Chp 8 - Faith : confession
J’ai attendu toute la nuit dans l’angoisse. Mais au matin, au moment du rendez-vous, on m’a informé que l’Inquisiteur ne pouvait pas me recevoir, qu’il était « occupé » et qu’il reportait le rendez-vous au lendemain.
Le lendemain… même chose. Ainsi que le surlendemain.
Je compris qu’il le faisait exprès. Une forme de torture psychologique. Il cherche à me déstabiliser.
Et en attendant, je suis assignée à résidence, ainsi que je le constate en demandant à quitter la colonie pour m’embarquer sur un cargo en partance pour la Bordure Extérieure.
— Je suis désolé, m’informe Larg sur l’intercom. Tant que la procédure inquisitoriale est en cours, tu ne peux pas quitter la colonie… Ordre du SVGARD.
Je ne peux que prendre mon mal en patience. Et attendre, encore.
Toutes les nuits, je rêve de Tamyan. Ou plutôt, je vois le monde à travers ses yeux. Je vois la Cité Noire. Les wyrms qui tournoient autour des hautes tours, les crêtes acérées des glaciers. Je vois un palais cyclopéen, d’immenses colonnes anthracite, une grande salle circulaire au sol en damier, où chaque arcade est ornée d’un brasero où flambe un feu bleu. Le sol est recouvert de cendres, les colonnes gelées. Les vitraux, situés à des hauteurs impossibles, sont tous brisés. Des corps gisent au sol, des cadavres sont suspendus et empalés, réduits à l’état de momies. Il y a un trône sombre et titanesque, sur lequel est assis une silhouette sinistre en armure, recouverte d’un manteau à capuche aux manches en lambeau. Ce personnage porte une grande épée en argent entre ses genoux, ses deux mains gantées de métal posées dessus. Dans son dos, deux immenses ailes noires. Je me réveille toujours au moment où il se lève, et fixe son visage de néant vers moi.
Et de temps en temps, pendant la journée, je perds un peu conscience et me mets à voir l’intérieur d’un vaisseau peuplé d’ylfes, avec leurs armures sombres et acérées et leurs visages cruels. Ces visions sont pires encore que celles du Roi Noir dans sa tour. Je sens qu’elles reflétent la réalité, une réalité qui a lieu très loin de moi, mais en parallèle à la mienne. J’ai peur que l’un de ces ylfes s’aperçoive de ma présence insidieuse. Mais je me rappelle que je suis dans le corps de Tamyan, et je vois ses grandes mains pâles apparaître dans mon champ de vision. Une fois, je saisis son reflet dans un miroir, fugitivement, et cela me fait si mal que j’en ai le souffle coupé. Le plus terrible, c’est que tout en redoutant cette vue, j’ai besoin de le voir.
C’est là qu’enfin, Zrivian me convoque. Tel un fin limier, il a juste attendu le bon moment. Celui où je serais la plus faible, la plus facile à cueillir.
Il savait ce que j’endurais.
Comment ?
*
— J’imagine que vous avez eu amplement le temps de réfléchir, m’annonce l’Inquisiteur en entrant dans la salle d’interrogatoire.
Je suis presque contente d’y être revenue. Je veux avancer. Bouger d’ici. Alors, je redresse la tête et fixe l’homme qui détient la clé de ma liberté.
— Je vais tout vous raconter, lui annoncé-je. Mais je veux des garanties.
— Négocier ? sourit-il. On verra, selon la nature de votre confession.
Confession. Comme si j’avais commis un crime. Mais je n’ai pas envie d’être une victime non plus. Il vaut une coupable, une pécheresse ? Il l’aura.
Zrivian braque son regard translucide dans le mien. Je suis aussitôt prise, comme avec Tamyan. Je ne peux pas détacher mon regard de son visage grave et sauvage. Impossible d’échapper à leur emprise. La beauté de Zrivian jure trop, elle est comme un phare dans la nuit, une étoile dans l’espace. Et mon cœur assoiffé se nourrit de ces traits aigus, s’abreuve ici en l’absence de Tamyan.
— Vous avez été durement touchée, murmure l’Inquisiteur. Mais votre mal n’est pas incurable. Si vous vous confessez, si vous vous repentez, je pourrais vous aider.
— Me repentir de quoi ? Ces créatures ne nous donnent pas le choix, dis-je sombrement.
