Épisode 3. La Tour Romane

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4 septembre, Le Mordor, Amay

Tristan avait passé une nuit sans sommeil. Certes, la disparition de son frère était une situation stressante, mais cela faisait presque 20 ans qu’il n’avait pas eu de contact avec lui. Non, ce qui avait troublé la nuit du détective était que, plus le temps passait, moins les indices seraient faciles à trouver. Tristan se leva donc de bon matin et descendit dans le bar. Benoît était déjà debout, et de la petite pièce derrière le comptoir s’échappait une bonne odeur de pain grillé et d’œufs.

Salut le détective, bien dormi ?

Comme un charme, merci encore pour la chambre.

Tu mens mal, tu as des cernes à faire peur à une liche. Tu veux un café ?

Tristan jeta un regard vers un mug fumant.

Tu t’es peut-être amélioré depuis le temps.

C’est de l’Orcarica. Tu bois ça, tu es frais pour une journée sur le champ de bataille.

Il but une gorgée et… ne trouva pas ça si mauvais.

C’étaient qui les trois petits jeunes d’hier ?

Je te l’ai dit, c’est mon groupe de jeux de rôle.

Ils ont l’air sympa. En plus, la demoiselle ne te lâchait pas du regard.

Benoît cracha la gorgée de café qu’il venait de mettre en bouche. Puis il dit en rougissant légèrement :

– Quoi ? Sophie… tu dis n’importe quoi, c’est juste une amie… Heu… tu veux des œufs ?

Ha ha, voyez-vous ça, Beror la Terreur a une “amie”, ou devrais-je dire “une petite amie”.

L’orc regarda en direction d’un des murs, où était accroché un énorme marteau de guerre noir, avec des runes barbares bordeaux gravées sur l’acier de l’arme.

Beror est mort depuis longtemps, l’humain.

Ouais, je sais, je ne voulais pas que tu ressasses, désolé.

À ce moment, quelqu’un frappa à la porte du bar.

Je reviens tout de suite. Y a toujours des poivrots qu’ils veulent une pinte au petit dej, mais pas de ça chez moi. Prends du pain, ne te gêne pas.

L’orc se leva et partit dans le bar. Quelques secondes plus tard, Tristan entendit :

Désolé, ma p’tite dame, on est fermé… Oui… suivez-moi.

Benoît réapparut dans la cuisine, suivi par Roxane Fontaine.

Quelqu’un pour toi, le détective.

Bon sang, comment saviez-vous où j’étais ?

Votre frère m’a de temps en temps parlé de vous, monsieur Renard. Par contre, il ne m’avait rien dit sur vos… amis. Un orc à Amay, je ne l’aurais pas cru.

– Wouah, vous voyez à travers le voile ? dit l’orc.

Disons que je suis équipée pour, répondit la femme en tapotant légèrement sur sa paire de lunettes.

Roxane était encore plus jolie que la veille. Ses cheveux acajou ondulaient jusqu’à la moitié de son dos. Elle portait un chemisier rouge, un pantalon noir et une paire de baskets blanches.

Vous êtes prête ?

Je finis mon café et je vous suis. Et s’il vous plaît… Appelez-moi Tristan.

Bien, dans ce cas, arrêtez de me vouvoyer, ça me vieillit.

Benoît sourit bêtement en regardant la scène et dit pour lui-même :

Ça sent le printemps, ça batifole.

***

Tristan et Roxane arrivèrent près de la tour. Avec la lumière matinale, le détective se remit à chercher des indices, sans réussite.

À cause du parc aménagé, il y a beaucoup de passage. Je ne trouverai rien ici.

Pourquoi la tour ?

On m’a dit qu’il y avait eu des comportements un peu étranges avant-hier soir, mais c’est vrai que ça n’a peut-être aucun rapport avec notre affaire.

On peut toujours demander au responsable de la tour s’il a vu quelque chose.

Ils empruntèrent un petit sentier qui montait au-dessus d’un talus. De là, ils prirent le petit pont en fer qui menait à la porte d’entrée. Une fois à l’intérieur, Tristan fit le tour de la pièce du regard. À gauche, un comptoir où un homme, petit et assez vieux, rangeait des tracts touristiques ; à droite, un puits recouvert d’une grille.

J’peux vous aider ?

Non, merci, on ne fait que regarder. Vous travaillez seul ici ?

