Épisode 9. Un pacte brisé

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Ivan, l’homme encapuchonné, et la vingtaine de nains arrivèrent à hauteur de Doolin. Ce dernier, plongé dans un tas de papiers éparpillés, étudiait les documents d’un regard devenu froid par des années de recherches infructueuses. Il se tenait près d’une entrée creusée dans la roche, éclairée par de puissants projecteurs dont la lumière tranchait violemment avec l’obscurité du tunnel. Un peu plus loin, le bruit sec des pioches frappant la pierre résonnait dans la cavité.

Doolin leva la tête lorsqu’il perçut l’ombre du groupe se dessiner à la limite de sa lumière artificielle.

  • Ah, mon ami, vous voilà ! lança-t-il avec une lueur d'excitation dans les yeux. Nous y sommes presque. D’après mes calculs, ce que nous cherchons se trouve juste derrière ce mur.

L’homme contourna lentement la table encombrée et s’approcha de la paroi brute. Il tendit la main, effleurant la surface froide et humide du bout des doigts.

  • Oui… Je le sens aussi.

Doolin sourit, un sourire presque carnassier.

  • Oh, vous arrivez juste à temps ! Ivan, sers donc une bière à notre invité.

Le nain à la barbe noire obéit et s’approcha d’un tonneau, servant une large pinte avec dextérité.

  • Je ne bois pas de bière.

Doolin haussa les épaules sans se départir de son sourire.

  • Comme vous voudrez, mon ami. Mais puisqu'elle est servie, je la prendrai. Après tout, c’est un grand jour, notre jour. Il avala une grande gorgée et essuya la mousse de sa lèvre supérieure. Vous n’avez pas oublié votre promesse.

L’homme encapuchonné tourna lentement la tête vers lui, ses yeux rouges brillant sous la capuche.

  • Je n’oublie jamais mes promesses. Mais avez-vous, vous, tenu la vôtre ?

Doolin désigna d’un geste nonchalant le coffret posé sur la table.

  • Oui, oui… Tout est là, comme convenu.

L’homme s’approcha du coffret et l’ouvrit. Ses yeux flamboyèrent d’une intensité plus vive lorsqu’il aperçut la garde de l’épée brisée. Il murmura, presque pour lui-même :

  • I megil Boggis, aphadon Bor i Niben.*

*l'épée de Boggis, descendant de Bors le Jeune, en elfique sindarin

  • Vous dites ? demanda Doolin, un sourcil levé.

L’homme ne répondit pas. Le bruit de pas précipités se fit entendre depuis le tunnel. Un nain apparut, une pioche à la main, haletant.

  • Patron… C’est ouvert.

***

Tristan se réveilla dans sa chambre sous les toits du Mordor. Benoît était assis à côté de lui, faisant tourner dans sa main une petite bourse en tissu jaune, fermée par un fil vert. En bas, les voix de Roxane et Pierre résonnaient, en pleine dispute.

  • J’ai dormi longtemps ? demanda Tristan, la voix encore rauque
  • À peine une heure. »

Tristan posa sa main sur sa cuisse, surpris de ne ressentir aucune douleur.

  • C’est du chardon noir, expliqua l’orc en désignant la bourse. Ça guérit vite, mais tu garderas une cicatrice.
  • Je m’en fiche, ce ne sera pas la première. La prochaine fée qui croise ma route me paiera en larmes de lune pour les effacer.

Les voix d'en bas montaient en intensité, devenant des cris.

