CHAPITRE XCVI

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Je suis donc resté deux jours de plus à Locmariaquer. Jeudi, en fin de journée, je suis allé à la pêche avec Edouard. Sophie voulait venir elle aussi mais juste avant que nous partions elle a reçu un appel de son travail, un problème avec un fournisseur, et nous a dit de partir sans elle car elle devait s'en occuper tout de suite.

-"C'est quoi ce travail ? Ils se permettent d'appeler les gens qui sont en vacances !" a commenté Edouard pas du tout content dès que nous sommes montés dans la voiture.

-"Oh tu sais, Sébastien aussi, il reçoit des appels le week-end parfois !

-"Oui et bien moi, je n'y répondrais pas, tu peux en être sûr !"

J'ai préféré ne pas poursuivre parce qu'il semblait vraiment énervé et je sais qu'alors il ne faut pas rajouter du bois dans le feu, comme le dit Stéphane !

'Oh Stéph', s'il te plaît, réveille-toi vite !'

J'ai pris sur moi et j'ai chassé cette pensée de ma tête pour que mon humeur ne soit pas attristée et qu'Edouard s'en aperçoive.

La marée était basse en milieu d'après midi et il faisait beau une nouvelle fois. Cette fois encore, c'est à la pointe de Er Hourèl qu'Edouard m'a emmené.

-"On retourne à Er Hourèl ?

-"Oui, à cette période c'est le meilleur endroit, on est protégé du vent d'ouest et puis il n'y a personne donc tous les crabes seront à nous !

-"La dernière fois, on n'a pas ramené grand-chose !

-"La dernière fois, je t'avais emmené pour te changer les idées et tu n'avais pas vraiment la tête à la pêche !

-"Oui, c'est vrai...

-"Et... heu, ça c'est arrangé avec ta copine ?

-"Non, on a cassé mais c'est pas grave, je m'en suis remis !

-"Ah d'accord ! Décidément, j'ai le chic pour mettre les pieds dans le plat !

-"C'est rien je te dis. Et puis tu avais raison, les peines de cœur ça parait insurmontable au moment où on les vit et quelques mois plus tard, on en sourit ou on les a oubliées !"

Il m'a regardé avec un grand sourire et m'a fait un clin d'œil. Je n'ai rien ajouté et nous avons continué à rouler dans un silence complice.

...

Effectivement, Edouard avait doublement raison. Il n'y avait personne sur la plage et encore moins dans les rochers et, j'avoue que pour ma part c'est surtout cela que j'ai apprécié, nous avons pêché une quantité incroyable de crabes, des beaux dormeurs avec leur pinces impressionnantes et des étrilles pour faire de la soupe. On en avait tellement qu'on s'est payé le luxe de relâcher tous les spécimens de taille moyenne. C'était comme si personne n'était venu dans le coin depuis plusieurs semaines. On était en train d'explorer un gros trou d'eau quand j'ai senti une présence et je me suis retourné.

-"Hé Papy, regarde, voilà un concurrent ! dis-je en désignant un retraité aux cheveux blancs qui venait d'arriver sur la plage pas très loin de nous.

-"Ah non, je ne pense pas, où alors il a un drôle d'attirail de pêche !"

J'ai regardé plus attentivement et à ma grande surprise, j'ai vu qu'il installait un chevalet et sortait ce qui ressemblait à une palette de peinture et des pinceaux.

-"Ah oui, tu as raison c'est un peintre.

-"Oui, c'est le père Fichand, il traîne souvent par ici. Tu vas voir, il va venir nous demander s'il peut nous prendre comme sujets !"

Cinq minutes plus tard, le peintre a donné raison, encore une fois, à Edouard. Nous avons accepté et il a pris de nombreuses photos de notre activité.

-"Mais, je croyais que vous étiez peintre ?

-"Oui, je vais peindre la grève au soleil couchant et ensuite quand je trouve un sujet intéressant je fais une ou deux toiles en l'incorporant au premier plan à partir des photos. Cela vous évite de devoir poser !

-"Ah oui, c'est bien vu et ensuite vous vendez vos toiles ?

-"Oh ça m'arrive mais je peins surtout pour mon plaisir."

Je me suis rapproché de lui tandis qu'Edouard continuait de pêcher. Une idée m'avait traversé l'esprit.

'Ca ferait un joli cadeau pour Noël prochain !'

J'ai demandé au peintre si on pouvait venir voir ses tableaux et il m'a donné une carte qu'il avait sur lui.

-"Avec plaisir !

-"Ce serait pour faire un cadeau à mon Papy mais il faut que vous gardiez le secret !

-"C'est une belle idée, promis, je ne lui dirais rien !

-"Et moi, je ne vous promets rien mais si vous pouviez garder une toile jusqu'aux prochaines vacances quand je reviendrai...

-"Tope-là mon garçon !"

...

Nous ne sommes pas retournés pêcher le lendemain, nous avions ramené plus qu'il nous en fallait et nous nous sommes régalés de crabe à tous les repas tandis que Marie avait préparé de la bonne soupe qu'elle a absolument tenu à nous donner à Sophie et à moi pour égayer un peu les repas de cet hiver.

Vendredi, j'étais impatient de rentrer à Nantes. J'ai appelé Sébastien jeudi soir pour lui demander des nouvelles de Stéphane et de sa nouvelle chambre et j'en ai profité pour lui parler de la soirée à laquelle j'ai été invité. A ma grande surprise il m'a dit que c'était une excellente idée. Il avait été lui même invité à une soirée par des collègues de travail comme l'avait espéré Thibaud et trouvait que c'était mieux que chacun d'entre nous essaye de s'amuser un peu et d'oublier un instant nos soucis plutôt que de rester tristement les ressasser à la maison.

J'ai aussitôt appelé Thibaud mais il n'a pas décroché et j'ai préféré ne pas laisser de message, je l'appellerai quand je serai arrivé à Nantes. Je sais que ça lui fera énormément plaisir et je crois qu'il a raison, cela me fera beaucoup de bien à moi aussi.

J'ai de drôles de sensations quand je pense à lui, je ne sais pas comment les définir. Je pense souvent à lui, à tout ce qu'il m'apporte avec sa gentillesse, son attention délicate.

Au début, quand nous nous sommes connus, j'avais l'impression que c'était moi qui lui apportais quelque chose, mon amitié, une écoute, du réconfort et maintenant les rôles se sont inversés et c'est moi qui ai besoin de lui.

Je sens qu'il existe entre nous un lien très fort, une relation qui continue de se développer et que nous sommes liés par quelque chose que je n'ai encore jamais connu ; quelque chose de particulier, d'unique et précieux qui nous appartient et nous fait avancer ensemble.

...

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