Ouais, le tourisme, c’est plus c’que c’était, du coup y a pas d’argent pour engager.

Je vois”, répondit Tristan. “Ça a l’air calme.

Ça l’est.

Bien, et vous étiez là avant-hier soir ?

Nan, ici, je ferme à 15h. En même temps, il y a jamais personne qui vient.

Voyant que cette conversation ne mènerait à rien, Tristan se retourna vers la porte.

Néanmoins, je dis ça parce que j’aime le patrimoine, mais nous avons vu en passant un type louche avec un sac rempli de bombes de peinture. Il se dirigeait vers le bas de la tour.

Ah non, pas de ça pendant mon service ! Il va voir ce qu’il va voir s’il croit qu’il peut vandaliser ma tour.

Puis, sur ces mots, le petit homme sortit.

Pourquoi lui avoir menti ? demanda Roxane.

Parce que je ne voulais pas qu’il soit là quand je ferais ça.

Tristan s’approcha du puits, le contourna et tira sur un manche en bois qui sortait du mur. La grille sur le puits glissa sur le côté dans un grincement sourd. Puis, plusieurs bruits de frottement se firent entendre, à chaque fois qu’une marche en pierre sortait des parois du gouffre en formant un escalier en colimaçon.

Impressionnant !

N’est-ce pas, répondit le détective avec un sourire aux lèvres.

– Je parlais de ce mécanisme.

Dommage.

Et ça mène où ?

Pour le savoir, il n’y a qu’un moyen.

Tristan et Roxane commencèrent à descendre les escaliers.

***

Garry avait passé la nuit dans sa voiture, il guettait. Il se posait beaucoup de questions en voyant l’homme revenir de bon matin et tourner autour de la tour. Garry était un nain robuste, intelligent, avec un esprit vif, et pour lui les coïncidences “ça n’existe pas”. Il prit quelques notes sur son téléphone et, quand il se prépara à sortir, quelqu’un frappa à sa vitre. Garry l’ouvrit en couvrant le petit homme devant sa portière d’un regard sombre.

Dites-moi monsieur, vous n’auriez pas vu un homme avec des bombes de peinture à tout hasard ?

***

Tristan et Roxane étaient en bas du puits, devant eux un couloir s’enfonçait dans l’obscurité. Le détective fouilla dans la poche de sa veste et sortit une grosse perle bleue. Il l’agita et elle s’alluma, éclairant les ténèbres des profondeurs. Il en sortit une deuxième et la lança à Roxane. Ils suivirent le chemin, faisant attention de ne pas glisser, car les pavés mouillés rendaient les déplacements dangereux. Après quelques minutes, ils arrivèrent dans une grande pièce circulaire. En son centre, il y avait une table sur laquelle étaient posés des livres, des parchemins et autres ouvrages, un bougeoir en or, et d’autres objets encore comme une loupe, une plume, un encrier…

En face de la table, une immense porte. Tristan s’en approcha et remarqua qu’elle était gravée de runes qu’il ne comprenait pas. Il sortit son smartphone et prit quelques photos. Roxane, elle, s’était placée devant la table et commençait à lire les différents parchemins, mais là aussi l’écriture lui était inconnue. Elle souleva une pile de documents, poussa un livre, puis un objet tomba sur le sol.

Flap, flap.

Qu’est-ce que c’est ? demanda Tristan.

On dirait un médaillon.

Elle le ramassa. C’était une grosse pièce ronde de la taille d’une sous-tasse, elle aussi couverte de runes.

Non, pas ça. Tu n’entends pas ?

Quoi alors ?

Tristan se rapprocha de la table tout en regardant autour de lui.

Ce bruit, c’est quoi ?

Flap, flap.

Quel bruit… oh…

Flap, flap.

Roxane tendit la perle lumineuse devant elle, quand tout à coup, une espèce de raie ailée frolla la jeune femme, sa gueule remplie de petits crocs.

Ne fais plus de bruit.

– Pourquoi ? demanda la femme en reculant et en serrant le médaillon contre elle.

Elles dorment encore.

Qui ?

Roxane recula et heurta la table. Une pile de livres tomba à terre.

Plaf !

Tout d’abord, des couinements, beaucoup de couinements. Sur les murs, un grand nombre de petits points orange foncé se faisaient voir les uns après les autres. Puis le bruit de centaines d’ailes battant l’air.

Des Cloakers, attention !

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