28 - L'Ingénieur
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J'avais compris ce qui se tramait dans cet endroit. En tout cas... En partie.
Déjà, pour commencer, j'étais mort de trouille. A Anthropia, je n'avais pas peur des fantômes. Ou très peu. Mais ça... C'est parce que je vivais dans un archimonde où ce genre de saloperies n'existaient pas ! Et me voilà là, dans un endroit qui m'était inconnu, dans le noir complet, avec des vraies âmes qui voulaient apparemment me tuer !
Alors si en plus, en allumant un ordinateur, un type apparaît et m'appelle par mon pseudonyme secret avant d'essayer de tuer mes amis, c'était trop pour ma petite tête.
-Je vous montre les caméras, annonça gravement l'homme dans l'écran. Vous devez voir ça.
-NON ! STOP ! QUI QUE TU SOIS, ARRETE !
L'homme ne répondit pas. L'écran changea, montrant divers points de vue dans toute la base. Sur plusieurs vues, des sortes de robots de sécurité s'activaient, pour tous se mettre en route... Il s'avéra qu'ils se rejoignaient tous. Sur une vue, pointée vers la cantine, on les voyait retracer notre chemin en sens inverse.
Une dernière caméra nous montrait Ferd', Miku, Alex', Ametara, N0-V04 et M46-N37 ; le premier de nos amis scrutait les environs avec une minutie incroyable, les deux suivantes paraissaient impatientes et les derniers... Toujours KO.
Les robots montèrent les escaliers, pendant que je gueulais à ce con d'arrêter. Chirutll, accompagné de Xenthores et Olivia, eux-mêmes suivis de Kernn, se ruèrent à l'extérieur dans l'idée d'arrêter le massacre, et Ferdinand, averti par son électrolocalisation, prévint les autres captifs. L'homme de l'écran, lui, restait impassible à nos tentatives de l'arrêter.
La porte des vestiaires fut enfoncée d'un coup par les robots. A travers l'écran, je vis mon maître, confus, hésiter à attaquer alors que les machines pointaient leurs armes sur eux. Miku, encore affaiblie, tenta une explosion arcanique, mais n'en détruisit qu'un... Et Alexandra fit un voile d'ombre autour d'eux pour les rendre invisible.
-NON ! hurla l'homme. VOUS NE COMPRENEZ PAS ? QU'EST-CE QUI NE VA PAS, CHEZ VOUS ? ILS SONT UN DANGER POUR NOUS TOUS !
-CA SUFFIT ! gueulai-je, désespéré. S'IL TE PLAÎT, ECOUTES-MOI ! FAIS CONFIANCE A TON VIEUX POTE, NEIRI ! JE SUIS LA ! ECOUTES-MOI !
-Peu importe, mec, je les ai. Les drones sont équipés de vision thermique, les sortilèges de cette femme n'ont aucune importance. Je le savais ! Ces humains sont des traîtres ! Ils ne sont pas avec toi, ce sont des serviteurs de Vishkar ! ARGH ! Je ne devrais pas parler et piloter en même temps, c'est... Déconcertant...
Sur l'écran, les robots se sont agités de plus belle. Ils étaient prêts à ouvrir le feu sur nos amis... Pourquoi Ferd' ne ripostait pas ? Il était pourtant à la hauteur de la tâche ! J'enrageais tellement que j'enfonçai mon poing à travers l'écran, dans l'espoir fou de détruire l'homme... Je n'ai parvenu qu'à me priver des vues des caméras. Je sortis de la pièce violemment, activant mon électrolocalisation... Je n'aurais pas dû, j'étais encore trop faible.
-MAIS QUE FONT KERNN, XENTHORES, CHIRUTLL ET OLIVIA ?
-Je sais pas, petit, déclara Dverg, mais c'est du sérieux.
On entendit une explosion, côté cantine. Une explosion très, très violente.
-NON ! Entia, moi et Dverg nous sommes écriés en choeur.
J'ai commencé à pleurer :
-MAIS NOM DE ZEUS ! C'ETAIENT DES AMIS ! POURQUOI ?
