CHAPITRE XXIII

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Dès la sonnerie de midi, j’ai filé. Je ne suis pas resté à discuter avec mes amis comme on le fait souvent, j’ai enfourché mon vélo et je suis rentré chez moi à vive allure.

En ouvrant la porte de la maison, j’ai appelé Stéphane.

-« Salut Stéph’, c’est moi, t’es levé ?

-« Ha ha, très drôle ! Je te ferai remarquer que ce n’est pas parce que je n’ai pas cours que je ne travaille pas le mercredi !

-« Je sais, je rigolais ! T’as corrigé des copies ?

-« Oui et franchement, il n’y a rien de plus inintéressant que ça !

-« Ah si, faire les devoirs !

-« Ah oui… je peux comprendre encore que je pense que pour les élèves ce n’est pas le manque d’intérêt mais plutôt le stress de ne pas réussir !

-« Oui, tu as raison. Au fait, j’ai eu 15 à mon devoir de SVT !

-« C’est bien ! Et ton résumé de français ?

-« Non, elle l’a pas rendu ; elle prend son temps !

-« Oui et bien je crois qu’elle est comme moi, elle ne doit pas trouver ça passionnant…

-« Oh tu sais je ne lui demande pas de trouver ça passionnant, juste de me mettre une bonne note, ça suffira !

-« On verra… bon, tu vas toujours à la piscine cet après-midi ?

-« Oui, je vais essayer d’y être vers deux heures, Thibaud aura juste fini son entrainement !

-« Ok, alors on passe tout de suite à table.

-« Super, en plus je meurs de faim !

-« Ca c’est comme d’habitude ! »

A nouveau, je n’ai guère trainé ; juste le temps d’avaler le repas préparé par Stéphane et de me poser quelques minutes et puis dès une heure vingt, je suis reparti en direction de la piscine.

Sur le chemin, je me suis surpris à siffloter gaiement. C’est rare que je sifflote en étant joyeux ; non pas que je sois d’un naturel taciturne, enfin je ne crois pas, mais aujourd’hui je me sens heureux de vivre et l’idée de retrouver mon nouvel ami n’y est certainement pas pour rien !

Dans ma tête je dis nouvel ami, c’est peut-être un peu exagéré, on se connaît à peine, on a juste passé une heure ensemble dans l’eau lundi parce que depuis on s’est seulement salué de loin sans rien se dire. C’est bizarre parce que pour moi, il est déjà mon ami et j’espère que je suis aussi le sien…

C’est vrai qu’au lycée, on ne s’est pas parlé comme si ce n’était pas le lieu qui convenait à notre nouvelle amitié, comme si celle-ci appartenait à un univers différent et qu’il ne fallait pas confondre ces deux parties de nos vies…

Avec une certaine hâte, je traverse à pied le parking de la Petite Hollande et je me retrouve devant la piscine ; quelques vélos sont attachés à l’extérieur et je me demande si le sien y est.

‘C’est idiot, il est peut-être venu en tram, comme moi !’

J’ai un petit battement au cœur quand je franchis le sas qui mène aux bassins.

‘J’espère qu’il est là !’

L’immense halle est presque déserte tout comme lundi ; c’est vrai qu’il est tôt, à peine deux heures, mais aujourd’hui je m’attendais à y trouver davantage de monde.

Je jette un coup d’œil circulaire autour de moi…

Non, je ne le vois pas…

J’avoue que je ressens une petite déception, comme si je m’attendais à ce qu’il soit là devant la porte à m’attendre…

Je hausse les épaules et chasse cette idée ridicule de ma tête.

‘Il doit être en train de nager, il a entrainement !’

Je m’approche du grand bassin de cinquante mètres et je cherche des yeux un garçon avec un maillot rouge…

Je parcours toute la surface du bassin mais à ma grande déception je ne le vois pas !

‘Merde, il n’est pas là !’

Je scrute à nouveau attentivement les corps qui s’agitent dans le bassin, il y a cinq ou six filles et autant de garçons mais aucun ne porte de maillot rouge…

‘Il est peut-être aux toilettes ou alors il n’a pas pu venir …’

Conscient que mon attitude puisse paraître étrange, à rester planter au bord du bassin à fixer les nageurs, je décide d’aller poser ma serviette dans les gradins à l’endroit où je m’étais installé lundi. J’essaie de ne pas laisser paraître ma déception et je regarde droit devant moi quand j’entends une voix qui vient de nulle part m’interpeller.

-« Diego ! Diego ! »

‘C’est lui !’

Je lève la tête et j’aperçois un garçon aux cheveux blonds coupés très courts vêtu d’un maillot gris au plongeoir de cinq mètres qui agite ses bras dans ma direction. Il arbore un grand sourire auquel je sens que je réponds spontanément puis me fait un dernier signe avant de s’élancer de la plate-forme dans un plongeon magnifique. Je me dirige avec empressement au bord du bassin et au bout de quelques secondes je le vois émerger en secouant la tête.

-« Salut Diego !

-« Salut Thibaud !

-« Je suis content que tu sois venu !

-« Tu croyais que je viendrai pas ?

-« Non, enfin je sais pas… en tous les cas je suis content que tu sois là, je commençais à m’ennuyer !

-« Mais ton entrainement ?

-« Ben, j’ai fini mon programme et je t’attendais…

-« Oh super et bien tu vois, je suis là !

-« On va nager ? »

Il est sorti de l’eau et je n’ai pu m’empêcher d’admirer son corps musclé qui ruisselait. Sans être impressionnantes, ses épaules sont tout de même harmonieusement musclées et pour le reste, son ventre plat, ses pectoraux bien dessinés…

J’aimerais bien être comme lui !

