CHAPITRE XLIV

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Il était venu en tram lui aussi et après nous être changés, nous nous sommes retrouvés dans le hall d'entrée de la piscine pour rentrer ensemble. Il a donné la clé de son vestiaire, c'est celui des nageurs du Cercle, à la personne qui était au guichet et on est sorti.

-"J'en reviens pas, mon cauchemar est fini ! Je suis heureux, tu peux pas savoir !

-"Moi aussi, je suis fou de joie mais est-ce que je peux te poser une question ?

-"Oui bien sûr !

-"En fait qu'est-ce qui t'a convaincu finalement que j'étais toujours ton ami ?

-"Oh... pleins de choses ! D'abord, en fait je le savais au plus profond de moi parce que... enfin je le sentais mais j'avais tellement peur de revivre ce qui s'était passé au collège que je voulais pas te croire. Ensuite, il y a Nicolas, le capitaine de l'équipe, qui m'avait dit qu'il ne pensait pas que tu étais homophobe ; il t'avait observé attentivement et il te trouvait sincère.

-"Pourtant, il ne m'a pas ménagé l'autre fois sur le parking.

-"Oui mais ça c'était pour faire bloc avec moi ; tous les nageurs étaient derrière moi, ils ont été super...

-"Oui, ça je l'ai vu ! Mais bon alors ça a été quoi, le déclic?

-"C'est vraiment Boris ce matin. Je vais te raconter quand on sera dans le tram."

En fait il a commencé son histoire dès que nous sommes arrivés à l'arrêt.

-"J'étais venu en vélo, comme souvent, mais d'habitude j'arrive assez tôt pour éviter justement de croiser Boris ou même toi ces derniers temps... bref, j'étais en train d'attacher mon vélo quand j'ai entendu des pas derrière moi, je me suis retourné et je l'ai vu. Mon cœur s'est mis à battre super vite et j'ai du avoir l'air paniqué parce qu'il a tout de suite réagi.

-"Salut Thibaud, j'te veux pas de mal, j'te jure !"

Je n'ai rien répondu, j'étais tendu et je me demandais bien ce qu'il me voulait justement. Il a repris.

-"Je sais que c'est vraiment beaucoup trop tard pour te le dire mais je voudrais m'excuser pour tout ce que je t'ai fait subir au collège ; je sais que j'étais pas tout seul mais je ne peux pas m'excuser pour les autres... je ne suis pas homophobe, j'te jure ! Je me suis rendu compte qu'on s'était comporté comme des idiots, des salauds avec toi et je le regrette sincèrement ! "

Il se tenait devant moi en se balançant doucement sur ses jambes, son visage était un peu rouge, ses mains qui s'agitaient trahissaient elles aussi sa nervosité encore plus marquée par un débit haché. J'ai trouvé le courage de le regarder dans les yeux et de lui répondre.

-"Ah oui ? Et qu'est ce qui t'a donné envie de venir t'excuser comme ça, trois ans après ?

-"C'est Diego ! Il est furieux depuis que je lui ai raconté ce qui s'est passé et il m'a dit que je devais absolument venir m'excuser pour que tu te sentes en sécurité...

-"Diego ?

-"Oui, Diego, il m'a engueulé et j'ai compris qu'il avait raison...

-"Ah oui... mais c'est beaucoup trop tard, vous avez bousillé ma vie, en tous les cas une partie de ma vie... et ça, je sais pas si je pourrai vous le pardonner un jour !"

Il n'a rien répondu, il a baissé la tête et j'ai repris.

-"Pour que je vous pardonne c'est trop tard mais si ça veut dire que tu ne parleras de ça à personne...

-"Non, je dirai rien ! D'ailleurs ici, à part Théo, personne n'est au courant et Théo non plus il dira rien, j'irai le voir...

-"OK, au moins pour ça, merci d'être venu...

-"C'est normal, merci de m'avoir écouté."

Il allait partir et il s'est retourné.

-"Tu peux le dire à Diego que je suis venu m'excuser s'il te plaît parce que j'ai l'impression qu'il me croira pas et puis tu peux être sûr que s'il y a bien un gars au lycée qui n'est pas homophobe, c'est Diego. Son oncle est gay et je peux te dire que quand quelqu'un fait une remarque déplacée sur les gays, il ne la laisse pas passer !"

