure Joakim dans un soupir, mais je dois te laisser, je ne suis pas chez moi, là.

— Tu es chez Miguel ?

— Oui. Bref je te laisse !

Au même moment, Zack s’inquiète lui aussi de ne pas le trouver au lycée et s’isole pour l’appeler. Son cousin décroche immédiatement pour lui renvoyer avec ironie :

— Zack ? Tu désires quelque chose ? Tu as peut-être de nouveau besoin d’aide en ville, peut-être ?

— Je… Je… Je ne te vois pas, bégaie le jeune Muller avec détresse et honte, je me demandais si tout allait bien…

— Tu es lâche Zack. Sur ce, j’ai des choses à faire et dois te laisser. Bonne journée.

— Je suis désolé ! explose le brun désespéré, je suis désolé ! Pardon ! Pardon ! Pardon !

— J’ai dit, bonne journée.

Le jeune Bauer raccroche au nez de son interlocuteur au moment où il réalise son père en double appel. « il ne manquait plus que lui… » songe-t-il aussitôt avec dépit.

Raphaël fulmine et le gronde pour ce SMS reçu la veille. Il a du mal à croire qu’il ait révisé toute la nuit chez un ami et qu’il soit allé ensuite en cours, comme convenu ! Il veut vérifier les dires d’un adolescent qui a l’air de se payer sa tête !

— Du coup tu es au lycée, là, en ce moment précis ? ronchonne-t-il avec suspicion.

— Oui.

— Menteur ! J’entends aucun brouhaha autour de toi !

— Parce que je suis au petit coin pour faire popo et je vais devoir te laisser, car je dois rejoindre ma salle de classe ! On a des coloriages à faire aujourd’hui, c’est trop cool. Je peux te ramener un collier de nouilles en plus, si tu veux !

— Joakim ! tu es en train de te moquer de moi ! Tu n’étais certainement pas chez un ami pour réviser hier soir ! Dis-moi la vérité, où es-tu actuellement ?

— J’étais chez un ami toute la soirée pour l’aider dans son projet de science, et maintenant je suis au lycée. Je te le promets.

Raphaël inspire un grand coup devant cette réplique qui semble l’apaiser. Il soupire ensuite, dans un haussement d’épaules :

— Il faudra que tu sois très gentil avec ta sœur…

— Elle pue la merde.

— Joakim !

— Faut que j’y aille, je dois te laisser !

— Comment s’appelle ce fameux ami ? J’espère que tu ne me mènes pas en bateau !

— Il s’appelle Miguel, c’est un Drifterz et tu dois te souvenir de lui, de loin. Aussi, je ne rentrerais pas ce soir non plus, car son projet n’est pas terminé. En fait, ils sont un groupe de trois, mais les deux autres sont nuls et mon pote doit absolument avoir une bonne note.

— Joakim, je vais te tuer !

— Sa graduation est en jeu. Tu veux que mon ami n’obtienne pas son diplôme ? Non, je ne crois pas… du coup, préviens maman que je rentrerais demain !

— Mais tu te moques de moi !

— Bonne journée, papa, je te laisse, mon cours va commencer !

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