Et puis aujourd’hui, dans son maillot gris argent qui moule ses formes, il est super sexy !

Inquiet qu’il ne remarque que je le détaille aussi intensément, je tente de reprendre mes esprits et détourne la tête…

Et nous avons nagé. Thibaud m’a regardé nager deux longueurs de dos et il m’a repris techniquement sur plusieurs points comme les battements de pied et le virage que je ne maitrise pas du tout et tout de suite je me suis senti bien.

C’est incroyable le pouvoir qu’il a !

Quand il est là, je me sens différent, comme un autre. Quelqu’un de différent, de nouveau…

‘Oui, c’est ça, un nouveau Diego !’

-« Pourquoi tu souris ?

-« Parce que je suis content d’être là…

-« C’est vrai ?

-« Oui, je sais pas pourquoi, je me sens bien, ça doit être l’eau, la piscine… »

Il n’a rien rajouté mais j’ai vu que lui aussi était content et je me suis dit que c’était ça être ami avec quelqu’un, se sentir bien, détendu et heureux avec lui…

On a nagé une bonne heure et puis j’ai commencé à avoir mal aux épaules et aux jambes alors on a jugé plus raisonnable de faire une pause. On est allé chercher un chocolat pour lui et un café pour moi, à la machine près de l’entrée et on s’est installé à notre endroit dans les gradins.

-« Tu dois partir à quelle heure ? » lui demande-je en jetant un œil à la grande pendule circulaire.

-« Oh ça va, le mercredi, j’ai pas d’heure, faut juste que je rentre pas trop tard parce que j’ai du boulot…

-« Oui moi aussi, des maths et puis l’allemand pour demain !

-« Ca va, pour toi l’allemand, c’est pas un problème, t’es hyper bon !

-« Oui je me débrouille, t’as du mal toi ?

-« Non mais je suis pas aussi bon que toi, c’est sûr ! »

On a parlé de tout en commençant par l’école parce que c’est le point commun que nous avons et puis après de tout. Il voulait tout savoir de moi et moi aussi de lui alors les vacances, la famille, le sport, tout y est passé !

Enfin non, on n’a pas parlé de filles ; je n’ai pas osé lui demandé s’il avait une copine et en même temps, ça m’a bien soulagé qu’il ne me pose pas la question parce qu’en ce moment avec toutes ces histoires autour de Bérangère, ce n’est pas très clair dans ma tête…

Le temps est passé comme à toute vitesse et j’ai vu tout d’un coup qu’il était presque quatre heures et demie.

-« Purée, t’as vu l’heure ? Dans une demie heure, faut que je sois parti !

-« Déjà ? On retourne un peu à l’eau avant ?

-« Ok, mais à cinq heures, je file ! »

Il a proposé qu’on se fasse un petit record personnel en dix minutes alors on a nagé côte à côte dans le bassin pour parcourir la plus grande distance. Il m’a largement battu mais ça c’était évident. Il a fait huit cent mètres et moi quatre cent cinquante !

J’étais tellement crevé que j’ai mis autant de temps à récupérer et c’est lui qui m’a sorti du bassin en me tirant sur les bras, je n’avais plus aucune force !

-« Ca va ?

-« Ouais, heureusement que je suis venu en tram, je pourrai jamais revenir en vélo !

-« Tu as peut-être trop forcé…

-« Ben oui mais tu disais que c’était pour faire un temps de base pour l’entrainement…

-« Ouais mais quand même je voulais pas que tu sois mort à ce point là !

-« Bon aller, on file se changer. »

On est passé par les douches pour se rincer et je n’ai pas pu m’empêcher de le regarder discrètement à la dérobée ou du moins c’est ce que je croyais car il a surpris mon regard.

-« Qu’est-ce qu’il se passe j’ai un trou dans mon maillot ?

-« Hein quoi ? Non je…

-« Mais non je déconne, c’est ce qu'on dit au club quand on se fait mater !

-« Ah heu oui… heu désolé, je voulais pas mater… c’est juste que je trouve que t’es super bien musclé…

-« Ah oui, tu trouves ? Merci mais t’es pas mal non plus… t’as de ces jambes !

-« Ouais mais j’ai pas des pecs comme toi ! »

J’ai senti alors son regard me parcourir des yeux ; il était sérieux et concentré mais peut-être un brin amusé aussi car il y avait une lueur dans ses yeux…

-« Oui c’est vrai, t’as un peu de boulot encore pour ressembler à un vrai nageur ! Alors, pour les épaules c’est le crawl, pour les pecs c’est le papillon et le petit cul bombé c’est la brasse ! C’est pas bon pour le dos mais ça creuse bien les reins…"

Il a m'a répondu sur le ton de la plaisanterie mais à la fin j'ai vu son regard se voiler et comme une ombre de tristesse passer dans ses yeux et il a semblé un peu embarrassé.

-« Ah oui, c’est vrai que t’as… non enfin j’veux dire t’es bien musclé de partout…

T'inquiète dans quelques mois, toi aussi tu auras des muscles que les footballeurs ne connaissent pas ! »

J’ai souri en essayant de cacher mon embarras de m’être fait surprendre à le détailler mais je crois que c’est comme au foot, dans les vestiaires et sous les douches, tout le monde mate tout le monde !

‘C’est juste que je suis vraiment pas discret ! Putain heureusement qu’il ne l’a pas mal pris !’

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