-Je... Je m'excuse, Nei' , fit la voix à travers un haut-parleur.
-JE NE M'APPELLE PAS NEIRI ! JE SUIS THAUROJI !
-Neiri ? S'étonna Entia.
-ON S'EN FICHE ! TU... CRETIN ! Tu... Tu as tué nos amis... Tu l'as tuée...
-Nei'... Euh... Je m'excuse sincèrement, OK ? Je n'aurais pas dû réagir comme ça... Et je te rassure, tes amis sont toujours vivant. Je... euh... Je n'ai pas eu l'occasion de lever la main sur eux.
-Attends... Quoi ?
-Je guettais ton retour avec impatience, Thauroji Voltar ! fit une voix rauque au bout du couloir.
Suivirent des bruits mécaniques réguliers, comme si quelqu'un marchait avec des attelles. Un homme affreux me regarda de ses yeux asymétriques, en souriant de ses lèvres obliques. Ses bras musculeux faisaient contraste à ses jambes osseuses, sa mâchoire se tordait dans un sens incompréhensible, et quant à son nez... Je préfère ne pas en parler. Il portait un tablier de forgeron, et tenait dans sa main droite un marteau rougeoyant de chaleur.
-Excuse Mike, p'tit gars, me dit-il. Il se croit encore à une autre époque. Mais il a raison sur un point : tes amis Exanthropes sont dangereux, ici. Je les ai fait porter par Kernn et Olivia vers des chambres sûres, où ils ne sont pas prêts de s'échapper... Jusqu'à nouvel ordre.
Je restai bouche bée un instant avant de commencer à débiter les questions :
-Qui est Mike ? Qu'est-ce qu'il s'est passé, ici ? Quel est cet endroit ? Pourquoi vous les avez enfermés ? Et pourquoi...
-pcchht... Tout va bien, Thauroji. Je sais que tu dois avoir beaucoup de questions. Toutefois, cela me rassure de savoir que tu n'as pas posé de question sur le bureau que vous avez visité, ni sur la raison de la dangerosité des Exanthropes.
-Hem ! s'interposa Dverg. Oui, c'est bien, tout ça, mystère, bla, bla, bla, mais VOUS, Héphaïstos, qu'est-ce que vous fichez ici ?
-Mais je suis la divinité tutélaire de ce complexe, évidemment !
Héphaïstos ! Nom de Zeus, j'étais si choqué que je n'avais même pas remarqué qu'un dieu se tenait devant moi... Et une de mes divinités préférée, qui plus est. Entia, déjà agenouillée, me lançait un regard insistant. Je m'agenouillai donc à ses côtés, et le dieu des forgerons rigola en nous voyant :
-Mais relevez-vous donc ! Je suis le plus humble des douze Olympiens depuis que ma tante Hestia a quitté le conseil au profit de cet ivrogne de Dionysos. Par contre, toi, Thauroji... Tu es un de mes disciples préférés.
-Quoi ?
-Attendez, attendez, attendez... Qu'est-ce qu'il se passe ? s'enquit la voix dans le haut-parleur. Pourquoi, d'un coup, on veut sauver les Exanthropes ? Pourquoi être venu en personne pour m'empêcher de les tuer ? Et, Neiri... Pourquoi tu me donnes l'impression que tu ne me reconnais plus ? Qui sont ces gens ?
-Très bien, il y a beaucoup de questions, ici, qui demandent réponse, remarqua le dieu. D'abord, donner une nouvelle source d'énergie aux générateurs ; ils vont lâcher dans quelques minutes. Thauroji ?
-Oui ?
-Tu avais oublié ceci, à l'Académie, dit-il en sortant une pierre brillante de la poche de son tablier.
Je le reconnus tout de suite : c'était mon cadeau des dieux en signe de bienvenue dans Revaltia. La fameuse pierre imprégnée du pouvoir de Zeus.
-Vous... Vous êtes venu pour me la rapporter ?
-Pas seulement, évidemment. Je crois que je vais te la rendre plus tard, sa place actuelle est parmi les générateurs, dans l'étage -5. Tu veux bien venir avec moi ?