— Oh si, on a toujours le choix. Toujours.
— J’ai résisté jusqu’au bout.
— Mmh… Je n’en doute pas, sourit-il.
Il se lève. Fait quelques pas, les bras croisés dans le dos. Je l’observe à la dérobée, en essayant de ne pas croiser ses yeux verts. La première fois, il portait la combinaison officielle du SVGARD, toute de noir liquide, avec un col qui monte jusque sous la mâchoire. Aujourd’hui, il arbore l’uniforme noir et minimaliste des prêtres de sa caste. Ses cheveux sont plaqués sur son crâne, tirés en arrière, révélant ses tempes rasées et l’implant terminal qu’il porte au-dessus de l’oreille. Une oreille marquée par une cicatrice, des deux côtés… comme s’il en avait découpé un morceau au laser.
— On dirait que mon physique vous intrigue, remarque-t-il en me faisant face.
— C’est le cas, osé-je lui dire.
— Oui, il intrigue beaucoup de monde. À vrai dire, il n’y a personne au SVGARD comme moi, dans aucun monastère orbital. Je ne dis pas ça pour me vanter. C’est un fait.
Je relève la tête vers lui.
— Pourquoi ont-ils laissé un homme de Dieu prendre le visage d’un démon tentateur ? attaqué-je.
Ne jamais garder la balle dans son camp. C’est ce que Haroun me disait, quand je jouais avec lui, gamine.
Le coin de la bouche de Zrivian se relève.
— Ils ne m’ont rien autorisé. Au contraire, ils m’ont interdit de subir la moindre opération. Je devais rester ainsi, tel que je suis né. Ce serait ma pénitence, et mon sacrifice. À l’image du Rédempteur.
Cet homme est fou, comprends-je alors. Il est complètement fanatique.
— Mais continuons plutôt avec vous. Avez-vous pris du plaisir dans les bras de cet ældien ? Avez-vous joui sous sa morsure ? En rêvez-vous encore la nuit ?
Je le fixe en silence, la poitrine vibrant d’indignation.
— Vous ne savez rien de ce que j’ai enduré là-bas.
— Oh si, j’en ai une petite idée. L’un de ces démons voulait faire de vous son esclave sexuelle. Vous avez résisté comme vous pouviez, « jusqu’au bout », dites-vous… puis vous avez craqué. Et vous vous êtes soumise au plaisir. Confessez-le, et je vous donnerai l’absolution. (Il marque une pause.) Peut-être.
— Vous n’avez pas le droit de me torturer comme ça. Je suis une victime, pas une coupable ! explosé-je.
— Donnez-moi son nom, alors. Le nom de votre tentateur.
Je ne sais pas pourquoi, mais ce nom refuse de franchir mes lèvres. Je trouve ça trop injuste.
— Je n’ai rien fait, tenté-je d’une voix plus faible.
— Je sais. Je veux juste vous aider. Si vous ne faites rien, vous ne pourrez jamais vous libérer de cette emprise. Croyez-moi, j’en sais quelque chose.
De nouveau, je relève la tête vers lui. Se pourrait-il que…
— Je vais vous raconter une petite histoire. Ma vérité contre la vôtre. Vous êtes d’accord ?
Je hoche la tête en silence. Pas le choix.
Il s’assoit. Croise ses grandes mains sur la table, devant moi.
— J’ai moi-même été l’aslith d’un seigneur de la guerre ældien. Un sidhe, un guerrier de métier. C’était il y a longtemps. Nous avions fait l’objet d’un accord ignoble, moi et deux autres personnes. Nos propres condisciples nous ont vendus. Comme Binah vendue par celle qui l’avait recueillie, Joseph par ses frères ou Bilal par Abraha. Nous avons dû servir cet ældien cruel de toutes les façons que vous pouvez imaginer. En essayant de m’enfuir une première fois, j’ai perdu mon bras. Mais j’ai finalement réussi à arriver à mes fins. J’ai rejoint les rangs du SVGARD peu après. Mais dans ma tête et dans mon corps, je suis resté l’esclave de cet ældien. Esclave de ce qu’il avait fait de moi. Je souffrais nuit et jour, sans répit. Seul la foi m’a sauvé. Cela a pris des années.
Je l’écoute, stupéfaite. Lui, aslith d’un ældien… ?
