CHAPITRE CXXIII

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Monsieur Frot, nous a regardé et voyant nos visages défaits, a essayé de nous réconforter.

-"Non, pas du tout ! Je vous expose les faits et les conséquences juridiques qui en découlent mais rassurez-vous le dossier n'est pas perdu. Nous avons d'excellents arguments à faire valoir ! D'accord ?

-"D'accord...

-"Alors je termine par le rôle de l'assistante sociale. J'ai examiné les textes pour vérifier si elle était dans son rôle en agissant ainsi ou si elle a outrepassé ses pouvoirs et je dois malheureusement conclure que cela fait partie de ses attributions et je cite les textes "de veiller à la protection des mineurs en danger ou susceptible de l'être."

-"Mais je ne suis pas en danger !

-"Qu'est-ce qu'elle nous reproche exactement ?"

Une nouvelle fois, monsieur Frot est intervenu pour tempérer nos réactions.

-"Attendez, je ne dis pas qu'elle a raison, j'établis simplement que ce qu'elle a fait rentre dans son champ de compétence. De la même façon, effectuer un signalement est la procédure normale mais saisir directement le Juge aux Affaires Familiale est à mon avis contestable. Donc maintenant que nous avons défini le cadre légal, les lois, le rôle de l'assistante sociale, nous allons examiner ce qu'elle vous reproche."

Je sais que monsieur Frot nous a demandé d'être patient mais j'ai l'impression d'être pris dans une nasse qui se resserre et m'emprisonne dans un piège dont je ne sortirais pas.

-"J'ai contacté le cabinet du juge Le Dreff et ai demandé à ce que l'on me transmette le signalement effectué à l'encontre de mon client, c'est à dire toi, Diego, mais sans attendre on peut raisonnablement penser qu'il tient sur deux points : le premier c'est que Diego s'est retrouvé seul à la maison deux soirs de suite et le second c'est que Sébastien était alcoolisé et donc potentiellement dangereux. A mon avis, cette procédure est très contestable. Il n'y a pas eu d'enquête préalable qui vienne confirmer le signalement de l'assistante sociale et d'ailleurs nous contestons ce jugement.

-"Tout à fait, je n'étais pas alcoolisé, j'avais bu quelques verres, c'est tout. Il faut me croire, monsieur Frot !

-"Je vous en prie, appelez-moi David. Là encore, je ne porte pas de jugement mais c'est ce qu'elle va nous reprocher donc il faut partir de ces éléments pour établir notre défense.

-"D'accord David mais je suis tout de même surpris. Je n'ai pas l'impression que ce sont des faits graves, Diego a presque 15 ans, ce n'est pas un bébé, il peut se débrouiller tout seul de temps en temps et la réponse c'est le placement dans un foyer. Cela me semble complètement disproportionné !

-"Oui, je suis complètement de votre avis et ce sera à mon avis la base de notre argumentation. Le juge a peut-être déjà été en relation avec cette assistante sociale et il a un peu trop hâtivement suivi ses recommandations... je me demande même si elle n'a pas exagéré les faits mais dans ce cas là, je ne comprends pas quelles seraient ses motivations...

-"Est-ce que vous pensez que si c'était un parent ou quelqu'un qui a l'autorité parentale sur un enfant, cela ce serait passé aussi de cette façon ?" intervient Sébastien.

-"Bonne question ! Je pense, mais cela n'engage que moi, que compte tenu du fait que vous êtes pacsé et non marié, et pour cause cela n'est pas encore possible, c'est plus facile de vous retirer la garde de Diego mais encore faudrait-il que vous ayez commis des fautes lourdes, et répétitives ce que nous contestons complètement.

-"Mais si Stéphane et moi étions mariés cela se passerait de la même façon ?" reprend Sébastien.

-"Cela m'étonnerait beaucoup. Une décision de placement, même temporaire, cela se prend après un processus long d'entretien, d'enquête sociale etc.

-"Donc elle profite de la situation ? Je ne suis que pacsé, je n'ai pas de délégation d'autorité parentale sur Diego, donc elle peut m'écarter plus facilement !" s'exclame Sébastien.

-"Cela peut s'interpréter ainsi...

-"Moi, je crois qu'elle a quelque chose contre nous, elle n'a jamais cherché à nous écouter, elle n'a fait que chercher à nous enfoncer !" déclare-je.

-"Que veux-tu dire par là ?

-"Je pense qu'elle est homophobe et quand elle a su que mes parents étaient un couple gay, elle a tout fait pour que je sois séparé de Sébastien !

-"On va regarder ça de plus près mais ce ne sera pas facile à prouver...

-"Oui mais je suis sûr que c'est ça !"

