~ Chapitre 14 ~
*
Quelques heures plus tard, par une douce matinée où elle ne doit pas à se rendre au collège, Erika suit son cours de danse du jour, auprès de ses collègues Watcha Say.
Son humeur reste morose tandis qu’elle s’entraine avec ses camarades, en vue de LA Dance Magic.
Elle n’en peut plus d’entendre que le prénom Molly dans toutes les bouches.
« Molly, la merveilleuse finaliste de Starquest ! et nianiani, et nianiania ! » La rancœur de la jeune Bauer ne redescend pas.
Son professeur de danse en rajoute une couche, toutes les cinq minutes environ. Ils souhaitent décidément tous qu’elle explose !
« Suivez Molly. »
« Imitez Molly ! Soyez son ombre ! »
« Soyez Molly ! »
« Épousez les mouvements de Molly ! »
La brunette frustrée voudrait tous les bruler. Elle ne peut se voir reléguée ainsi au rang de suiveuse.
Impossible. Jamais son égo n’accepterait une telle humiliation !
Elle ne peut digérer la perte de sa position d’idole, de modèle pour les nouveaux.
Énervée, blessée, agacée, elle se déconcentre alors et enchaîne les fautes pendant la répétition.
« Erika ! Remue-toi un peu et reviens dans le rythme ! »
L’adolescente ne s’était plus fait réprimander depuis des mois et sa rage atteint son paroxysme au moment où son professeur annonce l’heure de la pause. Elle en suffoque de colère. « Le premier, qui ose lui dire quelque chose qu’elle n’apprécie pas aujourd’hui, passera un sale quart d’heure ! »
Boudeuse et aigrie, elle suit du regard tous ses amis qui partent aussitôt s’agglutiner autour de Molly, leur nouvelle idole, leur étoile, leur favorite. Alors qu’il n’y a pas si longtemps de cela, c’était elle la star de cette école où elle a grandi et fait ses premiers pas de danse.
Désespérée et avec masochisme, elle ressasse ses souvenirs de « petite reine ».
Elle la déteste ! « Cette connasse qui lui a piqué sa gloire ! » se répète-t-elle en restant à l’écart de ses camarades, s’asseyant loin d’eux pendant la pause.
Elle la méprise, cette sorcière qui lui a tout volé. Elle la maudit et se reproche cette compétition ratée. Elle hait profondément tous ceux qui osent complimenter et flatter une folle qui ne gagnera probablement plus rien désormais !
« Molly, tu es trop douée, si seulement j’étais aussi souple que toi ! »
« Molly, tu peux me montrer, m’aider à faire ce mouvement-là que tu réussis si bien ?! »
« J’aimerais tant te ressembler ! »
« Oh, merci, Molly, tu es géniale ! »
« Mon rêve, c’est d’arriver un jour à danser comme toi ! »
Erika détourne les yeux de la bande jugée hypocrite et pathétique. Elle fusille Jonathan du regard, qui entoure aussi sa rivale…
« Quel con ! Quel traitre ! Elle le déteste. » Qu’il n’ose plus jamais l’approcher, cet ingrat !
Poussée par son énervement, à bout, folle de rage, elle se relève finalement de son banc pour se précipiter dans le bureau de sa professeur et directrice.
Elle lui annonce son départ de leur école et celle-ci s’intrigue aussitôt, tout en haussant les épaules, l’air déconcerté. Elle semble écœurée :
— Tu me déçois, Erika, tu n’es qu’une sale gamine.
En effet, La jeune Bauer consternait aujourd’hui l’intégralité des Watch Say, qui la regardaient refuser la supériorité de Molly Gray en préférant fuir vers d’autres horizons. Son manque de fairplay surprend et ce sont des grimaces de dépit qui l’accompagnent alors qu’elle se change en tenue de ville pour quitter l’établissement.
Jonathan, contrarié par sa décision, lui cours après et la rejoint à l’extérieur :
L’air sévère, il lui attrape un bras et lui grommelle :
— Vas-y, tu fous quoi ?
~ The Scientist - Coldplay ~
https://www.youtube.com/watch?v=RB-RcX5DS5A
— Oh fiche-moi la paix, toi ! Depuis quand tu calcules mon existence, toi ? Retourne niaiser dans les jupes de l’autre idiote. T’es bon qu’à ça !
— Hein ? Tu parles de Molly, comme ça ? s’interroge le brun, choqué.
— Nan, du pape ! Bref je dois y aller, à plus sous l’bus ! Retourne voir ta star !
— Mais je m’en fiche d’elle… balbutie Jonathan, perplexe.
Il se gratte la tête en essayant de comprendre l’attitude étrange de son amie.
— Allez tous vous faire foutre ! lui grogne-t-elle de nouveau en accélérant le pas.
— Erika, attends ! l’appelle-t-il encore.
Sans réfléchir, il la rattrape avec hâte et lui saisit vivement les poignets pour la tirer vers lui.
Paniquée par cette soudaine et brusque proximité, la colérique en lâche son sac sous la surprise pour tenter de repousser son interlocuteur à l’aide de ses mains. Elle rougit comme une pivoine, profondément gênée par son attitude :
— Lâche-moi ! À quoi tu joues ? Bouge de là !
— Sors avec moi, demande-t-il en enroulant son bras gauche autour de sa taille.
Il lui dépose ensuite une pluie de baisers sur le bout des lèvres, tandis qu’elle le dévisage avec stupeur, bégaie, puis lui réplique avec embarras :
— Arrête tes conneries, on est potes, hein… Ça craint ! La honte ! Bouge de là !
