CHAPITRE CXXXVII

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Je la suis et entre dans le grand salon-salle à manger.

-"Pose tes affaires sur le canapé, je m'occupe du repas."

Je fais le tour de la pièce du regard et je découvre des jouets qui traînent sur le sol, une poupée et des legos, ceux de ses enfants certainement. Il fait chaud dans la maison et ça me fait du bien après tout ce temps passé dehors.

-"Alors, si tu m'expliquais un peu..." reprend-elle en s'adressant à moi tout en s'affairant dans la cuisine ouverte.

-"Oui, bien sûr ! Avez-vous reçu ma lettre ?

-"Oui, il y a deux jours mais tu n'étais pas très explicite !

-"Non, c'est vrai. En fait comme c'est assez compliqué, je ne voulais pas me lancer dans de grandes explications qui pourraient être mal comprises, c'est pour cela que j'ai préféré venir...

-"Alors vas-y, je t'écoute..."

-"D'accord. Je vais commencer par vous présenter ma situation personnelle et puis ce qui a tout déclenché et les conséquences auxquelles je dois faire face et qui motivent ma présence ici."

J'aperçois un sourire en coin qui s'élargit sur son visage au point que j'ai l'impression qu'elle se retient de ne pas éclater de rire. Surpris, je marque un temps d'arrêt.

-"Continue et ne te méprends pas, je ne me moque pas de toi, bien au contraire ! Tu connais ces alexandrins de Boileau ?

Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement

Et les mots pour le dire arrivent aisément...

-"Heu non...

-"C'est tellement surprenant d'entendre un garçon de ton âge parler aussi clairement ! J'ai l'impression que tu es un de mes bons élèves qui fait une introduction limpide avec le plan de son exposé et je trouve ça très bien. Vas-y, je t'écoute..."

Un peu déconcerté, je reprends.

-"Vous savez qui je suis parce que grâce à vous et à Stéphane, mon père, je vis en France depuis presque 12 ans. Je vis avec Stéphane et Sébastien et nous habitons à St Herblain, près de Nantes, depuis trois ans."

Elle ne dit rien mais me regarde et à nouveau je vois poindre l'ombre de son sourire.

-"Alors voilà, tout se passait bien, j'ai une super famille et nous sommes... enfin nous étions heureux ensemble jusqu'à l'accident de Stéphane, le 13 décembre dernier.

-"Oui, c'est ce que tu écrivais dans ta lettre... c'est grave ?

-"Oui malheureusement et c'est à partir de là que tout se complique..."

J'ai continué en lui racontant le coma de Stéphane, son opération et notre attente de son réveil, l'intervention funeste de l'assistante sociale du lycée, l'affrontement avec Sébastien, la décision du juge de me placer temporairement en foyer et mon désespoir de ne plus être à la maison, ma peur de ne plus avoir de famille, le malaise vagal de Sébastien et le fait qu'il était à la clinique...

Je ne pensais pas que cela me prendrait autant de temps mais c'est vrai que j'avais malheureusement beaucoup de choses à dire et puis elle m'a posé de nombreuses questions ce qui a encore allongé mes explications.

Je n'ai pas pleuré tout de suite, j'ai essayé de tenir le plus longtemps possible mais sur la fin quand je lui ai dit que s'il arrivait malheur à Stéphane je risquais de ne plus avoir de famille et d'être à nouveau seul, j'ai senti que quelques larmes coulaient sur mes joues.

Elle ne m'a pas quitté des yeux et à chaque élément nouveau, je voyais qu'elle grimaçait et se tendait.A la fin de mon récit, elle a essuyé ses yeux elle aussi et m'a regardé longuement.

-"Je suis abasourdie et consternée par ce que tu viens de me dire et par ce que tu vis, Diego ! Consternée ! Qu'est-ce que c'est que cette assistante sociale ? Et le juge qui rentre dans son jeu sans aucune enquête, c'est délirant !"

Elle a semblé hésiter un instant comme si elle cherchait ses mots puis a jeté un coup d'œil à l'horloge du four à micro-ondes et s'est exclamée.

-"Oh nom de Dieu, j'ai une réunion dans vingt minutes ! Il faut que j'y aille ! Je vais me faire un sandwich et je mangerai dans la voiture. Toi, tu restes ici... tu sauras te préparer à manger ?

-"Oui, oui, bien sûr...

-"OK, l'entrée est dans le frigo, la viande est là et pour le dessert tu prends ce qui te fait plaisir, d'accord ?

-"D'accord !"