— Je sais ce que ça fait de ressentir du plaisir malgré soi, contraint et forcé, continue-t-il, ses yeux vers plantés dans les miens. Je sais ce que ça fait d’avoir envie de ressentir à nouveau ces sensations uniques, d’être intoxiqué par le luith. Et l’appel du sang. Tout ça, je l’ai subi. Même le rut qui brûle les veines des mâles, je le connais. Personne d’autre que moi au SVGARD n’est aussi familier de ces sensations.
Je le fixe sans comprendre. Puis, soudain, je réalise.
— Vous en êtes un… murmuré-je.
— À moitié seulement. Mais cette moitié suffit à me damner. Alors maintenant, confessez-vous. Vos petits péchés ne me font pas peur. Les miens sont bien plus lourds.
Je baisse la tête, vaincue.
— Vous rêvez de lui, n’est-ce pas ?
— Toutes les nuits.
— Que voyez-vous ?
— Sa planète… Là d’où il vient. Il l’appelait la « cité noire ».
— Ymmaril, complète Zrivian, tout ouïe. Ce n’est pas une planète, enfin, pas vraiment. Plutôt une station, si on peut employer ce mot pour un bout de terre déplacé là par les ældiens. C’est comme ça qu’ils font. Cet endroit se trouve dans une autre dimension : on ne l’a jamais trouvé. Mais continuez. Qu’avez-vous vu d’Ymmaril ?
— La salle du trône. Et leur roi, qui, d’après Tamyan, est le plus cruel d’entre eux.
J’ai lâché le nom. Mais Zrivian est parti sur autre chose.
— Fornost-Aran ? Vous avez vu Fornost-Aran ? Un grand ældien portant un masque et une couronne de cornes entremêlées ?
— Non… Il portait une capuche. Et une armure, en-dessous. Il avait une épée. Il se tenait dans une grande salle en ruines, avec des corps partout… C’était vraiment sinistre, expliquai-je en croisant les bras étroitement autour de mon corps.
Ce rêve me donne froid. J’espère ne plus jamais la revoir.
Zrivian fronce les sourcils.
— C’est étrange, ce que vous me décrivez ne ressemble pas à Fornost-Aran… Cela ressemble plutôt à une vision. Vous en avez déjà eu, avant ?
Je secoue la tête.
— Non. De toute façon, la précognition est interdite dans notre communauté. Si on avait découvert que j’étais une psionique, on m’aurait bannie.
— Mmh… C’était donc la première fois ?
— Oui.
— Ce serait donc Tamyan qui aurait ce don… pas étonnant pour un ældien, mais plutôt rare pour un dorśari. Leurs excès ont atténué ces facultés chez eux.
Je réfléchis un instant.
— Il y avait cette ældienne, dont il conservait le corps… Dame Alyz. Il m’a raconté qu’elle l’avait maudit, avait mis un geis sur lui, assorti d’une prophétie… mais il ne m’en a pas confié la teneur.
— Vous seriez donc en résonnance avec une ældienne morte ? Par quel moyen ?
— Je suis tombée dans l’espèce de piscine où il conservait son corps, avouai-je. J’y ai plongé pour atteindre la soute, prendre une barge et m’échapper du vaisseau…
L’image du corps blanc de l’ældienne, avec ses longs cheveux noirs qui flottaient dans l’eau et ses yeux grands ouverts, me hantait encore. Si c’était elle qui m’envoyait ces images…
Zrivian avait l’air plongé dans une intense réflexion. Sa grande silhouette cassée en deux sur la petite chaise – trop basse pour lui -, le dos voûté, il réfléchissait en se frottant pensivement le menton. Visiblement, ce que je lui racontais l’intéressait.
— Votre vision ressemble à celles d’une prophétesse ældienne il y a de ça plusieurs dizaines de milliers d’années. Un message apocalyptique, qui a motivé la création d’une secte de bardes assassins, qu’on a appelé l’Aleanseelith. Ils disaient qu’à la toute fin, une fois leur monde disparu, apparaitrait un nouveau sældar, Arawn, qui viendrait dévorer le monde. Dans le chant qui lui est consacré, on décrit un décor comme celui que vous venez me décrire, avec un trône de crânes, des corps, et au milieu, cet Arawn… Est-ce que vous avez vu son visage ?
— Non. Mais cette nuit encore, je crois avoir vu un bout de sa chevelure. Longue, et blanche comme l’os. (Je lui jette un regard.) Plus blanche que la vôtre.