-Je... Je préférerais rester dans le... Dans mon bureau.
-Compréhensible. Chirutll ? Je parie que tu vas halluciner en voyant les générateurs.
-Pour une technologie datant de la Révolte ? J'en doute...
-Je ne voulais pas te les montrer pour démontrer la puissance de la technologie d'antan, idiot ! Je voulais te faire admirer une ou l'autre antiquité.
-ANTIQUITÉ ? J'y comprends de moins en moins, ici...
-Patience, Michael. Quand nous serons tous réunis, tu auras tes réponses.
-Vous allez près des générateurs, à ce qu'il paraît ? fit Ferdinand. Je viens avec vous.
-Pourquoi donc ? interrogea Héphaïstos. Aurait-tu peur de quelque monstre, par ici, qui s'en prendrait à un pauvre Espanys ? Je l'accompagne, électromancien. Il ne prend aucun risque.
-Je... J'aimerais aussi aller voir les générateurs. Et puis, au besoin, je pourrais fournir un coup de jus.
-Très bien. Ferdinand, Chirutll, suivez-moi.
Les trois partirent. Kernn —avec Ametara sur l'épaule—, Olivia, Xenthores, Miku et Alexandra nous ont rejoint. Ils avaient observé la scène de loin.
-Kernn, par Pan ! jura Entia. Venez, il y a un lit, par ici. Vous pourrez la poser dessus.
-Mais je la reconnais ! C'est la petite fille qui a hébergé dans ton bureau, Nei' ! Merde, qu'est-ce qu'elle a grandi... Je n'ai même pas vu le temps passer...
-Tu pourrais m'appeler Thauroji, ou Thor', à la place ?
-Ah, oui, bien sûr, pas de "Neiri" en public... Oups, encore désolé.
-Non, c'est pas ça, je n'utilise jamais ce pseudonyme-là. C'est juste... ça me perturbe que tu m'appelles comme ça, c'est tout.
-Comment ça, tu ne l'utilises jamais ? C'était ton nom de code, entre nous ! Pourquoi tu me rejettes comme ça, mon pote ?
-OK, FERMEZ VOS GUEULES ! s'emporta Xenthores. J'Y COMPRENAIS DEJA RIEN ! ça y est, j'ai une migraine, maintenant... MAIS QU'EST-CE QU'IL SE PASSE, BORDEL ?
-Je crois qu'en mettant bout à bout ce que moi, Ametara et Michael savons, nous reconstruirions un énorme puzzle jusqu'à la dernière pièce... affirmai-je. Mais attendons Héphaïstos, je crois qu'il sait tout, c'est lui le plus indiqué pour nous raconter toute l'histoire. Ne restons pas plantés là ! Entia, guide Kernn vers la chambre. Notre translatoire a l'air d'avoir bien mérité un bon lit douillet. Moi, je vais chercher un nouvel écran dans un bureau d'à côté, j'ai pété l'autre dans l'énervement. Euh... Xenthores ? tu veux bien venir avec moi ? Cet endroit ne m'inspire toujours pas confiance. J'ai toujours l'impression que je vais découvrir un monstre sanguinaire derrière chaque porte.
-Tu te crois dans un film d'horreur ?
-A peu près... Sauf que les monstres sont bien réels, cette fois-ci. Et je sais toujours pas pourquoi ces âmes m'en veulent. Allons-y, il faut un autre écran pour mon... Pour l'ordinateur.
-Je viens avec vous, déclara Witz.
Moi et mes deux potes nous sommes dirigés vers la porte suivante, dix mètres plus loin. De nouveau, ce n'était qu'une porte comme on en rencontrait tous les jours dans Anthropia, sauf que celle-ci était gravée d'un grand "X" calligraphié.
La porte était fermée à clef. Ce qui n'arrêta pas Xenthores, qui utilisa à peu près le reste de son énergie pour faire fondre la serrure... une action plutôt inefficace, en fait. Mais, comme le verrou était fragilisé, Witz a pu enfoncer la porte sans trop de problèmes.
-Et voilà ! fit Witz, entre la crainte et la joie.