  • C’est comme ça depuis que t’es dans les vapes, ajouta Benoît.
  • Ça ne m’étonne pas, grogna Tristan en secouant la tête. Je me suis fait avoir comme un débutant. La fille débarque chez moi, et je me la joue chevalier servant, sans me rendre compte qu’elle travaille pour l’ennemi.
  • Ouais, ton frère m’a raconté ça. Mais elle, elle n’a rien dit. Je ne crois pas qu’elle soit contre toi. Quand on est dans le camp adverse, on ne reste pas pour soigner les blessés et attendre qu’ils se réveillent.
  • De quoi tu parles ? répliqua Tristan en se redressant. Il réalisa qu'il n’avait qu’un caleçon. T’aurais pas un pantalon à ma taille ?
  • Dans l’armoire là-bas, y a des vieux vêtements. Sinon, pour en revenir à elle, ton frère lui a ordonné de partir, mais elle a refusé. Elle a dit — Benoît se racla la gorge, tentant de prendre une voix plus féminine, sans succès “Pas avant que Tristan ne soit réveillé.” Moi, je la trouve plutôt charmante.
  • Elle est dangereuse.
  • Pourquoi, monsieur le détective ? lança Roxane depuis l’encadrement de la porte. Parce que je t’ai sauvé la vie ? »

Elle avait nettoyé le sang du drake de son visage, mais sa chemise rouge était encore maculée de ce fluide noirâtre.

  • Je t’ai sauvé, sans moi cette bestiole t’aurait dévoré.
  • Sans moi, tu serais encore en train de te vider de ton sang dans cette fosse, répliqua Roxane en avançant dans la pièce.
  • Ça ne serait jamais arrivé si tu ne m'avais pas trahi !
  • Oh, ça va ! Tu joues toujours franc jeu dans toutes vos affaires, toi ?
  • Je ne vois pas le rapport, » grommela Tristan en se rapprochant d’elle.
  • Moi, si, répondit-elle. Doolin m’a engagée pour trouver cette boîte. Grâce à toi, j’ai pu accomplir ma mission.
  • Accomplir ta mission ? Te faire tuer à la place d’être payée !
  • Ne t’en mêle pas, détective. Le nabot va me payer pour ce coup bas.

Les deux se faisaient maintenant face, dents serrées, prêts à tout pour avoir le dernier mot.

  • Si vous voulez, je peux vous laisser la chambre vingt minutes, plaisanta Benoît.
  • LA FERME ! répondirent-ils d’une seule voix.

Pierre entra à son tour dans la chambre, sombre et porteur de mauvaises nouvelles.

  • Laissez-les se disputer. De toute façon, tout est fini. Doolin a la boîte, c’est terminé.
    Tristan et Roxane se tournèrent vers l’homme au costume défraîchi. Le détective détourna le regard de Roxane et marcha vers la porte, où se trouvait son frère.
  • C’est bon, je vais te la retrouver, cette foutue boîte, lança-t-il, agacé.

Roxane le suivit aussitôt.

  • Tu n’y arriveras pas sans moi. On commence par où ?
  • J'ai ma petite idée, déclara Tristan en passant à côté de son frère sans le regarder.

Le duo descendit vers le rez-de-chaussée, mais Benoît ne put s'empêcher de crier après Tristan.

  • T’es sûr que tu veux pas enfiler un pantalon avant de partir ?

***

Doolin avançait d’un pas assuré dans le couloir de pierre, vidant une dernière gorgée de sa chope avant de la jeter négligemment dans un coin où reposaient plusieurs marteaux-piqueurs. L’homme encapuchonné le suivait de près, visiblement impatient de sortir de ce tunnel bas de plafond. Décidément, ces nains n’avaient pas pensé qu’une personne de taille normale pourrait un jour passer par ces boyaux de pierre.

Soudain, ils croisèrent plusieurs nains qui fuyaient précipitamment l’endroit où ils s’étaient trouvés quelques minutes plus tôt. Doolin ne leur accorda même pas un regard. Son esprit était tout entier tourné vers sa récompense, celle qui lui échappait depuis quatre-vingts longues années. Plus rien d’autre n’avait d’importance.

Ils atteignirent enfin la fin du tunnel. Le nain en tête fit un signe à Ivan, qui fermait la marche. Ce dernier s'empressa de ramasser un projecteur et d'en braquer la lumière sur...

  • Par la sainte pioche… marmonna Ivan.
  • Impressionnant, corrigea Doolin, un sourire satisfait aux lèvres.
  • Une beauté, ajouta l’homme à capuche.

Devant eux se dressait une immense statue de près de dix mètres de haut. Son corps, aussi imposant qu’une citerne de camion, représentait un serpent géant auquel on avait retiré les yeux.

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