SCÈNE 8 — M. WILSON, M. LEFEBVRE, M. LEROY, M. LEROUX, UNE DIZAINE D’AUTRES RÉVOLUTIONNAIRES.

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Le comité de révolution : sans doute une salle souterraine couverte de symboles d’extrême-gauche. Il y a du rouge, de l’or et du noir de partout. Les révolutionnaires sont assis sur un banc à écouter leur chef M. Wilson, comme à l’église.

M. WILSON — Camarades ! Cette semaine, un tyran a pris le pouvoir ! Le bubukisme, stade suprême du crétinisme, est en train de plonger nos cerveaux dans la soupière de la fascisation ! Tel un fromage pourrissant, nos institutions sont devenues le bac à sable plein de graviers des capitalistes devenus puérils, et nous nous devons de le recouvrir d’un béton civilisateur ! Un béton armé ! Car la révolution sera teintée de rouge, or le rouge est la couleur du sang, par conséquent nous devrons en faire couler ! Nous ne reculerons devant rien à l’image de nos ancêtres résistants ! (Les révolutionnaires l’acclament et applaudissent.) Que pouvons-nous faire ? J’attends vos propositions.

M. LEFEBVRE — Je…

M. LEROY — On pourrait faire un coup d’État-éclair !

LES AUTRES RÉVOLUTIONNAIRES — Ouais !

M. LEROY — Et fusiller Bubuk avec tous ses ministres !

LES AUTRES RÉVOLUTIONNAIRES — Ouais !

M. LEROY — Et repeindre toute la ville de leur sang !

LES AUTRES RÉVOLUTIONNAIRES — Ouais !

M. LEROUX — Objection ! Il n’y aura jamais assez de sang !

M. LEROY — Il devrait y en avoir assez pour les Champs-Élysées si on ne fait qu’une couche !

M. LEROUX — Il faudra que cette couche soit très fine, or le sang est un liquide épais !

M. LEROY — Nous n’aurons qu’à repeindre par rayures !

M. LEROUX — Oui, en faisant des rayures de deux centimètres de largeur espacées de quinze centimètres, ça devrait être possible.

M. WILSON — Objection ! Notre révolution aura ses victimes, certes, mais les ministres de Bubuk pourraient nous être utiles !

M. LEROUX — Oui ! Ils ont des connaissances diplomatiques et scientifiques avec lesquelles nous pourrions faire de grandes choses !

M. WILSON — On ne peut pas les fusiller ! On peut de toute façon fusiller un citoyen, mais sûrement pas un ministre, ce serait antirépublicain. Il faut que nous fassions des actions fortes, mais que nous ne jetions pas à terre les bases du pays des droits de l’Homme. Soyons pragmatiques.

M. LEFEBVRE, à part — Nous sommes le pays le plus libre du monde, et tous ceux qui disent le contraire se font arrêter.

M. LEROUX — On pourrait repeindre toute la ville en rouge ?

M. WILSON — Avec des rayures de deux centimètres de largeur espacées de quinze centimètres ?

M. LEROUX — Non. D’un rouge profond. D’un rouge écarlate ! Du rouge du sang que nous nous retenons de faire couler.

M. WILSON — C’est une très bonne idée, mais il ne faudrait pas abîmer nos édifices républicains.

M. LEROUX — Oui, ceux-là seraient épargnés.

M. WILSON — Ainsi que nos monuments historiques.

M. LEROUX — Ainsi que les lieux culturels.

M. WILSON — Ainsi que les habitations de ceux qui n’ont rien demandé.

M. LEROUX — En somme, nous n’avons qu’à repeindre en rouge les murs qui sont déjà en rouge.

M. WILSON — Tout en prenant soin de ne pas effacer les graffitis ! Respectons les artistes.

M. LEROUX — Voilà ! Une action de désobéissance civile radicale et respectueuse en même temps.

M. WILSON — D’autres idées ?

M. LEFEBVRE — Je…

M. LEROY — On pourrait… poser des autocollants !

M. LEROUX — Oh oui ! Plein d’autocollants !

M. LEROY — Avec des armes à feu et des têtes de mort.

M. LEROUX — Pour prôner l’entraide et le pacifisme !

M. LEROY — Les bourgeois vont se terrer sous leurs hauts-de-forme.

UN NOIR — Je pense que ces autocollants pourraient aussi sensibiliser les passants à la place des noirs…

M. WILSON — … à la place des noirs dans les milieux militants. C’est vrai qu’on leur confisque souvent la parole.

UNE FEMME — Et il faudrait aussi parler du mansplaining…

M. WILSON — … qui consiste à expliquer aux femmes de manière condescendante tout ce qu’elles savent déjà. Je l’ai très bien compris, ma petite.

M. LEROY — On ne va pas s’en sortir si toutes les minorités veulent s’approprier la lutte.

M. WILSON — Une dernière mesure ?

M. LEFEBVRE — Je…

M. LEROY — On pourrait faire une manifestation !

M. WILSON — Très bonne idée ! Pour quoi exactement ?

M. LEROY — Pour la sortie de l’Union européenne !

M. WILSON — Bubuk la veut aussi !

M. LEROY — Pour le refus de la mondialisation !

M. WILSON — Bubuk le prône aussi !

M. LEROY — Pour la défense des pulls bleus !

M. WILSON — Oh, vous savez, les pulls bleus… On sent quand même qu’il y en a pas mal parmi les bourgeois.

M. LEROUX — Ils sont trop riches !

M. WILSON — On les plaint trop !

M. LEROUX — Au fond, c’est bien la même racaille.

M. LEROY — Alors, faisons au moins une manifestation contre Bubuk !

LES AUTRES RÉVOLUTIONNAIRES — Ouais !

M. WILSON — Voilà ! C’est de l’action concrète ! Un début de révolution ! Avec tout ça, on ira loin !

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