De retour juste à l'heure pour le cours de physique, nous nous sommes dépêchés de rentrer en classe où nous attendait madame Beirnart. Elle nous accueillit avec un grand sourire.

-"Je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui mais vous sentez tous très bon !

-"Tu vois, il n'y a pas que moi qui pense que d'habitude ça cocotte !" m'interpelle Léa.

-"Heu, c'est une attaque personnelle ?

-"Non, sauf si tu te sens concerné !"

-"Toi aussi tu sens très bon, mais comme toujours !" répliqué-je avec un grand sourire.

-"Arrête de me draguer, j'ai déjà un copain ! Toi par contre, si par hasard tu cherches une nouvelle copine, je peux te donner des noms, j'ai toute une liste ! Tu as fait très forte impression dans ton mini slip sexy cet après-midi...

-"C'est pas un mini slip, c'est un maillot de compétition !

-"Oui ben peu importe mais en tous les cas, il met bien en valeur tes formes si tu vois ce que je veux dire... toutes les filles en parlaient dans le vestiaire avec l'eau à la bouche !

-"Oui, oui, je vois très bien merci !" réponds-je en sentant le caramel me monter aux joues.

-"Et quand j'ai démenti qu'on était ensemble, ça a presque déclenché une émeute !

-"C'est ça, fiche-toi de moi !"

Elle n'a pas répondu mais je voyais qu'elle était morte de rire et je lui ai fait un clin d'œil malgré l'embarras que je ressentais.

'Il ne manquerait plus qu'une autre fille veuille sortir avec moi ! '

Je réfléchis quelques instants à cette possibilité et je soupire.

'Je crois que ce n'est pas le bon timing, les filles ! J'ai l'impression que je suis en train de passer à autre chose...'

Et puis madame Beirnart a distribué le sujet du devoir et je me suis concentré sur des choses plus terre-à-terre...

...

Après le cours de physique, je suis allé chercher la clé de la salle du Geography club et puis je suis monté disposer les tables. Nous sommes arrivés par petits groupes et quand les dernières, Eva et Maellis se sont installées, j'ai ouvert la séance.

-"Pas de nouvelles du Proviseur concernant le projet de référendum sur le Mariage pour tous, je le vois demain, je vous tiendrai au courant.

-"Et la manif de samedi ça a donné quoi ?" demande Eva.

-"Moi, j'ai dû partir au début alors je vais donner la parole à ceux qui y étaient mais ce que je peux vous dire c'est qu'en face ils étaient super nombreux ; je suis passé à la cathédrale et c'était noir de monde. Cassandra, Maellis et Thibaud, vous pouvez nous faire un petit rapport?

-"On n'étaient pas très nombreux, une centaine peut-être...

-"Oui à peu près... c'était sympa, mais on n'a rien pu faire quand la police nous a ordonné de dégager la place, on était trop peu.

-"Moi, j'ai fait quelques graphes et mis des autocollants sur la place de la cathédrale, mais j'ai du filer en catastrophe car il y a eu une ronde de police et je crois qu'ils m'ont vu !" déclare Gabriel.

-"Ils t'ont pas choppé ?

-"Non, j'ai eu le temps de filer mais c'était juste !

-"Il faut qu'on s'organise mieux pour la prochaine fois ! Et qu'on soit plus nombreux...

-"Oui, ils ont gagné une bataille à nous de montrer qu'on est décidés à gagner les autres !

-"OK, on passe à la suite. Qui doit faire sa présentation aujourd'hui ?

-"Heu c'est moi...

-"Très bien, alors à toi la parole, Léo !"

Ce fut, je crois, la présentation la plus courte qui ait été faite. Une diapo sur sa famille, ses parents et sa sœur de dix ans, une photo de sa classe de l'année dernière pour dire qu'il était tombé amoureux d'un de ses camarades et qu'il avait alors compris qu'il était gay, une dernière diapo pour dire qu'il ne l'avait dit à personne et qu'il était malheureux.

-"Oh Léo !

-"Mais ça y est, tu viens de nous le dire ! Tu as osé faire le premier pas et c'est super !

-"Oui, c'est vrai mais à vous ce n'est pas pareil... heureusement que vous êtes là ! Les réunions du club, c'est le moment que je préfère dans la semaine même si je ne participe pas beaucoup...

-"C'est parce que tu as besoin de temps pour te sentir à l'aise et puis chacun a sa personnalité ; l'important c'est que tu t'y sentes bien !

-"Oui, moi je suis timide comme toi, et si Diego ne m'avait pas poussé à venir, j'aurais jamais osé et moi aussi c'est un de mes moments préférés." reprend Thibaud

-"Et tu l'aimes toujours, ton beau gosse de l'année dernière ? Il est ici à Victor Hugo ?

-"Non, il est parti dans le privé et oui, je crois que je l'aime toujours...

-"Alors, dis-le lui !"

La remarque d'Eva a déclenché un long et animé débat sur l'opportunité ou non pour Léo de faire sa déclaration à son ancien camarade, Julien.

Pour ma part, je n'y ai guère participé, je me disais que ma situation n'était pas si éloignée de celle de Léo. Je sens que j'ai des sentiments pour Thibaud, c'est quelque chose de nouveau pour moi et je n'ai pas encore complètement tout mis au clair mais quoiqu'il en soit, je n'ose pas lui en parler.

'Et pourtant, je sais qu'il éprouve quelque chose pour moi ! Enfin qu'il éprouvait, maintenant il y a Jérémy...'

J'ai remarqué que Thibaud non plus ne participait pas, il semblait sur la défensive mais écoutait très attentivement les arguments des uns et des autres. On aurait dit que comme moi, cela le touchait intérieurement et qu'il n'osait pas en parler.

En tous les cas, je pense que ce rituel de présentation nous a permis de beaucoup mieux connaitre Léo. Il a plus parlé que dans toutes les autres séances réunies et c'était sur lui ce qui est encore plus difficile pour un grand timide. Et puis, de voir que tout le monde se sentait concerné en lui apportant son point de vue, cela lui a certainement fait du bien.

Tout le monde l'a applaudi à la fin de la séance et j'ai vu qu'au delà de la rougeur de ses joues, ses yeux brillaient de fierté.

...

Quand je suis arrivé chez moi, j'ai vu de la lumière.

'Séb, est rentré !'

Je me demandais si l'assistante sociale était venue et je me suis dépêché de rentrer mon vélo pour aller lui poser la question. J'ai ouvert la porte qui donne dans le bureau et j'ai entendu des éclats de voix.

Alarmé, je me suis approché et j'ai écouté derrière la porte du salon. J'ai entendu la voix de Sébastien ; il parlait fort et paraissait furieux.

-"Mais pour qui vous prenez-vous pour porter un tel jugement !

-"Je suis assistante sociale et c'est mon rôle de vérifier que Diego vit dans un environnement sain et sans danger et permettez moi de vous dire que ce n'est pas ce que je constate !

-"Comment osez-vous ? Vous êtes homophobes et c'est tout !

-"Pas du tout, vous ne comprenez pas la gravité de la situation. J'ai constaté que Diego était livré à lui-même quand je suis passé jeudi soir. C'est un mineur de moins de quinze ans, c'est grave !

-"N'importe quoi ! Vous cherchez des prétextes pour nous créer des ennuis... maintenant sortez !

-"Nous n'avons pas terminé monsieur Lesquer !

-"Sortez je vous dis ou je vous mets à la porte !

-"Je vous préviens, si vous faites cela, vous allez le regretter !"

Affolé par ce que je venais d'entendre, j'ai ouvert la porte.

-"Qu'est-ce qu'il se passe ?"

...