Chp 19 - Rika : Brack'thal, ard-æl du clan des Crocs d'Argent

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Bordure extérieure, confins des territoires de l’Holos

Le cair de Mana était en vue. Si nous arrivions à entrer dans sa zone d'attraction, nous étions sauvées.

Je nous croyais tirées d'affaire lorsque la sirène d'alarme du vaisseau résonna.

— Intrus à bord ! Je répète, intrus à bord ! fit la grosse voix oursine de mon IA.

Angraema se tourna vers les caméras du sas et du pont, qui révélèrent la face terrifiante de la créature la plus effrayante que je n’avais vue depuis les araignées stellaires et les hybrides de combat de Demeria. C’était Ren, si Ren avait été un barbare venu de l’outre-espace… le torse nu et des scarifications plein ses bras musclés. Un visage d’une férocité inouïe, munis de crocs si longs qu’ils dépassaient sur sa lèvre épaisse. Ses oreilles pointues étaient immenses, dépassant d’un crâne rasé, surmonté au sommet d’une crète blanche tressée, dont les nattes entrelacées de bouts d’os pendaient jusqu’à son dos puissant.

— Merde, sifflai-je. On a un invité. Ça doit être le pilote du chasseur que Ren vient d'abattre.

— Il est pour moi ! gronda Angraema, les cheveux hérissés.

— Fais attention, murmurai-je. À vue de nez, ce monstre fait bien 400 kg de muscles !

— Je vais lui faire tâter de mon mithrine ! pérora Angraema en réponse. On verra s'il apprécie.

Peu rassurée, je l'observai configurer son sigil en cimeterre et se diriger d'un pas décidé vers le pont. Elle n'avait pas ouvert la porte que l'orcanide était déjà là, juste derrière, arborant un mauvais sourire. Il poussa un rugissement triomphal, alors qu'Angraema esquivait d'un bond gracieux.

— Ylfe ! rugit-il, le regard brillant d’excitation. Femelle ylfe !

Je pestai dans ma barbe. Les orcanides avaient dépêché de nouveaux chasseurs pour nous intercepter. Je ne pouvais pas lâcher le manche de mon astronef et venir en aide à Angraema. Si vraiment je pouvais lui servir à grand-chose… Pas Douée était immense – plus grande que ses sœurs - , mais pourtant, ce monstre la dépassait presque d’une tête.

— Je suis la fille de l'As sidhe d'Æriban, Ar-waën Elaig Silivren, invaincu au darsaman ! Mon nom est Angraema ! Je vais te défie, orcanide infâme ! clama-t-elle en réponse de sa petite voix pointue, qu'elle tentait visiblement de rendre la plus râpeuse possible.

Pas Douée avait attendu un certain temps avant de pouvoir prononcer cette déclaration de guerre. C'était le premier défi de sa jeune carrière : je savais que si elle y survivait, elle s'en souviendrait toute sa vie. C'était un grand jour pour elle.

L'orcanide répondit à l'invective en se frappant sa puissant poitrail dénudé. J’étais impressionnée par la carrure de ces créatures, assez proches physiquement de Ren... Angraema répliqua en lui montrant les crocs, qui étaient, il faut avouer, bien moins impressionnants que ceux de son adversaire. Moi, pendant ce temps-là, je tentais d'échapper à nos ennemis tout en suivant la scène du coin de l’œil, peu rassurée. Si ce monstre se débarrassait de la pauvre Angraema et décidait de m’attaquer… Je n’avais aucune chance de survivre.

Cependant, l’orcanide semblait tenir à se présenter avant les hostilités, dans un ældarin encore plus cassé que le mien.

— Moi, Brack'thal, ard-æl du clan des Crocs d’Argent ! Toi soumettre et devenir femelle Brack’thal ! Brack’thal faire dun-dun à femelles, clan orc faire dun-dun à femelles, et ensuite, femelles donner petits à clan !

Je lâchai un hoquet d'horreur. Dun dun… encore ce mot !

Pour toute réponse, Angraema abattit sa lame sur Brack'thal en poussant un cri de rage. Afin de l'aider un peu, je poussai le manche, causant un décrochage brutal de l'astronef qui fit trébucher son adversaire.

Angraema avait un meilleur sens de l'équilibre que ce gros balourd. Elle sut profiter de cette ouverture. La jeune ældienne asséna à Brack'thal un coup de taille violent qui lui ouvrit l'avant-bras.

— Bravo, Pas Douée ! l’encourageai-je.