Fébrile, son palpitant bat la chamade alors que lui reprend avec assurance :
— Des conneries ? Je crois pas, non…
Armé de son plus beau sourire, il plonge ses yeux bleus au fond de ses iris vert pistache qu’il aime tant…
— Je ne me sens pas bien, lâche moi, je m’en vais ! suffoque l’adolescente, honteuse.
Elle ressent de la confusion à propos de son attitude, de ce cœur qui tambourine et de ces bouffées de chaleur qui l’assaillent.
« Quel crétin, à quoi joue-t-il ? » se demande-t-elle avec suspicion, perdue.
— Ferme les yeux et embrasse-moi… lui susurre-t-il en la serrant un peu plus contre lui.
Sans attendre de réponse, il se jette sur ses lèvres avec avidité et tourne doucement sa langue contre la sienne. Sceptique, sous l’effet de l’étonnement, l’adolescente ferme les yeux et, sans réfléchir, se laisse porter par l’instant.
« Il faut admettre qu’il embrasse bien », songe-t-elle avec surprise, les joues empourprées. Elle en a des palpitations, mais, une fois ses vertiges passés et sa raison de retour, elle se recule soudain pour dévisager son partenaire avec embarras :
— Il faut que j’y aille, t’as eu ton bisou, t’es content, alors maintenant on oublie la connerie qu’on vient de faire ! Bye !
— Hein ? s’intrigue Jonathan en la rapprochant un peu plus de lui. Quelle connerie ?
Il ne veut pas la laisser s’éloigner ; il souhaite continuer de la serrer contre lui ! Il se sent optimiste quant à une histoire possible avec elle, puisqu’elle acceptait son baiser !
— Je suis désolée, mais je suis pas intéressée par ça, moi. On oublie tout, c’est plus pour moi, ces conneries.
Come up to meet you - Je suis venu te voir.
Tell you I'm sorry - Pour te dire que j’étais désolée.
You don't know how lovely you are - Tu ne sais pas à quel point tu es adorable.
I had to find you - Je devais te retrouver.
Tell you I need you - Te dire que j’ai besoin de toi
— Je ne te plais pas, c’est ça ? grince le danseur brun, profondément blessé.
— Mais nan, j’ai juste pas envie de sortir avec toi. Point. Je n’ai strictement rien ressenti quand tu m’as embrassée, alors.... Je pense qu’on devrait en rester là !
Elle récupère son sac jeté au sol après sa réplique et tourne les talons pour s’en aller à grandes enjambées.
Désormais hors de vue, son esprit s’apaise. Elle en souffle de soulagement, car ce baiser volé l’a révulsée. Une fois l’effet des papillons dissipé, elle n’en a éprouvé que du dépit. Cela la conforte dorénavant sur un point : L’amour, c’est nul !
Elle réalise soudain que l’une de ses chansons préférées passe sur son lecteur MP3 : The Scientist de Coldplay. D’habitude, elle chantonne toujours avec l’artiste quand elle l’entend, mais aujourd’hui, certains vers lui procurent un sentiment étrange. Elle ne se sent pas concernée par leur sens, hausse les épaules, mais ils résonnent pourtant dans son esprit. Pourquoi lui paraissent-ils écrits pour elle ?
Tell me you love me — Dis-moi que tu m’aimes
Come back and haunt me - Reviens me hanter
Nobody said it was easy - Personne n’a dit que ça serait facile
Oh it's such a shame for us to part - Oh, ça serait une honte d’accepter que l’on se sépare ainsi
De son côté, Jonathan retourne auprès de ses collègues danseurs, le cœur en miettes et l’égo anéanti pour affronter leurs regards compatissants.
« C’est une conne. Tu es trop bien pour elle », entend-il très vite alors qu’il repense à ce baiser accepté, prolongé, ainsi qu’à ce visage rougissant qui ne semblait pas du tout dégoûté par sa tentative…
Nobody said it was easy - Personne n’a dit que ça serait facile
No one ever said it would be so hard - Personne n’a dit que ça serait si dur
I'm going back to the start […] - De tout recommencer à zéro.
*
Peu après, Erika retourne chez elle le cœur lourd, car chargé d’une gêne qui la perturbe et l’embarrasse. Son frère jumeau se précipite vers elle dès qu’il l’aperçoit, pour l’enlacer. Il lui rend son sourire perdu, au point qu’elle en oublie l’indélicat moment qu’elle vient de vivre.
Elle retrouve alors son énergie ainsi que sa motivation et attrape son téléphone portable pour contacter les Rolling Deep afin de se renseigner à leur sujet. Ils acceptent effectivement les nouveaux et lui passent rapidement la direction, qui souhaite la recruter le plus vite possible, sans « entretien » ni « audition d’admission » ! La brunette n’en revient pas, mais se flatte lorsque son interlocutrice, qui gère sa future école de danse, prétend la reconnaitre ! Elle, la grande gagnante des Nationales d’il y a deux ans !
« Enfin ! Quelqu’un qui sait à qui il a affaire ! » songe l’adolescente avec un égo regonflé à son maximum et alors qu’elle enlace son jumeau qui lui offre un sourire radieux. Il éprouve beaucoup de fierté pour sa sœur adorée !
Erika lui explique qu’on lui a demandé de faire ses preuves à LA Dance Magic, et qu’elle a bien l’intention de tous les impressionner !
Alarich rit et ses yeux pétillent d’admiration devant cet immense bonheur qu’elle dégage.
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