-Vous vous rendez compte que c'est la première fois depuis l'Académie que nous sommes vraiment seuls, nous trois ? fis-je remarquer.
-Seuls, seuls... 'faut pas abuser, les autres sont à portée de voix.
-Je sais, je sais... Mais regardez-vous ! Voyez ce que vous êtes devenus !
-Ah ça, on n'est plus du tout pareils ! confirma Xenthores.
-Je suis pas sûr si je préfère ça ou être resté à Anthropia, avoua Witz. Surtout cette histoire avec Atherach.
-Mer... J'avais failli l'oublier, avec toutes ces émotions... Allons, ne traînons pas, allons récupérer cet...
Je me suis arrêté en plein dans ma phrase alors que j'entrai dans la pièce. C'était un carnage. Des taches brunâtres couvraient le sol, les meubles de métal étaient autant griffés que s'ils avaient été faits de papier... Je n'ose même pas parler de l'odeur qui régnait dans la pièce —quoi qu'elle soit déjà moins pire que celle de N1-V01—, et du squelette gisant à côté d'une armoire, tenant un cadre dans une main et un revolver dans l'autre. Je n'osai pas approcher ce cadavre ; mes deux amis ont été plus courageux.
-Ah, oui... Désolé, Thor', il ne restait que deux survivants à la fin du massacre, et c'étaient moi et Shen. On n'a pas eu accès à certaines salles, et on a pas pu les nettoyer.
-MAIS QUEL MASSACRE ? s'impatienta notre pyromane.
-Michael, laisse-nous deux secondes je te prie... On parlera quand nous serons tous réunis.
-Ah... Très bien... à tantôt !
-Regardez-moi ça, appela Witz, qui avait arraché le cadre des phalanges du squelette. C'est navrant !
Je m'approchai juste un peu pour prendre l'objet qu'il me tendait. La photo montrait une famille entière ; le père et la mère jouaient avec leurs deux enfants. Un garçon, une fille. Witz avait raison, ça me foutait le bourdon d'imaginer que ce type était mort en posant une dernière fois le regard sur sa femme et ses enfants. Etaient-ils aussi dans le Bunker ? Qu'est-il arrivé d'eux ?
Je reposai le cadre et me dirigeai vers le bureau :
-OK, on prend l'écran et on se casse. Je suis pas serein avec un mort à côté.
Retour dans l'autre bureau, celui que mon Avatar Revaltien avait occupé. Je n'avais pas oublié les dires de ma mère lorsqu'elle m'avait parlé des âmes en fonction des archimondes... Le fait que deux de mes avatars aient vécu à des époques différentes me faisait demander ce qu'il s'était passé dans les vies de tous les autres. Alterria, Exanthropia, Mystikia, tant d'autres Archimondes dans lesquels mes avatars ont peut-être vécu une vie totalement différente, alors que toutes les autres âmes suivaient le même chemin quoi qu'il arrive.
Bref ! Après m'être assis sur "ma" chaise, je branchai la tour avec l'écran. Le visage de Michael réapparut en même temps que le visuel. Rapide coup d'œil sur le bureau numérique en attendant le retour d'Héphaïstos et des autres : pas de doutes, cet ordinateur était bien le mien. La même disposition de fichiers, la même manie de faire des fichiers, contenant des sous-fichiers, contenant des sous-sous-fichiers jusqu'à pouvoir tout trier de la manière la moins efficace mais la plus complète, les mêmes fonds d'écrans, à base de phénomènes naturels et d'animaux, ... Je ne savais quoi dire.
-On est de retour ! déclama Héphaïstos de sa voix cassée.
Le dieu brandit des sortes de micro-oreillettes qu'il passa à tous les membres de la Seconde Expédition, sauf moi, Xenthores et Witz.
-Pas trop tôt ! Qu'est-ce qu'il se passe, enfin ?
-Commençons par les questions de Michael. Alors, Mike... Thauroji, ici présent, n'est pas celui que tu as connu. Nous autres, dieux, ne vous l'avions pas encore dévoilé à l'époque, mais il existe d'autres univers, d'autres Archimondes. Le Thauroji que tu as connu est mort depuis bien des siècles, et celui que tu vois ici est un de ses Avatars, venant de l'Archimonde scientifique.