Fébrile, la jeune ældienne me jeta un regard brillant, son arme bien positionnée devant elle. Si elle perdait… autant se suicider tout de suite.

L'orcanide rugit en signe de défi. Sous nos yeux ébahis, il planta ses crocs dans la blessure toute fraîche, l'élargit et en cracha le sang sur Angraema.

Pire que Ren, songeai-je en le voyant bander ses muscles devant la jeune ældienne.

Jamais mon compagnon, en dépit de son idéologie guerrière et de son obsession pour le « prestige », n’avait fait montre d’un comportement aussi primaire. Mais il faut dire qu’il ne se battait pas pour les mêmes raisons… Là, il était évident que ce Brack’thal cherchait à impressionner celle qu’il prenait pour sa future femelle.

Malgré cette démonstration de supériorité physique, Angraema gardait son calme. Son visage était couvert de sang noir, jailli des blessures de son adversaire. Elle n'avait pas relâché sa garde ni sa vigilance. Brack'thal parut également apprécier cette marque de sang-froid, car il se mit la main au paquet et serra son entrejambe dans un geste équivoque, concluant ainsi son petit rituel guerrier.

— Toi docile quand Brack’thal mettre son skryll en toi. Toi gémir de plaisir, mouiller pour Brack’thal et ses guerriers ! Dun dun toute la nuit, femelles plus de voix pour crier !

Ce Brack’thal n’était manifestement pas du genre à philosopher.

Je jetai un coup d’œil à Pas Douée. La pauvre ældienne affichait une mine horrifiée… il y avait de quoi.

— Jamais ! hurla-t-elle. Je vais devenir sidhe, comme mon père ! Aucun mâle ne me mettra son truc dégoûtant dans le ventre ! Ton petit « skryll » minable, tu peux te le carrer là où je pense ! D’abord, on dirait que tu parles d’une marque de yaourt !

Ouh là, erreur fatale, pensai-je en voyant les pupilles jaunes de Brack’thal rétrécir. Aucun mâle n’appréciait qu’on mette en doute sa virilité, fût-il orcanide.

— Brack’thal ard-æl, articula-t-il de sa voix gutturale. Très gros skryll. Toi voir bientôt, quand Brack’thal déchirer toi pendant dun-dun.

Heureusement, il fallait plus que des menaces de « dun-dun » pour effrayer Angraema, qui n'avait qu'une connaissance abstraite de la chose. Elle repartit donc au combat vaillamment, et je me concentrai sur le pilotage, les cris de guerre de ma nièce et de son adversaire orcanide dans les oreilles. Je parvins à abattre deux chasseurs, mais mon pilotage « sportif », comme disait Pas Douée, compliqua le duel qui se déroulait dans mon dos, et ce pour les deux belligérants. Entendant un cri plus aigu que les autres, je quittai mon écran deux secondes pour jeter un coup d'œil rapide par-dessus mon épaule : Brack'thal avait saisi la pauvre Angraema à la gorge, et il la plaquait présentement contre la carlingue, le rictus mauvais. Lorsqu’il enfoui son visage dans la chevelure de Pas Douée, elle hurla. Cette fois, oubliant la différence de gabarit, je me précipitai à son secours.

— Lâche-là, espèce de monstre ! hurlai-je en verrouillant ma main assistée mécaniquement sur la crête blanche et tressée de Brack'thal.

Erreur fatale. La force de traction des pistons de ma combinaison de sortie, pourtant pensée pour exercer une pression capable de soulever une porte blindée, fut à peine suffisante pour faire bouger Brack'thal d'un millimètre. Son œil jaune et cruel se déplaça vers moi, comme celui d’un saurien qui jauge sa proie… puis, d’un revers de sa grosse massue, il me balança contre la paroi opposée, m’assommant quasiment dans le processus. Heureusement, la combinaison amortit le gros de l’impact.

— Toi rester tranquille. Toi offerte à guerriers Brack’thal, puis mangée banquet de victoire.

À moitié dans les vapes, je compris que la fine et gracile Angraema, malgré ses deux mètres trente-cinq, avait peu de chance de pouvoir lui faire quoi que ce soit. Le visage désespérément tourné dans l’autre sens, elle se tortillait sous les coups de langue baveux de Brack’thal, qui ricanait d’un air vicieux. Sous mes yeux horrifiés, il lâcha l’arme qu’il tenait encore et sortit une chose noire et engorgée de l’espèce de pagne en cuir sale qu’il portait pour tout vêtement. J’ouvris la bouche sur un cri muet en constatant que cet énorme organe – il n’avait pas menti là-dessus - était double. Il n’avait pas un… mais deux pénis, semblablement hérissés de pics.

