SCÈNE 4 — M. PETIT, MME ROBERT, M. RICHARD, M. DURAND, M. DUBOIS.

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La rue.

M. PETIT — Bonjour, M. Dubois ! Que faites-vous donc ?

M. DUBOIS — J’allais acheter du pain.

M. PETIT — Ça alors ! Je ne m’attendais pas à ce que vous veniez dans mon quartier pour acheter du pain ! J’aurais été vous, je serais allé recueillir des voix. Naturellement, je l’aurais fait sous un prétexte fallacieux pour avoir l’air de M. Tout-le-monde… Heureusement que ce n’est pas votre style !

M. RICHARD — Bonjour, M. Durand ! Que faites-vous donc ?

MME ROBERT — J’allais moi aussi acheter du pain.

M. RICHARD — Deux candidats à la présidentielle se rendant dans la même boulangerie ! Ça, c’est vraiment curieux.

M. PETIT — Ça n’aurait pas été vous, je me serais attendu à ce que vous veniez là juste pour pouvoir voler la vedette à votre concurrent… Heureusement que ce n’est pas votre style à vous non plus !

M. DURAND — Je trouve le prix de la baguette excessivement cher.

M. DUBOIS — Je trouve qu’il faudrait la taxer.

MME ROBERT — Vous pourriez faire baisser le prix en même temps que vous montez les taxes.

M. RICHARD — Ce serait une bonne idée pour faire barrage à Bubuk.

M. DURAND — Écoutez, c’est une excellente idée. Vous savez quoi ? J’invite M. Dubois ici présent à renoncer à sa candidature pour m’offrir plus de voix.

M. DUBOIS — J’ai bien mieux. Votez pour moi, et je vous promets qu’une fois que je serai élu, je ferai tout pour faire barrage !

M. PETIT — Il y aurait tout de même des mesures plus importantes à prendre.

MME ROBERT — Oui, notamment à propos des violences policières.

M. DURAND — Eh bien vous savez que je suis anarchiste ; donc, une fois que je serai élu, je ferai mettre tous les policiers en prison !

M. RICHARD — Qui s’en assurera ?

M. DURAND — Les CRS.

M. RICHARD — Et que ferons-nous des CRS ?

M. DURAND — Ils se feront mettre en prison par l’armée.

M. RICHARD — Et qui s’occupera de l’armée ?

M. DURAND — L’armée remplacera la police et les CRS. Nous ne pouvons quand même pas la mettre en prison ! Il faut bien quelqu’un pour garder le pays.

M. PETIT — Assurément !

MME ROBERT — C’est une question de bon sens.

M. DUBOIS — Moi, si j’étais élu, je demanderais à ce que les manifestations soient en distanciel. N’importe qui pourrait les regarder de chez soi sur un site spécialisé. Comme ça, personne ne taperait sur personne.

M. PETIT — Quelle bonne idée ! En plus, ils ne feraient plus de vacarme.

MME ROBERT — Mais qui distribuerait les tracts ?

M. RICHARD — Et qui grillerait les merguez ?

M. PETIT — Et qui balancerait tout ça dans le caniveau avec le djembé du rasta blanc de service ?

M. DUBOIS — J’installerais une imprimante 3D dans tous les foyers qui imprimerait tous les tracts, tous les djembés et surtout toutes les merguez que vous voudrez. En plastique ou en vrai, le goût ne fera pas trop de différence.

MME ROBERT — Et nous pourrions aller les jeter dans le caniveau quand nous le voudrions ! C’est très astucieux.

M. DUBOIS — Bien sûr, les tracts seront en papier recyclé. Il ne faudrait pas polluer la planète.

M. PETIT — Heureusement qu’il y a des gens intelligents comme vous !

MME ROBERT — Malheureusement, vous ne faites pas grand-chose pour les pulls bleus…

M. DURAND — Ah, hélas, c’est parce qu’il n’y a pas grand-chose à faire…

M. RICHARD — Oui, pauvres gens. Au fond, ils n’ont pas demandé à naître ainsi.

M. PETIT — Mais maintenant qu’ils sont là…

Un silence gênant.

MME ROBERT — Moi, je me souviens encore de ce sketch, où Bubuk faisait venir sur son plateau un pull bleu.

M. RICHARD — Oui, il lui posait des questions rigolotes.

M. PETIT — Combien de pas faites-vous par an ? Quelle est la circonférence des naseaux d’un dromadaire ?

MME ROBERT — Et chaque fois qu’il avait tort, bam ! Une cuve d’eau savonneuse.

M. RICHARD — Au départ, elle était glaciale.

M. PETIT — C’était si drôle de le voir se contorsionner.

MME ROBERT — Puis elle est devenue de plus en plus chaude.

M. RICHARD — À la fin, elle était bouillante.

M. PETIT — Il s’est écroulé par terre, et il s’est mis à hurler : J’ai mal aux dents, j’ai mal aux yeux, j’ai mal aux cheveux.

MME ROBERT — Alors, il lui a dit : On arrête de jouer ?

M. RICHARD — Et là, il a tiré sa braguette.

MME ROBERT — Et il lui a pissé dessus !

M. RICHARD — Bien sûr, la caméra a flouté juste à temps.

M. PETIT — Sinon, ça n’aurait pas été convenable.

MME ROBERT — Et il a demandé à tout le plateau de pisser avec lui.

M. RICHARD — Et ils ont tous fait la queue pour lui pisser dessus !

MME ROBERT — Et quand il essayait de s’enfuir, on l’attrapait par les cheveux !

M. RICHARD — C’était à mourir de rire !

Ils se calment. Nouveau silence gênant.

M. PETIT — Heureusement qu’il n’y a personne pour voter pour lui.

MME ROBERT — Personne ne serait assez fou pour voter pour lui.

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