Après avoir échangé mes dernières trouvailles de la soirée et de la nuit avec ma source, je m'endormis dans un fauteuil en pleine confusion. Crime homophobe, crime crapuleux, crime passionnel… Tout s'entremêlait dans ma tête et me donnait le tournis. Je commençai à me demander si je n'avais pas été trop présomptueux de vouloir résoudre une affaire d'une telle complexité. En effet, l'analyse des serveurs du blogueur n'avait rien donné. On y avait rien trouvé hormis sa production internet. Rien ne prouvait non plus qu’il n’avait pas lui même fait le ménage sur ses serveurs, car on y avait retrouvé que ses seules empreintes et son ADN. Cette histoire de mystérieux projet n’était-elle pas qu’une vantardise de plus pour obtenir plus de considérations de ses amis ? 

    Alors que je j'étais près d'abandonner, je reçus un mystérieux message privé.

        -  Alors, au point mort sur ton enquête sur le meurtre d’@laddin ?

        -  Comment le savez-vous ?

        -  Je le sais, c’est tout.

        Je me doutais que le type en question avait bien les moyens légaux - ou pas - de savoir qui j’étais et ce que je bricolais sur le net. Même si je prenais bien soin de ne laisser que peu de traces de mes recherches, j'étais loin d'être un pro.  Lui, c’était un puissant entrepreneur du net à la sulfureuse réputation. Une légende autant admirée que crainte. Sans savoir ce qu'il me voulait, je n'en menais pas large derrière mon clavier.  

        - J’ai filé un peu d’argent à @laddin pour développer un projet informatique dont il m’avait parlé. Un truc assez révolutionnaire. Lorsqu’il est mort, j'ai pensé que le projet avait été abandonné ou qu’il m’avait roulé dans la farine pour obtenir un peu de thune. 

        - Oui, je le crains. On a rien retrouvé sur ses serveurs.

        - Alors, pourquoi quelqu’un vient-il de me proposer d’acheter une application qui ressemble fort au projet d’@laddin ?

    

     Je restai stupéfait un moment à la lecture de ces mots. Pour la première fois, j'entrevoyais un mobile crédible pour son assassinat.

        - Vous êtes certain qu’il s’agit du même programme ?

        - Oui. Il y a bien trop de similitudes. Si vous avez des copains dans la police ou ailleurs, c’est le moment d’intervenir. L’individu a été très prudent, mais je vous balance son adresse IP – à vos amis de trouver qui il est et de faire le nécessaire.

       Je contactai immédiatement ma source pour lui communiquer ces derniers éléments. L’identification ne traîna pas. Ils avaient déjà le mystérieux vendeur dans leur liste de suspects potentiels. Il s’agissait d’un développeur freelance, expert en réseaux, connu sur internet avec le pseudo @geekalid.

       La police vint le cueillir quelques heures plus tard à son domicile. Le type fut surpris de les voir débarquer. Il pensa immédiatement que l'entrepreneur l’avait donné. 

      @geekalid n’était pas un voyou. Il était juste un peu avide et opportuniste. Il se mit à table assez rapidement. Non, ce n’était pas lui qui avait tué @laddin. 

        Il connaissait l’existence du programme parce qu’il avait travaillé sur certains morceaux pour le blogueur assassiné. Il n’en avait identifié le potentiel que lorsqu’il avait eu le résultat final entre les mains. Devant un tel produit, dont il avait deviné toutes les possibilités (légales ou non), il avait flairé l’odeur de l’argent. De beaucoup d’argent. Il avait immédiatement tenté d’en tirer le meilleur prix auprès d’investisseurs qu'il pensait peu regardant sur la provenance d’un tel outil.

        - Vous avez tué @laddin et vous avez volé sa création !

        - Non, ce n’est pas moi. J’ai juste tenté de vendre son produit. C’est Tom qui me l’a confié pour que j’en tire quelque chose.

        - Qui est Tom ?

        - Un ami. Il m’avait dit qu’@laddin lui avait donné une copie de l’outil peu de temps avant sa mort. Il craignait d’être dépossédé de ses travaux. 

        - Par qui ?

        - Je n’en sais rien. Services spéciaux, terroristes… A vous de trouver. 

        - Bullshit !

        - Non. Demandez à Tom, si vous ne me croyiez pas.

   Ma source policière, en me faisant écouter cet interrogatoire, m’avouait ne pas croire en la culpabilité du geek. Il était certes âpre au gain, mais ce n’était certainement pas un assassin. Il ne croyait pas non plus à une intervention d’officines secrètes comme l’avait suggéré l’informaticien. C’était simplement du roman.

  L’explication de tout ça passait par le fameux Tom. Déjà interrogé, sans succès, par les enquêteurs, il devait cette fois avouer toute la vérité.