— Toi aimer quand Brack’thal pilonner petits trous, gronda-t-il en arrachant d’une main brutale la tunique d’Angraema. Brack’thal prendre tes deux virginités.

La jeune ældienne hurla lorsqu’il passa sa grosse langue pointue sur ses petits tétons roses.

C’est pas vrai, pensai-je, bouche bée, le cœur emballé comme un moteur cassé.

Je ne pouvais pas croire à ce que je voyais. La situation avait dégénéré si vite… Mais j’étais paralysée, incapable de faire le moindre mouvement pour l’aider.

Mais Angraema n'était pas la fille de Ren pour rien. Elle avait de la ressource, et des réflexes rapides. Profitant de la petite ouverture que lui donnait ce monstre — occupé à déposer sa salive gluante sur ses seins — , elle arma son genou et le lança à pleine vitesse dans les parties découvertes de Brack'thal.

— Je vais te montrer comment on castre les orcs, chez nous ! rugit-elle en se dégageant, alors que son agresseur glapissait de douleur.

Mon navigateur s'était mis à clignoter : on était dans le rouge. Je me jetai sur le manche et remontai, évitant de justesse deux missiles.

Merde. Faut qu’elle se débarrasse de cet orc rapidement. Sinon…

Un cri d’une sauvagerie inouïe vrilla alors mes oreilles. C’était Angraema, les yeux réduits à deux fentes rouges. D’une main griffue, la poitrine encore découverte et la bouche en sang, elle brandissait bien haut la tête décapitée de Brack’thal, dont la grosse langue pendait entre les canines terrifiantes.

— Naeheicnë ! hurla-t-elle dans un rugissement rauque. Regarde ta fille !

Cette vision me fit l’effet d’un coup de poing. Une guerrière sauvage, à moitié nue, avec sa longue chevelure noire et ses crocs apparents, encore dans la frénésie de la tuerie… Jamais je n’avais vu Pas Douée ainsi.

Elle se tourna vers moi.

— J'ai tué mon premier adversaire, exulta-t-elle. Un ard-æl orcanide ! Tu es témoin, Rika !

Sa voix avait changé. Ce n’était plus celui de l’implacable déesse de la guerre, de la furie possédée par la soif de sang. Mais, de nouveau, celle de l’adolescente ældienne, qui tirait la langue à table et disait que les mâles la dégoûtaient.

— Super, la félicitai-je, la gorge un peu tremblante.

Pas Douée – ma petite Pas Douée – venait de décapiter un monstre de la taille de Ren… Pour la première fois, je réalisai son potentiel offensif.

Mais cela restait une ældienne. Elle était forcément féroce… et possédait sur ces mâles dominé par leurs instincts un avantage redoutable. Si Brack’thal n’avait pas été si pressé de lui fourrer son « skryll » quelque part, et l’avait juste assommée et ligotée pour l’emmener sur son vaisseau, alors, elle aurait perdu. Mais il avait été incapable de se retenir. Chez lui, l’envie de s’accoupler l’avait emporté sur la prudence.

— On va pouvoir apponter le vaisseau de Mana, observai-je avec une pointe de soulagement.

Nous étions entrés en effet dans la zone d'attraction du Bronagh, et en voulant nous suivre, les quatre chasseurs restant se crashèrent sur le bouclier de Mana.

— Et huit de moins !

Cela restait une petite victoire. L'armada orcanide était composée de six croiseurs, qui devaient chacun contenir au moins dix fois ce nombre. Et désormais, nous étions nous aussi positionnés derrière eux, séparés de l'Elbereth. Mais au moins, nous avions un minimum d'armement.

— Maman ne voudra jamais abandonner son cair, observa Angraema en se rasseyant dans le fauteuil, les yeux brillants et le souffle court, encore tout excitée par son combat.

Elle remonta sa tunique déchirée et essuya sa joue souillée d'un revers de main.

— Il le faudra pourtant. Regarde dans le placard derrière : je crois qu’il y a une autre combinaison.

Hors de question de l’amener à sa mère dans cet état.

Je m’emparai du micro et allumai mon système de communication, cherchant à obtenir une réponse de Mana.

— Ici Rika. Je suis avec Angraema. Je demande à docker le Bronagh. Tu peux nous ouvrir ?

Mana ne nous répondit pas. Mais le pont extérieur du cair se déploya. Je vins me verrouiller dessus.