— Mmh.
Zrivian ne me regarde plus. Il se mordille la lèvre.
Visiblement, il ne s’attendait pas à ça.
Il finit par sortir de sa transe, et se tourne de nouveau face à moi.
— Et les autres rêves ?
— Je vois à travers les yeux de Tamyan. L’intérieur d’un vaisseau, qui ressemble au sien. Probablement celui avec lequel il s’est échappé. Il était avec moi, sur le satellite Night…
— Vraiment ? Et il vous a laissé là ?
Je baisse la tête. On en venait au nœud du problème. Ce que je ne voulais pas raconter.
— Je ne sais même pas pourquoi il m’a laissé en vie. Il voulait me tuer… J’ai dû me battre contre lui. Il avait pris la forme d’une créature ailée, quasi-indestructible…
De nouveau, je sens l’intérêt de Zrivian se resserrer.
— Une configuration ? Il a réussi une configuration ?
— Oui, il a employé un mot comme ça. Il disait que ça l’avait fatigué… Toujours est-il qu’il a eu le dessus sur moi. C’est là qu’il a…
Je suis incapable de continuer.
— Dites-le, insiste Zrivian, les yeux fixes et brillants.
— Il m’a forcé à boire son sang, murmuré-je. Ensuite… Je ne sais pas trop ce qui s’est passé. Je n’étais pas dans mon état normal… J’avais besoin de plus. Bien plus. Alors j’ai…
— C’est là que vous avez forniqué, termine Zrivian. Ça va souvent avec le partage du sang. Le mâle mord sa femelle, s’accouple avec, et ils échangent leur sang. C’est étonnant de la part d’un dorśari… Vous a-t-il dit quelque chose ?
— Oui… Il me parlait dans sa langue. Il a dit « lle naa vanimë », quelque chose comme ça. Et « amin vella llë ».
Zrivan lève un sourcil. Il a l’air franchement étonné.
— Vraiment ? Il vous a dit ça ?
— Qu’est-ce que ça veut dire ? demandé-je en relevant les yeux vers lui.
— C’est du haut-ældien, et non du dorśari.
— Vous ne voulez pas me dire ce que ça signifie ?
Zrivian me fixe. Jusqu’ici, il m’a révélé autant de choses que ce que je lui donnais. C’était notre marché. Mais là, il hésite. Pourquoi ?
— Je ne pense pas que cela soit bon pour votre exorcisme que je vous le révèle. Cela pourrait renforcer l’emprise qu’il a sur vous, et retarder votre purification.
— Je vous ai tout dit, moi, insisté-je en vissant mon regard dans le sien. Et vous m’avez promis un échange d’information… c’était le deal.
J’espère qu’il reste assez d’ylfe en lui pour le forcer à honorer son serment. Tamyan me l’a dit : les pactes sont sacrés, chez eux. L’Inquisiteur en Zrivian, en revanche, ne me doit rien. Il est en position de force.
Zrivian soupire.
— Ça veut dire « tu es belle » et « tu es mienne ». Les mots habituels que les mâles disent dans le feu de l’action… Ne le prenez surtout pas personnellement.
Tu es belle. Jamais aucun homme ne m’a dit cela.
Mais Tamyan, justement, n’en es pas un.
— Comment pouvez-vous penser que ces mots vont me faire craquer ? finis-je par dire sourdement. Vous me prenez vraiment pour une femme stupide.
Encore une fois, Zrivian affiche son étonnement. Je vois un début de sourire incrédule sur son visage.
Et soudain, il éclate de rire.
— Eh bien… On peut dire que cet entretien se sera révélé des plus surprenants !
Il se lève.
— Les informations que vous m’avez données sont vraiment intéressantes. Et en effet, je pense avoir sous-estimé votre capacité à absorber ce poison. J’en ai terminé. Vous êtes libre.
Il se dirige déjà vers la porte, sans un regard pour moi. J’en suis presque frustrée.
Non. Complètement frustrée.
— Vous me laissez repartir ? Comme ça ? Sans la moindre pénitence ?
Zrivian, debout devant moi, me regarde. Il a de la compassion dans son regard. Et autre chose. De la pitié ?
— Je ne suis pas là pour punir les gens. Ce n’est pas mon rôle. D’autres s’en chargent très bien…
Non. Ton rôle à toi, c’est de te servir de ton charme ældien pour tirer les vers du nez aux pêcheresses dans mon genre et les amener à se confesser.
