CHAPITRE CXVII

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Après le cours d'allemand, à 16 heures, je suis allé à la Vie Scolaire. Il y avait un homme que je ne connaissais pas dans le bureau.

-"Voici Diego..." dit un des surveillants en me voyant arriver.

-"Bonjour Diego, je suis Régis Mounier du foyer de la Ransay..."

J'ai baissé la tête et je n'ai pas répondu.

-"Tu vas venir avec moi, je vais t'emmener au foyer et la directrice t'expliquera comment ça va se passer..."

J'ai relevé la tête, j'avais les yeux pleins de larmes et il a compris que j'étais tétanisé.

-"Tout va très bien se passer, je t'assure... allez, viens !"

Les deux surveillants qui étaient présents me regardaient gênés mais leur regard était plein de compassion. J'ai soupiré et avant de m'effondrer je me suis dirigé vers la sortie.

L'homme m'a rejoint et nous sommes rapidement sortis du bâtiment pour nous diriger vers le parking Visiteurs. Il a déverrouillé les portes d'une vieille Fiat Punto et je suis monté à côté de lui.

-"Et mon vélo ?

-"On verra ça demain, ne t'inquiète pas."

J'ai hoché la tête et je n'ai pas insisté. De toute évidence, je n'ai jamais mon mot à dire dans toute cette affaire...

Il a essayé de me parler un peu pendant le trajet mais je lui ai fait comprendre par mes réponses monosyllabiques que je n'en avais pas envie et il a fini par renoncer.

-"Voilà, nous y sommes !" dit-il en pénétrant dans la cour d'un immeuble du centre ville, un bâtiment moderne de quatre ou cinq étages.

Il s'est garé et nous sommes descendus. En entrant dans le hall j'ai pu lire sur la plaque à l'entrée, Services d'Action Educative en Milieu Ouvert, Foyer de la Ransay.

-"Viens, suis-moi...on va aller voir la directrice."

Nous avons traversé un vaste hall et pris un couloir jusqu'à un bureau. Il m'a dit de m'asseoir et après avoir frappé est entré.

'Ca y est, je suis dans un foyer puisque je n'ai plus de famille...'

...

La directrice est une petite femme brune d'une quarantaine d'année. Je ne l'ai trouvée pas désagréable mais assez froide, très administrative et se souciant peu de ce qui m'amenait là. Elle m'a reçue seule, m'a posé quelques questions et puis surtout m'a expliqué le fonctionnement du Foyer Ransay.

-"C'est un centre d'accueil ouvert donc ici les résidents mènent leur vie normalement ; ils vont à l'école, participent à leurs activités sportives ou culturelles dans la mesure où ils peuvent s'y rendre de façon autonome donc ta vie ne va pas changer. La règle est qu'il faut être de retour pour 19 heures au plus tard et qu'ensuite, il n'y a pas de sortie possible, sauf rares exceptions. Il y a quarante trois jeunes de 13 à 18 ans, garçons et filles qui sont accueillis ici, quarante quatre maintenant avec toi. Tu as des questions ?

-"Est-ce que je pourrai voir mon père... heu Sébastien Lesquer ?

-"Oui, il peut venir te rendre visite ici mais interdiction de monter dans les chambres ; les visites se passent au rez-de-chaussée dans le grand hall ou dans les petites salles.

-"Et comment je vais faire pour aller au lycée puisque mon vélo est resté là-bas ?

-"Pour demain, on t'y emmènera et tu pourras rentrer en vélo.

-"Et le week-end, comment ça se passe ?

-"Ce sont les même règles. Tu peux sortir, voir du monde, faire des activités mais il faut respecter la règle et être de retour à 19 heures. Je vais demander à Régis de te montrer ta chambre et après, il t'expliquera en détail le fonctionnement du foyer.

-"D'accord...

-"Tu m'as l'air d'un garçon très bien et je suis sûr que tout va bien se passer."