— Voilà. Ici, on est protégé par le bouclier du Bronagh. Pour l'instant... J'ignore quel est le plus gros calibre que ces orcanides ont à leur disposition, mais je ne pense pas qu'ils arriveront à briser un champ énergétique de sitôt !

Angraema acquiesça fébrilement. Elle n'en savait pas plus que moi sur l'armement orcanide.

Mais Mana, elle savait. Elle avait revêtu son armure.

— Vous êtes folles ! hurla-t-elle en nous voyant débarquer dans sa salle des commandes. Vous auriez pu vous faire tuer ! C’était Ren que j’attendais, pas vous !

Ben merci pour l’accueil…

— Je viens de tuer un guerrier orcanide en combat singulier, lui apprit Angraema en la regardant dans les yeux, et Rika a abattu quatre de leurs chasseurs. Pour l'instant, c'est nous qui comptabilisons le plus gros tableau de chasse, dans cette bataille. On est capable de te protéger !

La reine ældienne posa un regard peu amène sur nous. Puis elle avisa le visage couvert de sang noir de sa fille.

— Tu es couverte de l’ichor répugnant de ces sous-créatures… Ils ne t’ont pas touché, au moins ?

— Celui qui a essayé l’a regretté, répondit Angraema en brandissant le chef grimaçant de Brack’thal.

Mana fit une grimace d’horreur, mais rien chez elle ne bougea. Elle n’avait même pas sursauté.

— Répugnant… et c’est toi qui a du l’affronter ? Mais que fait Silivren ? Et comment se fait-il qu'il envoie ma fille, une jeune ædhelleth immature, et une humaine enceinte pour me protéger ? Pourquoi n'est-il pas venu lui-même faire son travail de maître de guerre ?

Je ravalai une remarque cinglante. Que Mana était ingrate ! Alors qu'on venait de tout risquer pour la sauver !

— Nous sommes venues de notre propre initiative, Mana, lui appris-je. Ren n'a rien eu à dire là-dessus. On est parties avant qu'il ne prenne la moindre décision.

— Je me disais bien que c'était étrange qu'il laisse partir son aslith, prête à accoucher d'un instant à l'autre !

— Je ne vais pas accoucher d'un instant à l'autre, Mana. Je contrôle la situation.

— Bien entendu. Et quel est ton plan pour nous sortir de cette situation fâcheuse ?

Je me tournai vers la baie. Devant nous, les orcanides avaient resserré les rangs. Nous étions prisonnières.

— C'est leur tactique, murmura Angraema. Je l'ai lu dans le volume des Chroniques des Grandes Guerres de l'Autremer que m’a offert Círdan. Ils forment une espèce de filet et forcent les vaisseaux capturés ainsi à les suivre, jusqu'à arriver à un endroit plus propice pour attaquer leurs défenses !

— Le prince de Tára t’a offert un livre de la bibliothèque de son père ? demanda Mana. Eh bien ! Je n’aurais jamais cru, sous ses airs pédants. Il a refusé les avances de tes sœurs…

Pas étonnant, faillis-je dire. Eren et Arda étaient si agressives avec le jeune ældien ! Mais je ne voulais pas fâcher Mana, ni donner l’air de faire du favoritisme.

— Il m’a entendu poser des question à Père sur les tactiques de guerre dans l’Autremer… Je pense qu’il aurait fait la même chose avec Eren et Arda si elles avaient manifesté de l’intérêt pour l’ingénierie spatiale. C’est la passion de Círdan, apparemment.

Je reportai le regard sur Mana avant que la conversation ne dégénère.

— De quelle nature est la force offensive de ces orcanides ? Est-ce qu'ils ont un moyen de percer ton bouclier ?

— Oui, grinça Mana en me regardant dans les yeux.

— Bon. (Je marquai une pause). J'ai peut-être un plan pour sauver et nos vies et le vaisseau. Mais il est risqué.

Cette dernière croisa les bras.

— Dis toujours. À l’époque de la gloire d’Ælda, j’étais une Haute Prêtresse : je ne crains pas le baiser d'Arawn.

— Mais le dun-dun des orcanides ? lui demandai-je en haussant un sourcil incrédule. Ils ont un double pénis…

— Si c’est le choix d’Amarrigan… alors, je devrais m’y soumettre, annonça-t-elle avec philosophie. Avant de leur planter une dague dans le cœur, bien entendu.

Mais sa fille lui jeta un regard horrifié.