-Quoi ? D'accord, je serais prêt à vous croire sur cette histoire d'Avatar, seigneur, mais... BIEN DES SIÈCLES ???
-Le temps passe vite, quand on est réduit à l'état d'âme errante, Mike. Quand le désastre c'est produit, c'était en 2612. Aujourd'hui, nous sommes en 5144.
-PARDON ?
-Eh oui... Aujourd'hui, les Revaltiens ont exploré, conquis, reparamétré ou même créé des milliers de planètes. Nos vaisseaux traversent l'espace grâce à des portails alimentés par des trous noirs artificiels. Bruxelles est une ville en apesanteur, la fondation SCP s'est manifestée au grand jour, et Centralis n'est plus une idée en l'air.
-Je... Je ne doute pas de la véracité de vos dires, mais c'est peut-être un peu trop pour moi... Il me faudrait une preuve visuelle.
Le dieu des volcans et de la mécanique prit un écran holographique de son tablier et prouva tout ce qu'il venait de dire. Michael se tut, abasourdi.
-Ta question sur la petite fille, j'y répondrai plus tard. Il y a d'autres personnes, ici, qui sont complètement perdus. ALORS ! Par où commencer...
-Déjà, où est-ce qu'on est ? Demanda Xenthores, énervé.
-Très bonne idée. Ce complexe fut achevé en 2604, en pleine Révolte des Exanthropes, après quatre ans de dur labeur. Cela aurait pu prendre trois fois le temps, mais avec mon aide, celle de la technologie et celle de la magie, tout a été terminé en un temps record. La guerre... Je pourrai en parler plus tard. Pour le moment, vous devez surtout savoir qu'au 26ème et 27ème siècle, l'humanité s'est réfugiée dans les ténèbres des profondeurs pour échapper aux hommes-robots. Pour mieux les protéger, ils ont construit des bastions souterrains ; les Bunkers, numérotés chacun de 0 à 74. Le plus sécurisé d'entre eux était le Bunker 23 ; ce que personne ne savait, c'était qu'un 76ème Bunker avait été construit bien avant les autres ; le Bunker X, X comme une inconnue. Parce qu'il disposait des technologies suffisantes pour être caché aux yeux de tous les moyens de détections, même de la vision des dieux.
Il a été initialisé par l'Avatar Revaltien de Thauroji Voltar, qui devint, malgré lui, le directeur du complexe.
-Et pourquoi Thauroji l'avait fait construire ? demanda Alexandra.
-A l'époque, Thauroji avait fait preuve d'une ingénierie prodigieuse en réussissant à construire un prototype d'exosquelette surpuissant, doté d'une intelligence artificielle hors norme. L'armure "Electrolys". Les Revaltiens de l'époque avaient été subjugués ; ils voyaient en notre ami un véritable sauveur de l'humanité, qui pourrait mettre fin à cette guerre. Alors, quand toutes les communautés, à bout de souffle, s'unirent pour élire un unique champion, la majorité des votes vint pour lui.
Thauroji ne se sentait pas prêt pour une telle responsabilité. Et il ne voulait surtout pas agir de manière guerrière ; que l'armure "Electrolys" serve comme arme de destruction massive le répugnait. Il l'avait créée comme un moyen d'assistance et de protection, et non d'offensive.
Il a fait, certes, preuve de lâcheté en décidant de se réfugier sous la terre, dans un lieu inconnu de tous ; mais son but était de continuer à se battre pour l'humanité, non pas en fonçant dans le tas, non pas en donnant des armes à ses compatriotes, mais en élaborant des stratégies spécifiques et en développant des technologies contre certains armements Exanthropes.
