CHAPITRE CXXXVI
J'ai très mal dormi !
Le contraire eut été étonnant même si j'avais espéré que les émotions de la journée me mettraient KO, mais ce ne fut pas le cas.
Chez moi ou au foyer, je me couche vers 22 heures, je lis un peu et doucement le sommeil me gagne. Dans ce sous-sol, je me suis retrouvé dans le noir vers 20 heures je pense ; je ne pouvais pas lire à cause de la minuterie et surtout parce que je craignais que quelqu'un me découvre. Donc je me suis caché dans mon coin, j'ai essayé de m'aménager une couche avec du carton et je me suis allongé dans le noir.
Mon Dieu que la nuit fut longue ! Il a fallu que je m'habitue aux bruits de l'immeuble et que je les apprivoise pour ne pas être sur le qui-vive en permanence. Lorsque ce fut fait, j'ai commencé à avoir froid alors j'ai enfilé tous les vêtements et sous-vêtements de rechange que j'avais apportés dans mon sac. Le principe de la double épaisseur a bien fonctionné et je me suis senti mieux. Je pense que je n'étais pas loin de m'endormir quand j'ai entendu un drôle de bruit comme les pas d'un petit animal et cela a mis tous mes sens en alerte.
'Un rat ?'
Mon cœur s'est mis à battre à 100 à l'heure ! Je n'aime pas les rats, en fait, ils me font peur ! J'ai pris le risque d'allumer pour vérifier qu'il n'y en avait pas et j'ai eu toutes les peines du monde à me calmer. J'ai fini par m'endormir après plusieurs heures de veille inquiète et inconfortable...
J'ai été réveillé très tôt par quelqu'un venu prendre son vélo. D'un seul coup, une violente lumière, du bruit, j'ai sursauté et puis je me suis rappelé où j'étais mais je ne me suis relâché qu'après que la personne était partie et que le sous-sol était à nouveau plongé dans le noir.
Je me suis réveillé et rendormi ainsi à plusieurs reprises. J'ai compris que nous étions jeudi matin et que la journée commençait pour les habitants de l'immeuble.
'Madame Al Khafi doit être réveillée !'
...
15, allée Lazare Carnot !
'Ca y est, je l'ai !'
Madame Al Khafi m'a expliqué comment m'y rendre et je vais y aller à pied, ce n'est vraiment pas très loin. Je l'ai remerciée et je suis sorti de l'immeuble à nouveau plein d'espoir.
J'ai pris le temps de prendre mes repères sur la carte que j'avais apportée et sur le plan d'un abribus et puis je me suis dirigé vers le quartier de Barboussade. De toute façon, j'ai le temps, elle a dit à madame Al Khafi qu'elle ne serait pas chez elle avant la toute fin de matinée.
Pour l'instant, j'ai deux priorités, manger et me laver. Je commence à comprendre ce que peuvent ressentir les SDF que l'on croise dans la rue.
'Après tout, c'est ce que je suis devenu, quelqu'un qui n'a plus de domicile fixe !'
...
J'ai profité des structures sportives de la ville pour faire me débarbouiller un peu, un gymnase où j'ai demandé au gardien si je pouvais aller aux toilettes. Je me sentais crasseux et j'ai regretté de ne pas pouvoir prendre de douche. Quoi qu'il en soit, je me suis senti mieux, revigoré et un peu plus présentable.
J'ai repris ma marche tranquillement et je me suis arrêté dans la première boulangerie pour m'acheter de quoi apaiser la faim qui me tenaillait. Avec les 7 euros 50 qu'il me restait, je me suis acheté une baguette viennoise et j'ai poursuivi ma route en remontant le chemin de Barboussade en longeant le parc des Sports.
Après avoir longuement hésité, je me suis décidé à m'arrêter dans un café où j'ai pris un grand chocolat chaud pour me réchauffer. Cela m'a fait penser à Thibaud et j'ai été pris d'une poussée d'émotion que j'ai difficilement réussi à contrôler.
J'ai fait durer le plus longtemps possible mon chocolat puis je suis reparti à 10 h 45 pour atteindre enfin le but de cette longue pérégrination depuis Nantes. Le quartier est sympa, avec une majorité de petites maisons et quelques immeubles de part en part et le soleil qui commençait à darder ses rayons réconfortants m'a fait du bien tout au long de cette marche.
Peu de temps après, je suis arrivé devant le 15 de l'allée Lazare Carnot. Je me suis approché et j'ai vérifié le nom sur la boîte aux lettres. Il y en avait deux, Lebrun - Orsini. Cette fois était la bonne, j'étais enfin arrivé à bon port !
Gabriella Orsini avait dit à sa voisine qu'elle serait là pour l'heure du déjeuner alors je me suis installé sous une aubette de bus à une centaine de mètres de là. J'ai sorti mon livre et j'ai essayé de prendre mon mal en patience.
...
Ca fait longtemps que j'ai posé mon livre, je n'arrive pas à me concentrer sur l'intrigue. Pourtant je suis tout proche de la fin, mais à la décharge de l'auteur, c'est bien sûr ma situation et non ce qu'il a écrit qui en est la cause. Je bous d'impatience et chaque voiture qui passe attire mon regard. Quand c'est une femme qui est au volant, mon regard vient se fixer sur sa silhouette que je vois fugacement passer devant moi.
'Est-ce que c'est elle ?'
J'ai cru, il y a une dizaine de minutes, qu'elle arrivait enfin quand j'ai aperçu une femme en scooter s'arrêter et descendre pour finalement entrer dans l'allée de la maison voisine.
'J'espère que ça va bien se passer...'
Je n'ai pas vraiment envisagé qu'elle ne nous aide pas ; après tout, c'était une très grande amie de Stéphane pour l'avoir ainsi aidé à m'adopter. J'espère que je ne me berce pas d'illusions...
Une Clio blanche s'arrête soudain devant le numéro 15 et une femme en descend. Elle est plutôt grande avec des cheveux roux qui partent dans tous les sens. Je n'ai jamais vu une coiffure pareille ! Je l'observe sortir un sac de courses, fermer la voiture et se diriger vers la porte d'entrée. Elle fouille dans son sac à main, en sort des clés et ouvre la porte d'entrée.
'C'est elle ! Enfin !'
Je décide de lui laisser cinq minutes pour qu'elle ait le temps de poser ses affaires et, bridant mon impatience, je repasse dans ma tête ma présentation. En fait tout dépend si elle a ou non reçu ma lettre. Si c'est le cas, elle ne sera pas trop surprise, sinon il faudra que je prenne le temps de bien lui expliquer...
Debout devant la porte d'entrée, je prends une grande respiration et je sonne. J'entends des pas rapides résonner sur du carrelage, je me recule un peu et j'essaie de sourire. La porte s'ouvre et elle apparait.
-"Diego ?
-"Heu oui, bonjour madame Orsini.
-"Mon Dieu, comme tu es grand !"
Elle fait un pas, s'approche de moi, semble hésiter un très court instant et m'embrasse en me serrant dans ses bras.
-"Appelle-moi Gabriella, entre...
-"Merci..."
...
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