— Jamais je ne m’y soumettrai. Je trouvais les mâles dégoûtants, mais les orcanides sont encore pires. Je préférerai me faire sauter avec ce vaisseau que de laisser un seul d’entre eux poser ses sales pattes sur moi.

— Moi aussi, murmurai-je avec un frisson.

Mana se fendit d’un lent sourire vicieux.

— Parfait. Parce que c’est ce qui va nous arriver, maintenant. Nous sommes cernées par leur flotte.

— Il reste une chance, objectai-je. Je prends l’astronef pour faire rompre leurs rangs et faire diversion pendant que vous rejoignez l'Elbereth. Je suis meilleure pilote que vous. Je peux passer entre leurs tirs.

Mana comme Angraema me regardèrent, stupéfaites. Mais la dernière finit par poser ses grandes mains sur mes épaules.

— Je pars avec toi ! On forme une bonne équipe. Toi et moi, nous allons nous couvrir de gloire dans cette bataille ! Nos exploits seront légendaires, chantés par les bardes dans toute la Voie !

Mana émit un ricanement amusé.

— Je doute que cette oie blanche de Tanit écrive la moindre ligne sur vous : elle n'en a qu'après Ren ! Peut-être qu'elle mentionnera votre mort, en revanche. En addendum, entre la perte du chien et d'un carcadann ! De toute façon, jamais mon frère n’accepterait que je mette sa fille ou sa concubine enceinte en danger… Non, c’est à moi de prendre l’astronef. Si les orcanides me capturent, tant pis. Vous négocierez ma liberté.

Pas Douée et moi échangeâmes un regard, incrédule.

— Je ne te savais pas si chevaleresque, Mana… lui dis-je.

— Eh bien, tu me connais mal, susurra-t-elle en repoussant l’une de ces mèches blanches derrière son oreille. Bien, assez discuté. Ils doivent avoir nommé un nouvel ard-æl, maintenant… J’espère que ce n’est pas un mâle trop jeune.

Angraema plissa les yeux.

— Elle a dit quoi ?

— Rien, mentis-je en voyant Mana se déhancher vers le sas.

Je n’étais pas trop sûre de ses intentions. Comment savoir, avec elle ?

Avant de fermer le sas d’embarquement, Mana se retourna: :

— Quoi qu'il arrive, n'entrez pas dans la soute neldë. Elle est condamnée. Si le vaisseau est envahi, ouvrez-la à distance et évacuez. Mais ne le faites que dans ce cas de figure, et ne vous en approchez pas. Est-ce bien clair ?

J'acquiesçai sans faire d'histoires. J'avais d'autres chats à fouetter.

Mais la curieuse Angraema se tourna vers moi sitôt sa mère partie :

— La mystérieuse soute neldë, murmura-t-elle. Mère nous a toujours interdit de nous en approcher. Qu'est-ce qu'elle y cache, à ton avis ? Une arme secrète ?

— Je n'en sais rien, répondis-je, cherchant à me concentrer. Où sont les commandes, sur ce bord ?

Angraema tapota la console, et la carte de la Voie apparut.

— Je vais t’aider. J’ai souvent vu Mère le faire.

Je la laissai pianoter sur les glyphes qui apparaissaient tout autour de nous. Il y en avait un que je reconnus : celui qui désignait l’Elbereth, le cair de Ren. Angraema le toucha du bout de sa griffe et il s’évanouit comme une volute de fumée dispersée par le vent. Devant nous, sur la baie, j’aperçus l’astronef de Mana qui passait paresseusement entre les lignes ennemies.

— Elle est folle, murmurai-je. On dirait qu’elle veut leur laisser une chance de l’aborder…

— Père ne laisserait jamais une telle chose arriver, clama Pas Douée, confiante.

Je fis la moue. Le comportement de Ren me déroutait parfois autant que celui de Mana.

— Vas-y, m’annonça Pas Douée. Je t’ai mis l’interface en Commun… Je te laisse prendre les commandes !

Je n’avais jamais piloté le Bronagh. Mais c’était le même système que l’Elbereth, sensiblement. Il suffisait de se concentrer, et de s’imaginer que le corps du wyrm était le nôtre.

— Bon, c'est à moi, maintenant, annonçai-je en voyant le cair de Ren se positionner pour protéger Mana.

Mais soudain, une contraction terrible me broya les entrailles.

— C'est pas le moment, grognai-je, tentant vainement de repousser la pression.

Angraema se tourna vers moi, inquiète.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Les bébés... Ils arrivent !

Le visage horrifié de la jeune ældienne fut la dernière chose que je vis avant de tomber à la renverse.

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