— Je suis un expert en culture ældienne, poursuit-il, par la force des choses… (Il rit un peu.) Le SVGARD se doutait que vous aviez vécu une expérience peu commune, et que les méthodes habituelles seraient trop grossières, insuffisantes. Ils m’ont donc envoyé. J’ai eu les infos que je cherchais : ma mission est terminée.
Je me lève à mon tour. Je me sens en colère, abandonnée.
— Et moi ? Qu’est-ce que je vais devenir ?
Il ne peut pas me laisser là. Il ne peut pas repartir comme ça. J’ai besoin de réponses. D’aide. De vengeance.
Zrivian hausse les épaules.
— Je ne sais pas, répond-il d’un air candide. J’ai cru savoir qu’on vous proposait un logement, un dédommagement – peu conséquent, mais cela reste mieux que rien – et même un petit travail à la station d’épuration. De quoi panser vos plaies tranquillement et repartir de zéro. Le secteur est calme, épargnée par les combats. Vous avez un numéro de citoyen, désormais. Vous allez finir votre vie tranquillement.
Il y a quelque chose de presque cruel dans sa voix. Et ce sourire, à la fois sensuel et prédateur, ces yeux brillants…
— Vous pensez réellement que je vais réussir à vivre normalement après tout ce que j’ai vécu ? Tout ce que vous m’avez dit ? Vous n’avez pas peur que je raconte ça à tout le monde, dans les bars d’astroports, ou même sur Cosmonews ? La survivante qui a été marquée par un ældien. Un semi-ældien au SVGARD… Et la prophétie. La présence de cités ældiennes dans des poches dimensionnelles… Je pourrais tout raconter !
Il éclate de rire. Ses dents sont droites, pas du tout des crocs comme Tamyan et les autres.
— Oh, mais vous le pouvez, si c’est ce que vous souhaitez. Les informations sur les ældiens ont été déclassifiées… tout est accessible sur le réseau. Je doute que ces histoires de prophétie intéressent grand monde, cela dit… Quant à ma présence au SVGARD, cela permettra de témoigner de la grandeur de notre religion. Si même une créature démoniaque comme moi a réussi à trouver la rédemption… alors, avec un minimum d’efforts, tout le monde le peut. Dieu est grand, et Ses desseins, impénétrables. Mais Sa miséricorde est infinie.
— Attendez. Et ma sœur ? Vous n’allez rien faire ?
— Si. Je vais continuer l’enquête de mon côté. Nous sommes presque certains d’avoir réussi à localiser le fameux « marché à la chair » où ont transité la plupart des victimes des raids. Nous préparons une mission d’ampleur d’ici peu…
Il me regarde de trois-quarts, un air rusé dans ses yeux verts.
Pourquoi me dit-il ça ? Il sait que je suis en lien avec Tamyan… qui pourrait prévenir les siens !
— Emmenez-moi avec vous, lâché-je soudain. Laissez-moi intégrer le SVGARD.
Ma langue a été plus rapide que ma pensée. Mais c’est mon plan, depuis qu’on m’a parlé de cette procédure d’Inquisition. Ce type est ma seule chance de retrouver ma sœur, et de me venger de Tamyan.
Zrivian n’a pas l’air surpris par ma requête. Son expression a quelque chose de triomphal. Et son sourire est plus tendre.
— La condition numéro 1 pour intégrer les rangs du SVGARD est d’avoir la foi…
— J’ai foi en ma mission, répliqué-je du tac au tac. Comme vous, je crois que les ældiens sont le mal. Et vous avez besoin de moi. Mon lien avec Tamyan, mes visions. J’en aurais d’autres. Je le sais.
— Je vous souhaite d’en avoir de moins en moins… c’est l’idée.
— Mais vous savez que ça va continuer. Vous rêvez encore de lui, n’est-ce pas ? Ce sidhe qui vous avait capturé.
Zrivian reste de marbre. Mais son petit sourire a disparu.
Pendant un instant inconfortable, je redoute d’être allée trop loin. Après tout, cet homme est un Inquisiteur. Il peut me faire exécuter n’importe quand, ici même…
Tant pis. J’aurais tout essayé pour sauver Mila. Ma vie à moi ne compte pas.
— Allez préparer vos affaires, statue-t-il enfin. On décolle dans une heure.
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