CHAPITRE LXXXIII

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Cette nuit contrairement à ce que je craignais, j'ai bien dormi. J'ai regardé un film à la télé avec Sébastien et puis je me suis couché avec un livre mais j'ai à peine lu quelques pages et j'ai senti le sommeil me gagner alors j'ai éteint la lumière et quelques minutes plus tard, je dormais profondément.

Ce matin Sébastien m'a dit qu'il m'enverrait un SMS dès qu'il aurait eu des nouvelles de Stéphane et que je pourrai l'appeler pendant la pause de midi. Il m'a serré fort contre lui avant de partir de la maison et dix minutes plus tard je suis parti à mon tour.

Je suis arrivé comme d'habitude largement en avance et je suis allé récupérer mes affaires dans le bureau des surveillants. La surveillante qui était là m'a gentiment accueilli et m'a dit que les profs de la classe avaient été prévenus de l'accident de mon père pour que je n'aie pas à expliquer la situation à chacun d'entre eux. Je l'ai remerciée et je suis sorti soulagé puis j'ai rejoint le couloir de ma salle de cours.

-"Salut Diego ! Ca va ?

-"Salut Léa, oui ça va...

-"Tu as eu des nouvelles de ton père ?

-"Oui hier matin. Il est stable, l'opération s'est bien passée, il n'y a pas eu de complication mais il est toujours dans le coma...

-"Oh d'accord... mais il va s'en sortir ?

-"J'espère... c'est encore un peu tôt pour savoir..."

-"Tu tiens le choc ?

-"J'essaye " réponds-je en essayant d'esquisser un pauvre sourire.

-"Comment tu fais, tu es tout seul à la maison ?"

J'hésite un instant. Léa a eu droit à la version "Règles de Nantes" de ma vie de famille et pour elle, comme pour tout le monde d'ailleurs, je vis seul avec mon père donc sa question est parfaitement légitime.

-"Heu... en fait je t'ai pas tout dit... je vis avec mon père et Sébastien, son compagnon, donc c'est lui qui s'occupe de moi...

-"Ah oui d'accord, excuse-moi, je suis indiscrète !

-"Non mais c'est vrai, c'est un peu secret ; officiellement je suis seul avec mon père parce qu'on a eu des problèmes avec des homophobes avant qu'on arrive à Nantes alors...

-"Si c'est secret, tu peux compter sur moi, je ne dirai rien à personne ! Et puis aussi, je trouve ça cool que tu aies deux papas !

-"Merci... et le secret c'est important pour nous, grâce à ça on est heureux... enfin on était heureux jusqu'à lundi soir..."

Ma voix se brise d'un coup et je sens les larmes monter jusqu'à mes yeux. Je détourne la tête tandis que Léa s'excuse.

-"C'est rien, je vais juste faire un tour pour souffler un peu..."

...

Quand je suis revenu dix minutes plus tard, personne n'est venu me parler. Léa m'a dit qu'elle avait expliqué à Mathilde, une des délégués, que mon père était dans le coma dans une situation difficile, qu'elle pouvait en parler aux autres élèves mais qu'il ne fallait pas qu'ils viennent me parler de ça parce que je risquais de craquer.

-"Et c'est tout ce que j'ai dit, le reste est toujours secret !

-"Merci, c'est très gentil de t'occuper de moi !

-"Ben qu'est-ce que tu crois, je suis ta nouvelle meilleure amie alors il faut que j'assure un peu!"

Elle a réussi à me faire sourire un peu et j'avais meilleure mine que tout à l'heure quand la prof a ouvert la salle de cours.

...

A la récré de 10 heures, Thibaud est venu me voir et j'ai aperçu Boris qui se dirigeait vers moi mais qui s'est arrêté à quelques mètres, certainement justement parce que Thibaud était là. Je lui ai fait signe de venir car je ne me sentais pas la force d'expliquer tout ça deux fois de suite.

-"Viens Boris, rejoins-nous !"

