Le tumulte s'est apaisé et nous avons pu tranquillement prendre notre-petit déjeuner à la table de nos amis. J'ai reçu de nombreux petits cadeaux très gentils, des bonbons, des Studentenküsse, un mug décoré du château de Heidelberg, une grande carte avec pleins de petits mots...

-"De la part de tout le monde, bon anniversaire Diego !" me dit Léa en me tendant un dernier paquet.

-"C'est quoi ? Oh un album photo, super ! Regarde Thibaud !"

Nous avons feuilleté l'album qui contenait une vingtaine de photos prises au cours du voyage. Il y avait quelques portraits de moi et de Thibaud mais essentiellement des photos de tous les deux en train de nous tenir par la main, de nous embrasser, de nous regarder et sur l'une d'entre elles, l'intensité du regard de Thibaud est incroyable. Il y en a aussi deux prises à la fin de la bataille de boules de neige à Sarrebruck, où nous apparaissons trempés, les visages rouges et souriants.

-"Waouw, elles sont supers ! Qui les a prises ?

-"Oh, un peu tout le monde, je ne sais pas si vous vous en êtes rendus compte mais je crois que vous avez été les sujets les plus photographiés du voyage ! Regardez la dernière !"

J'ai tourné la page et j'ai reconnu notre chambre à l'auberge. Je n'ai rien dit mais un petit coup d'œil vers Thibaud m'a confirmé que cette chambre restera à jamais gravée dans nos mémoires.

-"Un petit commentaire, peut-être ?" demande Boris avec un sourire en coin.

-"Ah non, désolé, pas de commentaire ! De toute façon, il n'y a rien à dire, on s'est couché très vite et on s'est endormi tout de suite...

-"Absolument !

-"Ben voyons !" reprend Léa incrédule.

-"Moi, j'ai entendu du bruit pendant la nuit quand je me suis passé devant votre porte pour aller pisser..." déclare Enzo.

-"Oh tu as du rêver mais c'est peut-être ton inconscient qui t'a amené jusqu'à la porte de la chambre... on peut essayer de te présenter quelqu'un si tu veux ?" lui réponds-je perfidement.

Enzo s'est mis à rougir et tout le monde a éclaté de rire.

...

Ca y est, c'est fini !

Cela fait deux heures que nous sommes partis. Nous avons passé la frontière en Alsace et nous roulons maintenant en direction de Paris. Les conversations sont animées, tout le monde est en forme et content de rentrer après ce super voyage.

Pour ma part, je serai bien resté plus longtemps particulièrement si les conditions d'hébergement étaient restées les même que celles de la dernière nuit ! Bien sûr, je suis impatient de retrouver Sébastien et puis de revoir Stéphane mais j'avoue que l'idée de retourner au foyer ne m'enchante pas.

'Surtout si c'est pour y être consigné toute les vacances comme me l'a annoncé la directrice !'

En fait, ce qui plombe mon moral c'est justement de revenir dans le monde réel et de retrouver tous les problèmes que cette merveilleuse parenthèse m'a fait un temps oublier. L'audition devant le juge se tiendra la semaine prochaine et d'ici là, je sais que je vais vivre dans l'angoisse.

'Et encore, Monsieur Frot nous a bien dit qu'on ne connaîtrait pas sa décision immédiatement et qu'il faudrait attendre plusieurs jours !'

Nous nous sommes arrêtés vers midi pour déjeuner sur une aire, routine bien huilée que nous connaissons maintenant. Un court arrêt d'une demi-heure tous les deux heures et puis une pause d'une heure pour les repas.

Pendant le déjeuner, nous avons appris comment la surprise d'hier soir et de ce matin ont été préparées. C'est Léa qui a coordonné tout ce qui concerne le petit déjeuner, le fait que tous les élèves soient dans la salle avant nous, les guetteurs dans les douches et le couloir, la question posée par tous en chœur, etc.

-"J'ai rien vu venir, je savais pas que vous étiez au courant pour mon anniversaire !

-"Oh, tu en as parlé une fois et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd !" répond-elle en désignant Thibaud avec un grand sourire.

-"Quoi, tu étais au courant ?

-"Non, je ne savais pas ce qui était prévu, je croyais qu'ils voulaient acheter un gâteau...

-"Et pour la chambre ?

-"Alors, ça c'est Boris et Enzo qui ont tout géré !"