Je n'ai rien dit, j'ai acquiescé de la tête et c'est là que je suis devenu sûr !"

-"Oui, c'est vrai, Sébastien, le frère de mon père est gay et j'ai été élevé avec des principes très clairs, tous mes copains le savent parce que je ne supporte pas la moindre réflexion homophobe ! C'est pour ça je ne supportais pas que tu croies que je l'étais !

-"Oui je comprends et j'suis désolé...

-"Ah non ! Par contre, je comprends que tu aies réagi comme ça... comme tu le dis ça t'a gâché la vie ...

-"Oui plus que gâché, je vais te raconter mais pas ici, quand on sera chez moi."

...

On a récupéré nos vélos respectifs à la station Beauséjour et on est parti chez Thibaud en remontant la route de Vannes. Il a tourné cinq cent mètres plus loin et je me suis retrouvé sur la route que j'empruntais quand j'allais au collège.

-"T'habites pas loin de Jules Verne ?

-"Oui, tout près, avant j'y allais à pied. Après ça a changé..."

'Merde, je suis con, moi !'

On a roulé encore quelques minutes, tourné deux fois à droite et il s'est arrêté devant le 8 de la rue de Provence.

-"C'est là, suis moi, tu vas rentrer ton vélo dans le garage, ce sera plus sûr."

On s'est installé dans la cuisine. C'est une cuisine moderne, comme chez moi, ouverte sur une grande pièce de vie. Thibaud a ouvert une bouteille de jus d'orange et a sorti une brioche du four.

-"Tu vas goûter à la brioche de ma mère !

-"Ah c'est pour ça que ça sent hyper bon."

Il a coupé deux grosses tranches, m'en a tendu une et a remis la brioche bien entamée dans le four.

-"Humm, délicieux !

-"Je te l'avais dit !

-"Au fait, tu t'es inscrit à un club au lycée ?

-"Tu penses au club Arc en ciel, c'est ça ? Non... et toi ?

-"A deux clubs et je pense qu'il y en a un qui pourrait t'intéresser.

-"Ah oui, lequel ?"

On a entendu soudain une porte s'ouvrir et j'ai vu Thibaud blêmir.

-"Merde, c'est mon frère ! Viens, on va monter dans ma chambre !

J'ai été très surpris par sa réaction mais peut-être ne voulait-il pas que son frère me voie. Quoi qu'il en soit, j'ai vu surgir un gars de treize quatorze ans presque aussitôt dans la cuisine. Il m'a à peine regardé mais par contre a réagi tout de suite en voyant la brioche que nous avions encore en main.

-"Hé vous avez intérêt à m'en avoir laissé !"

Thibaud était tout blanc. Je l'ai vu fermer les yeux et se crisper et ça m'a fait réagir au quart de tour.

-"Bonjour, moi c'est Diego." en essayant de sourire.

Il m'a jeté un regard méprisant et sans plus s'occuper de moi, a ouvert le four. Il a paru se détendre, a saisi le plat qui contenait la brioche et s'est alors retourné vers moi.

-"J'te préviens, j'suis pas pédé, moi !"

-"Enchanté, Jsuis paspédémoi, c'est vraiment original comme prénom !" réplique-je du tac au tac sans réfléchir. Je me suis tourné vers Thibaud et j'ai poursuivi "Tu voulais me montrer ta chambre, Thibaud ?".

-"Euh oui, c'est par ici."

On est sorti de la cuisine sans qu'il n'y ait plus de paroles de prononcées et j'ai suivi Thibaud jusqu'à sa chambre à l'étage. Il a fermé la porte dernière nous et a éclaté de rire.

-"Enchanté Jsuis paspédémoi !!! Comment tu l'as mouché !"

Je me suis détendu parce que je me demandais si mes paroles n'étaient pas allées trop loin. Thibaud était complètement parti et son fou rire communicatif m'a gagné. On est resté plusieurs minutes à se tordre de rire avec Thibaud qui n'arrêtait pas de répéter "Enchanté Jsuispas pédé moi". Ca nous a fait du bien de rire après cette scène très tendue mais quand j'ai retrouvé mes esprits, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que ça ne devait pas être facile tous les jours pour Thibaud.

'Putain, son frère est complètement homophobe, c'est dingue, ça !'

...

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