Je l'ai regardée s'affairer à tout vitesse et deux minutes plus tard, un sandwich à la main, elle s'emparait de son sac et de son manteau.

-"A tout à l'heure !

-"Oui, à tout à l'heure..."

A grandes enjambées, elle a quitté la cuisine et s'est dirigée vers la porte. Elle s'est arrêtée alors qu'elle avait la main sur la poignée et s'est retournée.

-"Tu as bien fait de venir me voir ! Tu as bien fait ! J'ai cours jusqu'à 17 h, à tout à l'heure !"

Telle une bourrasque, elle s'en est allée ; j'ai entendu les pneus de la Clio crisser sur l'asphalte et je me suis pris à penser en souriant que j'avais rencontré la bonne personne, qu'elle allait nous aider... et que c'est une vraie tornade !

'Enfin une bonne nouvelle, et au moins ce périple va servir à quelque chose !'

...

Je me suis préparé le steak que Gabriella avait prévu pour moi que j'ai accompagné de riz avec un peu de ketchup et puis pour finir un yaourt à la vanille trouvé dans le frigo.

'Quel plaisir de faire un vrai repas !'

J'ai fait la vaisselle et pour mon plus grand plaisir, j'ai réussi à faire fonctionner la machine à expresso.

Repus et comblé, je me suis installé devant la télé dans le grand canapé mais j'ai eu tôt fait de l'éteindre et j'ai préféré terminer mon livre. J'aimerais bien pouvoir appeler mes amis et aussi Sophie mais je ne connais pas leur numéro donc il faudra attendre d'être sur Nantes pour leur donner de mes nouvelles. Au moins, maintenant, ça va mieux, la situation s'est stabilisée, je vais pouvoir avancer avec Gabriella et j'espère revenir avec quelque chose de concret à donner à notre avocat.

Je serai bien sorti faire un tour mais Gabriella est partie avec les clés et je ne veux pas laisser la maison ouverte alors je suis resté à l'intérieur et j'ai regardé les livres de la bibliothèque. Il y a sur l'étagère du bas tout un rayon de livres jeunesse comme on les appelle. Des livres pour lire une histoire le soir avant de dormir, des bandes dessinées, des livres d'aventure pour les petits garçons ; j'ai reconnu plusieurs titres que j'avais adorés il n'y a finalement pas si longtemps. Sur les étagères supérieures, ce sont des livres pour les grands. Des romans, des biographies, des livres sur la société et certains d'entre eux m'ont fait me poser des questions sur les occupants.

'Stéphane dit toujours dis-moi ce que tu lis et je saurai qui tu es ! C'est le moment de faire preuve d'un peu d'esprit d'analyse et de déduction !'

Je poursuis mon "enquête" et puis je m'assieds.

'Donc, il y a un garçon qui aime les histoires de chevaliers et une petite fille qui aime qu'on lui lise des livres qui parlent d'animaux. Et Gabriella est quelqu'un qui lit beaucoup et de tout, cela va des romans policiers à des essais sur des sujets sociétaux.'

Et à mon plus grand plaisir je note qu'elle s'intéresse aux droits des minorités LGBT puisque j'ai vu plusieurs livres qui traitent du sujet...

J'ai fini par prendre un livre dans la bibliothèque, La nuit des temps, de Barjavel. Le nom de l'auteur a retenu mon attention parce que Stéphane m'avait dit en me parlant d'un autre de ses livres que pour lui, Barjavel était le Jules Verne de l'adolescence. Sachant que plus jeune, j'ai dévoré les Jules Verne, j'ai décidé de me laisser tenter.

Malheureusement, encore une fois, je sens tout à coup une extrême fatigue s'abattre sur moi. Je pose le livre et me laisse glisser de tout mon long sur le canapé avant de sombrer dans un sommeil réparateur.

...

Je n'ai pas conscience de la durée de ma sieste mais par contre, j'ai distinctement entendu des voix dans la pièce.

Surpris, j'ouvre les yeux et découvre une petite tête blonde penchée au dessus de moi qui me regarde d'un air perplexe.

-"Maman, il s'est réveillé !

-"Ah heu bonjour...

-"Comment tu t'appelles ?"

Avant que j'ai pu répondre, j'entends une autre voix, celle d'une femme adulte, qui provient de la cuisine.

-"Gloria, je t'avais dit de le laisser dormir !"

Une jeune femme apparait, blonde, mince, souriante.

-"Bonjour, je suis Lisa !"

'Qu'est-ce qu'il se passe ? Je comprends rien...'

...

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