Quelques jours plus tard, je rencontrai le groupe d’amis d’internet d’@laddin. Ils se réunissaient dans une grande salle à l’arrière d’un petit bistrot parisien. Le patron était un ami de @Kelkin l’organisateur de la réunion. Les jeunes serveurs étaient des étudiants ou des intermittents du spectacle qui souvent tenaient aussi un blog. 

          Entre deux demis, je questionnai discrètement les uns et les autres sur les habitudes du blogueur défunt. Mais, ils ne connaissaient que très peu de choses de lui. Seul l’un d’entre eux avait eu plus de relations avec lui. Il avança le nom d’un internaute d’extrême droite avec qui @laddin était souvent en conflit. J’avais bien repéré les tweets-clash* violents entre les deux adversaires mais, je ne croyais pas en la thèse politique.

          C’était la nature même du meurtre qui m’orientait plutôt vers un motif plus personnel. En effet, le corps de l’influent blogueur avait fait l’objet d’une véritable boucherie. Pas moins de 20 coups de couteau lui avaient été portés avec une rare violence. C’était le genre d’assassinat où très souvent la victime connaît intimement son agresseur (famille, ex amant…). J’avais appris cela en couvrant durant des années les faits divers dans un journal de la presse régionale.

           J’observais donc avec attention la petite assemblée. Peut-être que l’assassin d’@laddin se cachait derrière l’une de leur mine triste. Ces gens volubiles sur internet paraissaient là bien fades et surtout beaucoup moins drôles et spirituels. C’était comme si, prisonniers de leur enveloppe corporelle, l’étincelle de leur génie virtuel s’était brusquement envolée. J’avais déjà constaté cela lorsque j’étais passé de l’autre côté du miroir avec certains de mes « amis » Facebook. Je m’étais fait un film de leur personne et de leur vie. Ces personnages, extraordinaires derrière leur écran, s’avéraient bien souvent d’une grande banalité dans la vie réelle. Bref, des gens avec qui on aurait jamais eu l’occasion, ni l’envie d’avoir des relations sociales en dehors d’internet. Et surtout, qu’on n’imaginait pas devenir des proches de l’exigeant @laddin. A moins que le brillant blogueur aux vies multiples ne soit, lui aussi, qu’une copie bien terne de son double numérique.

    A l’issue de la réunion, je me sentais un peu désemparé ne sachant vers qui ou quoi orienter mes recherches. Je décidai donc de reprendre mon enquête au début : l’analyse des commentaires du blog et des tweets publics. C’était un travail de Titan qui m’attendait. Mais, résoudre le mystère de ce meurtre devenait de plus en plus une obsession. Il me semblait maintenant que je n’aurai de cesse que de trouver celui qui avait commis cet acte monstrueux. 

NDLR : 

Tweets-clash : bagarre entre twittos à l’aide de tweets