Evidemment, comme le futur leader du monde avait disparu sans rien dire, la place revint au deuxième choix du peuple, l'homme qu'on nomma par la suite "l'Anguille de l'Outre-Monde". On avait beau dire que cet électromancien noir était un bon dirigeant, un homme puissant qui réduisit la Révolte à néant, parfois il se perdait. En ces moments de doute, de stress, c'était Thauroji, par messages anonymes, qui le motivait et qui le conseillait pour mieux aller de l'avant. Et, si des drones du Bunker X n'avaient pas prévu la dernière embuscade Exanthrope, l'Anguille de l'Outre-Monde n'aurait pas eu l'idée qu'il allait subir une attaque, il n'aurait pas vaincu Vishkar en duel et l'humanité serait morte.
-Charmant ! fit Witz. Donc, Thor', en même temps t'es une mauviette, et en même temps t'es un héros.
-Eh ! C'était pas moi ! Je serais à la place de ce Thauroji-là, je ne sais pas ce que j'aurais...
-Tu aurais fait exactement la même chose, Thauroji, assura le dieu. "Lui" et toi possédiez la même âme. Et aujourd'hui, ces deux âmes, tu les as fusionnées. Tu es autant le Thauroji Anthropien que tu connais, à gaspiller ton temps dans une société de merde avec un patron de merde, que ce type, il y a vingt-cinq siècles, qui a refusé le poste de premier Empereur.
-Pourtant je n'en ai pas les souvenirs...
-Peut-être qu'un jour, tu les retrouveras. BON ! Où en étais-je... En fait, il n'y a plus que deux questions à répondre ; en premier, cette histoire de "massacre". Eh bien... Pour faire court, le début des hostilités fut rapide. Vishkar lui-même aurait développé un virus informatique surpuissant pour que les intelligences artificielles des humains se détournent contre leurs créateurs. En premier, des terroristes-robots furent envoyés en mission d'infiltration en Corée du Sud et en France, en plein dans leurs complexes militaires. L'entièreté de l'arsenal nucléaire Coréen et Français fut explosé sur place, et ces pays furent rasés de la carte. Pendant ce temps, des espions de Vishkar avaient pris des germes du virus informatique, qu'ils ont injectés dans les systèmes d'armement russes et américains. Les deux grandes puissances se sont entre-tuées sans le vouloir.
Lors des fameuses élections pour le premier Empereur, la sécurité assignée au matériel nucléaire avait été multiplié par quatre, pour empêcher de tels désastres. Cependant, des nouvelles couraient, à propos d'Exanthropes qui rôdaient autour des centrales nucléaires ; c'est à ce moment-là que l'Europe, le sud de l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Nord ont migré vers les cavernes, pour plus de sécurité. C'est donc un motif de plus qui a poussé "Thauroji du passé" à faire son propre Bunker.
Dans tous les Bunkers, il n'y avait qu'une seule règle qui restait pareille : EVITER LES INTELLIGENCES ARTIFICIELLES A TOUT PRIX. A cause du virus informatique en question. Plus aucune IA pour diriger des robots, en particulier. Voilà pourquoi les systèmes de défense du Bunker X sont à base de drones. Et, pour la défense de Michael, essayer de piloter une demie-dizaine de drones en pleine hâte rien que par la force de son âme, ça pompe beaucoup de concentration, c'est normal qu'il n'ait pas fait attention à vos contre-indications.
-Et... C'est quoi, le rapport avec le massacre ? s'enquit Olivia.
-A part dans tous les ordinateurs (que j'avais sécurisé moi-même), il n'existait qu'une seule intelligence artificielle dans tout le Bunker : Electrolys, que Thauroji avait amené sous terre avec lui. Notre ami croyait avoir développé suffisamment ses protocoles antivirus, et moi-même j'avais diagnostiqué l'armure "saine". Mais en fait... Les protocoles de défense avaient servi de couverture au virus, qui s'était installé bien longtemps avant. Il a fallu huit ans à cette saloperie pour traverser tous les protocoles et enfin s'emparer de l'armure. Thauroji fut averti instantanément ; il sonna l'alarme et fut le premier à entrer en confrontation avec sa propre création. Il n'a fait que la ralentir. Le cadavre de Thauroji-du-passé a disparu mystérieusement.