-"Je m'en doutais !

-"Il faut que j'aille les remercier !" déclare Thibaud.

-"Pourquoi ? Je croyais qu'il ne s'était rien passé ?" demande ironiquement Léa.

-"C'est ça, il faut qu'on aille les remercier pour cette nuit calme et tranquille..." corrigé-je avec un grand sourire.

-"Mais bien sûr !"

...

Je m'étais assoupi après le repas, bercé par le ronronnement du car quand Thibaud m'a secoué légèrement et j'ai ouvert les yeux.

-"Ton téléphone vient de sonner !

-"Ah OK, merci..."

J'ai vu que c'était Sébastien qui avait essayé de me joindre alors je l'ai rappelé.

-"Allo Séb, tu m'as appelé ?" dis-je avec une pointe d'inquiétude dans la voix.

-"Oui ! Didi, il s'est réveillé ! Stéphane s'est réveillé !

-"Quoi ?

-"Oui, l'hôpital vient de m'appeler, il a ouvert les yeux et a marmonné pendant que l'aide- soignante lui faisait sa toilette !

-"C'est vrai ?

-"Oui, je suis au bureau et je file le voir tout de suite !

-"Oh et il va bien ? Il... il a toute sa tête ?

-"Je n'en sais pas plus, il a refermé les yeux et s'est rendormi tout de suite mais il a donné signe de vie, il est sorti du coma !

-"Oh oui, tu as raison ! Oh mon Dieu...

-"Ca y est, le cauchemar est terminé ! Je te rappelle dès que j'ai du nouveau !

-"Oui d'accord !"

J'ai essuyé les larmes qui avaient coulé sur mes joues et je me suis aperçu que Thibaud me regardait avec inquiétude.

-"Ca va, Diego ?"

J'ai souri et j'ai voulu lui répondre mais l'émotion m'a submergée et je me suis mis à pleurer et à trembler. Il s'est approché de moi et j'ai enfoui ma tête contre son torse tandis qu'il m'entourait de ses bras.

Je suis resté un court instant ainsi à sangloter, avec le corps qui tressautait nerveusement avant de réussir à me calmer un peu.

-"Stéphane s'est réveillé !

-"Oh !

Pris d'un accès de joie incontrôlable, j'ai déposé des baisers sur tout son visage avant de poser mes lèvres sur les siennes et de l'embrasser à pleine bouche.

-"Oh les gars, la nuit ne vous a pas suffi ?"

J'ai rompu notre baiser et je me suis retourné vers Léa.

-"Mon père est sorti du coma et je suis fou de bonheur !"

-"Oh Diego ! Je comprends, c'est génial !"

J'ai littéralement vu la nouvelle se répandre dans le car. Léa s'est retournée et en a parlé à Marine et Corentin tandis que devant nous Enzo et Laurie reprenaient l'information. En quelques secondes, tout le monde était au courant. Monsieur Zeiger s'est levé de son siège et est venu vers moi.

-"On vient de me dire que ton père serait sorti du coma ?

-"Oui ! Il a prononcé quelques mots ! Il s'est rendormi presque immédiatement mais il s'est réveillé et il a parlé !

-"Oh, je suis tellement content pour toi, Diego !

-"Merci monsieur, je sais qu'il faut rester prudent mais je suis fou de bonheur !"

Il a regagné l'avant du car et j'ai entendu le micro s'allumer.

-"Je voudrai faire une courte annonce. Diego vient de m'apprendre à l'instant que son père était sorti du coma. Il s'est réveillé brièvement et a prononcé quelques mots. Alors voilà, je voulais simplement exprimer au nom de tous notre immense joie et je te souhaite de vite le retrouver en pleine forme. Tous nos vœux de bonheur t'accompagnent, Diego !"

Une clameur a retenti à la fin de l'annonce de monsieur Zeiger suivie d'applaudissements sans fin au point que j'ai du me lever et me mettre dans l'allée pour remercier tout le monde.

J'avais le visage ravagé par les larmes de joie qui coulaient sans discontinuer. J'entendais tout le monde me dire combien ils étaient heureux pour moi et cela m'a beaucoup touché.

Puis, je me suis rassis ; j'ai essayé de me calmer et je me suis laissé envahir par une incroyable sensation d'euphorie.

'Stéphane, enfin !'

'Mon Dieu, quelle journée !'

...