Je n'ai pas répondu à cette dernière observation et d'ailleurs, je ne pense pas qu'elle attendait une réponse de ma part. Elle a esquissé un sourire et a appelé l'éducateur.

...

Dès que l'éducateur m'a laissé seul, j'ai à nouveau craqué.

Allongé sur "mon lit" dans cette chambre impersonnelle, j'ai été submergé par le désespoir que j'ai contenu si difficilement depuis la fin de l'après midi et que je ne voulais pas montrer à ces personnes qui me sont étrangères.

'Je n'ai plus de parents, j'ai des éducateurs, des gardiens !'

Je suis injuste parce que ce n'est pas une prison bien sûr et ils ont essayé d'être agréables mais tout de même, je ne suis plus chez moi et j'ai l'impression d'être abandonné. J'ai lu un livre l'année dernière, Chiens perdus sans collier de Gilbert Cesbron, qui raconte la vie de jeunes délinquants orphelins ou retirés de la garde de leur parents et je me demande avec effroi si c'est dans ce genre d'institution que je me trouve...

Je contemple avec crainte le lit de l'autre côté de la pièce et je me demande qui sera mon compagnon de chambre. Parfois, cela m'est arrivé à la maison de regretter de ne pas avoir de petit frère avec lequel je partagerais ma chambre mais je vous assure qu'à cet instant j'aurais tout donné pour disposer d'une chambre pour moi tout seul !

Le lit est fait et il n'y a aucune affaire à traîner. Il y a deux bureaux et l'un parait utilisé car il y a des livres et un grand porte-documents dessus. Je me suis levé et j'ai vu qu'il s'agissait de livres d'écoles, des livres de 3ème et cela m'a un peu rassuré.

'Au moins, c'est quelqu'un de mon âge...'

J'ai regardé l'heure, presque 18 heures, et je me suis dit qu'il n'allait certainement pas tarder. J'ai ouvert mon sac que l'éducateur avait apporté pendant que j'étais dans le bureau de la directrice, et j'ai rangé mes quelques affaires dans deux tiroirs vides du grand meuble bas. Et puis comme je devenais fou à ne rien faire mais à trop penser, j'ai commencé à faire mon travail d'école.

...

Depuis un moment, j'entends des bruits qui proviennent du couloir et des chambres d'à côté ; des pas, des bruits de course, des éclats de voix suivis de rires ou de cris et à chaque fois je sursaute. Il est presque 19 heures mais j'ai peur de sortir et de me retrouver nez à nez avec des inconnus et puis je ne sais même pas où on mange.

Inquiet, je pose mon stylo et repousse mon livre de maths.

Mon téléphone vibre et je décroche, c'est Thibaud qui m'appelle, il doit être dans le tram en train de rentrer de la piscine.

'Merde, j'ai oublié mes affaires de piscine pour demain !'

-"Allo Diego ?

-"Oui, ça va Thibaud ?

-"Moi ça va mais toi ?

-"Pour l'instant à peu près...

-"Tu es où ?

-"Dans un foyer, pas très loin de Talensac. J'attends de voir le gars avec qui je partage ma chambre...

-"Ah... tu sais, je viens de faire la pire séance de ma vie, j'étais incapable de nager...je sais pas quoi te dire... tu gardes le moral ?

-"J'essaye... je me dis que c'est juste pour quelques semaines mais c'est pas évident...

-"Oh oui, je comprends..."

C'est à ce moment que j'ai entendu derrière moi la porte de la chambre s'ouvrir.

-"Heu, il faut que je te quitte, il y a quelqu'un qui rentre !

-"Oui d'accord, je te rappelle ce soir !

-"OK ! Ah si, est-ce que tu peux me prêter des affaires de piscine demain ? J'ai oublié de prendre les miennes et on a natation en sport.

-"Oui, bien sûr !

-"Merci, à plus Thibaud !" J'ai raccroché et je me suis retourné.

Depuis le pas de la porte, un garçon d'une quinzaine d'année me dévisageait avec un regard fermé... ...







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