On a fait une pause, je crois que Sébastien et moi en avions besoin. Ces éléments juridiques ne nous sont pas familiers et même si David a été clair dans son exposé, cela demeure complexe et surtout il faut du temps pour assimiler toutes ces informations pour ensuite construire notre réponse au juge.

Sébastien a fait un café et j'ai servi des petits gâteaux pour l'accompagner. David en a profité pour changer le sujet de conversation.

-"Comment ça se passe au foyer de la Ransay, Diego ?" me demande David.

-"Heu dans l'ensemble ça va mais je ne me sens pas à l'aise...

-"C'est à dire ?

-"Et bien avec les adultes, les éducateurs et la directrice, il n'y a pas de problèmes ils sont plutôt sympas et tout se passe bien mais c'est plus avec les autres jeunes que je ne me sens pas à ma place...

-"Tu as eu des problèmes avec des jeunes du foyer ?

-"Non mais je ne me sens pas comme eux... ils sont comment dire... durs, hyper directs, cyniques... et je suis sous pression quand je suis là-bas...

-"Oui je comprends, les jeunes qui sont là ont vécu des choses difficiles et certains sont dans ce type d'institution depuis longtemps et ils se sont endurcis... oui, je vois... mais tu as été menacé ?

-"Non pas menacé mais j'ai l'impression d'être observé, vous savez un peu comme un lapin serait observé par un renard...

-"Oh Didi, tu ne m'avais rien dit !" s'exclame Sébastien alarmé.

-"Heu, je voulais pas te rajouter des soucis et puis pour l'instant ça va, je m'entends bien avec Jimmy le garçon qui est avec moi dans la chambre ; c'est plus une impression...

-"D'accord mais s'il se passe quoi que soit, tu m'en informes immédiatement et je contacterai la directrice." reprend David.

'En même temps si Kevin et Karim me tombent dessus, qu'est-ce qu'il pourra faire ?'

J'ai gardé mes pensées pour moi et j'ai acquiescé.

-"Oui oui, bien sûr."

J'ai bien vu que Sébastien était alarmé parce que je venais de dire parce qu'il a tout de suite demandé à David ce qu'on pouvait essayer de faire tout de suite pour me sortir de là.

-"Le juge a prononcé des mesures provisoires, c'est à dire le placement de Diego au foyer de la Ransay pour six semaines. Pendant cette période, il va y avoir une enquête des services sociaux auprès de vous deux notamment ce qui permettra au juge de se faire une idée plus précise de la situation. On peut demander un raccourcissement de cette période mais c'est difficile, cela dépend du bon vouloir du juge et surtout de la réactivité des services sociaux...

-"Ouais... donc c'est cuit !

-"Non, mais ce n'est pas gagné."

Notre réunion a encore duré longtemps et nous avons évoqué ce qui était reproché à Sébastien et également les arguments qu'on allait essayer de développer mais nous sommes encore loin du compte et je ne sais pas si ce sera suffisant.

-"Je n'ai pas encore travaillé là-dessus, je m'y mettrai dès que j'aurai reçu les documents du secrétariat du juge donc ne soyez pas découragés et je vais préparer un plan d'action pour la semaine prochaine."

Il a eu l'air embarrassé et a poursuivi.

-"En fait je n'ai pas eu beaucoup de temps à consacrer à votre affaire, je suis complètement débordé professionnellement par plusieurs très gros dossiers... je suis désolé mais je vais faire tout mon possible...

-"Ah entendu...

-"Mais vous aurez le temps ?

-"Oui, oui, je vais préparer notre défense, faites-moi confiance !"

Il a pris congé après que nous avons convenu de nous revoir la semaine prochaine mais cette fois j'ai demandé si la réunion pouvait se faire un peu plus tard, vers 17 heures comme cela je pourrai aller à la piscine en début d'après midi et il a accepté.

Sébastien m'a raccompagné au foyer en voiture peu après, il était déjà presque 18 h 45. Nous n'avons pas beaucoup parlé, je crois que nous étions encore sous le choc de ce que nous avait dit David. Je sais que Sébastien s'en veut de tout ce qui arrive et j'ai essayé de lui dire que ce n'était pas de sa faute et que je tenais le coup mais j'ai bien vu qu'il restait profondément affecté.

'On ne va pas se laisser faire !'

Il m'a embrassé et j'ai senti son désarroi quand je suis sorti de la voiture. Je lui ai souri et je lui ai fait un grand signe de la main. Je l'ai regardé faire demi-tour et je me suis dirigé vers l'entrée. C'est alors que j'ai aperçu deux silhouettes près de la porte dans la pénombre, deux garçons qui fumaient, Kevin et Karim...

...

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