Le plateau d’émission de Bubuk. Voix off : « Bubuk, il a un gros truc ! Bubuk, tu l’as dans ton uc ! » Bubuk entre en peignoir même pas fermé, une bouteille de champagne dans chaque main, entouré des deux pom-pom girls qui le cajolent.

BUBUK — Salut mes p’tites lopettes, c’est votre Bubu ! Alors aujourd’hui, askip, on a ce qu’on appelle une élection présidentielle. C’est pour voir qui c’est que c’est le boss ! Vous avez tous voté pour moi ?

TOUS, sauf Bubuk — Ouiiiii !!!

BUBUK — Y fallait surtout pas. (Se met à ricaner, aussitôt imité des autres.) Et pourquoi je me suis présenté ?

M. MOREAU — Parce que vous aviez un programme !

MME LAURENT — Parce que vous n’en pouvez plus des injustices dans le monde.

M. SIMON — Parce que vous voulez renverser le capitalisme.

MME MICHEL — Parce que vous êtes le plus beau !

BUBUK — Non et noooon-euuuh ! Parce que j’ai la plus grosse teub-euuuh ! (Il se met à danser en slip sur la table.) Alors, sans plus attendre, on va faire les questions. Quel est l’ancien logo du parti Anarcho-Royaliste ?

M. MOREAU — Je crois que c’est un aigle…

MME LAURENT — … monté sur un éléphant…

M. SIMON — … lui-même monté sur un âne…

MME MICHEL — … avec un laurier dans son bec.

M. MOREAU — Et il a une couronne…

BUBUK — Comment ! Comment elle est la couronne ?

MME LAURENT — Elle est… dorée…

BUBUK — Et avec quoi dessus ?

M. SIMON — Je crois que c’est un A…

MME MICHEL — … entouré d’un carré.

BUBUK — Faux ! C’est un cercle ! Apportez les charbons !

LES POM-POM GIRLS — Oh oui, du charbon ! Plein de charbon bien chaud !

Elles s’empressent d’en ramener deux chaudrons.

M. MOREAU, MME LAURENT, M. SIMON — Le charbon ! Le charbon !

BUBUK — Mam’zelle Michel, tu connais ton gage… Tu vas chanter ce que tu penses de moi, et si ça me va pas, tu te prends une louche de charbons. Trois, quatre.

MME MICHEL, d’une toute petite voix, comme une élève en théâtre effarouchée de monter pour la première fois les planches — Bu… buk, vous êtes le plus beau…

BUBUK — Chante plus fort, petite chienne !

MME MICHEL — Bubuk, vous êtes le plus beau !

BUBUK — Avec elle, les autres !

TOUS, sauf Bubuk — Bu-buk-vous-ê-tes-le-plus-beau ! Bu-buk-vous-ê-tes-le-plus-beau !

BUBUK — Chuis-Bu-buk-le-plus-beau !

TOUS, crescendo, de plus en plus vite — C’EST-BU-BUK-LE-PLUS-BEAU ! C’EST-BU-BUK-LE-PLUS-BEAU ! C’EST-BU-BUK-LE-PLUS-BEAU ! C’EST-BU-BUK-LE-PLUS-B…

LE MESSAGER, entrant juché sur son cheval — Bubuk ! Vous êtes président !

BUBUK, cessant de danser, se redressant — Pardon ?

LE MESSAGER, brandissant un parchemin — J’apporte cette missive car Internet est saturé à cause du vote en ligne ! Vous êtes notre nouveau président de la République !

BUBUK — Détournez vos regards. (Les invités et le messager se voilent la face. Il enlève son peignoir et pose ses bouteilles. Les pom-pom girls le revêtent des habits d’apparat d’un empereur.) Messieurs, c’est un honneur que d’être élu comme président de la République française, un honneur que j’accepte la tête haute en toute humilité. Je savais que la France désirait un grand chef. Malheureusement en cette heure où nous devrions nous réjouir, une menace exogène nous asphyxie de l’intérieur, stigmate d’une mondialisation régionaliste qui nous étouffe avec son communautarisme universaliste. Je déclare donc l’état d’urgence contre les pulls bleus. Les temps qui viennent, nous devrons sévir et vous devrez servir. Mais je vous fais confiance car vous portez en vous les grandes vertus de l’âme française, qui sont la liberté, la soumission, l’audace, la prudence, la réflexion et l’impulsivité. Un jour, nous renaîtrons de nos cendres ; en attendant, contentez-vous d’obéir.

M. MOREAU — On pourra toujours squatter tes locaux, camarade Bubuk ?

BUBUK — Si vous voulez, monsieur.

Il sort de son plateau, sa traîne portée par les deux pom-pom girls dressant fièrement la tête comme des vierges saintes.