Il a fait quelques pas hésitants et a baissé la tête.

-"Salut Diego ! Heu salut Thibaud...

Thibaud de son côté n'était pas plus à l'aise mais il a répondu à Boris.

-"Salut Boris...

-"Je vais vous expliquer à tous les deux en une seule fois parce que c'est trop dur et que je risque de me mettre à pleurer...

-"Oh mais on n'en parle pas si c'est trop dur." répond immédiatement Boris

-"Oui exactement, on veut juste prendre de tes nouvelles mais pas que tu nous expliques en détail et que ça te fasse du mal !" reprend Thibaud en allant dans le même sens.

-"Merci, je vais juste vous expliquer en quelques mots et ça devrait aller..."

J'ai été très concis et j'ai essayé de parler avec détachement comme le ferait un médecin mais à la fin j'ai senti que mes yeux s'humidifiaient dangereusement. Ils ont échangé un regard que je n'irai pas jusqu'à qualifier de complice, il ne faut pas exagérer mais j'ai senti qu'il y avait eu un bref instant de communication entre eux.

'Si au moins, mon malheur peut servir à quelque chose...'

Puis Boris s'est excusé pour aller aux toilettes et nous a laissés, Thibaud et moi, au milieu de la cour.

-"Et la réunion d'hier, comment ça s'est passé ? Tu es allé chercher la clé à l'accueil ?" interrogé-je Thibaud en changeant de sujet.

-"Oui, la dame de l'accueil m'attendait, elle m'a dit que tu l'avais appelée. Et après... on n'a pas beaucoup avancé... enfin j'ai expliqué pourquoi t'étais pas là alors ça a jeté un froid...

-"Maellis n'a pas fait sa présentation ?

-"Ah si, heureusement et c'était bien. Elle a fait comme toi avec des diapos et elle nous a dit qu'elle était lesbienne mais qu'elle n'avait pas d'expérience avec une fille et que ses parents ne le savaient pas donc c'est un peu compliqué chez elle...

-"Mince, oui c'est dur si tu dois te faire passer pour hétéro auprès de ta famille...

-"Oui, au moins moi j'ai pas ce problème ; ma famille est au courant et comme ça moi je sais aussi que mon frère est homophobe !" reprend-il avec un humour sarcastique sous lequel je sens une certaine émotion.

-"Oh Thibaud ! Ca va ? Il a encore fait des remarques homophobes ?

-"Non, il s'est calmé et je trouve que ça va mieux, il est moins agressif. Depuis que tu lui as parlé, c'est moins tendu...

-"Tant mieux ! J'ai discuté deux fois avec lui parce que je voulais comprendre pourquoi il était comme ça et puis après pour essayer de lui ouvrir un peu les yeux et je ne désespère pas...

-"Oui c'est pas encore gagné mais grâce à toi, c'est un peu plus vivable à la maison..."

Je l'ai senti presque sur le point de pleurer et j'ai retrouvé le Thibaud fragile que j'ai connu en début d'année.

'Alexis a du lui dire quelque chose qui l'a blessé et il ne veut pas m'en parler...'

-"Hé Thibaud, craque pas sinon je vais me faire agresser par tous les beaux gosses du lycée qui sont amoureux de toi !

Il a haussé les épaules mais a souri tout de même avant de reprendre.

-"Tu viens à la piscine cet après midi ?

-"Heu je sais pas. Ca dépend si les nouvelles du CHU sont bonnes et puis j'ai les cours d'hier à rattraper donc pas sûr... mais faudra pas m'en vouloir parce que si ça tenait qu'à moi, je ne raterai pas mon moment préféré de la semaine où mon maître-nageur personnel s'occupe si bien de moi !"

Je l'ai vu rougir et sourire alors j'ai souri à mon tour et quand la sonnerie a retenti je crois que nous avions oublié un petit peu tous les deux les tourments qui nous déchirent cruellement le cœur et projettent un voile sombre sur notre vie...

...

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