Quant au reste... Electrolys était bien trop puissante et résistante. Il a fallu la leurrer vers la salle des explosifs pour enfin la mettre hors d'état de nuire, et il n'y eut que deux survivants sur cent vingt. Michael, un mage de foudre, le meilleur ami de Thauroji, et Shen, manipulateur du Chi, le leader spirituel du complexe.
Ces deux-là ont passé des semaines pour nettoyer le sang, rassembler les cadavres et essayer de continuer à vivre. Mais il manquait beaucoup trop de mages pour continuer à alimenter certaines choses ; des mages de la terre, de l'eau et de la nature, particulièrement, pour les réserves de nourriture, et des mages de l'air pour éviter la stagnation des gaz.
Michael crevait de faim. Shen, plus posé, restait assis sur l'escalier de la cantine, à prier. Lorsque le mage de foudre agonisa, le moine lui tint ces mots :
"Va, rejoins les autres, apaise-les. Nos âmes sont coincées ici, mais je sais qu'un jour nous serons libérés. Je vais me sacrifier pour vous tous, Michael ; mon énergie emplira ces salles pour les siècles à venir, préservant nos plantations en état de stase, empêchant l'invasion des insectes, et conjurant vos consciences de leur folie."
-ça vous gêne, Héphaïstos, si je racontes à partir d'ici ? Demanda l'âme à travers l'écran.
-Pas du tout. J'espérais même que tu pose la question. Je te laisse.
-C'est grâce à Shen si je peux vous parler avec autant d'aisance, pas comme les autres. Shen a fortifié mon âme et l'a stabilisée. Cent-vingt-sept fantômes rôdent autour de Thauroji, en l'assaillant de reproche, refusant de croire que c'était un autre Thauroji qui leur a infligé ça.
Ils avaient signé pour être en sécurité tout en aidant l'humanité durant la guerre ; au lieu de ça, ils ont eu la mort, et ce qu'ils croient être la damnation éternelle. Thor', en tant que fils de Célestia, toi seul peut leur donner ce qu'ils veulent ; je vais te guider vers la salle des cercueils juste après.
Ce que j'ai vécu, après ma mort, j'en ai très peu de souvenirs. Ces deux millénaires, pour moi, se sont déroulés en deux ans. Rien n'a changé. Jours après jours, semaines après semaines, je croisais les mêmes âmes en peine, j'étais forcé à regarder des fantômes tristes pleurer de nostalgie dans leurs bureaux, des esprits dans le déni vouloir reprendre leurs recherches, des mânes perdues errer sans but. Au moment de ma mort, Shen avait coupé tous les systèmes électrogènes du complexe pour économiser l'énergie ; je ne pouvais même plus posséder de drones pour me sentir un peu plus humain.
Maintenant que j'y pense, si je peux vous parler, là, maintenant, c'est grâce à Thauroji ; il faisait des expérimentations sur l'âme. C'est de ses recherches qu'il a pu construire l'intelligence artificielle d'Electrolys. Au fur et à mesure de ses expériences spirituelles, on voyait un net progrès : on pouvait contrôler des drones rien que par la pensée, et faire des appels vidéos à distance rien qu'en ouvrant une application sur un ordinateur et en songeant à la personne souhaitée. C'est avec ce même logiciel que je peux "posséder" l'ordinateur et vous montrer ma tête. Vous voyez là une représentation directe de mon essence.
-Donc, tu dis qu'Electrolys est faite à partir d'une âme ? interrogeai-je.
-Disons plutôt que tu avais réussi à représenter l'âme sous forme d'un code, et que tu t'es servi de ce code pour composer celui de ta plus brillante création.
-Ouais, bon, et ensuite ? Demanda Xenthores, impatient.
-euh... Rien ne s'est passé pendant ce que je crus donc être deux, trois années. Et puis, sortie de nulle part, il y a une gamine de dix ans à l'air pauvre qui est entrée dans le Bunker à travers un portail. Elle semblait perdue ; elle retraversa son portail, et revint quelques minutes plus tard avec une lampe surpuissante. Sans trop de peur, elle explora le Bunker, et bientôt elle eut l'air de se sentir chez elle. Lors de l'exploration des bureaux, elle s'arrêta devant la porte de Thauroji, et invoqua un portail à travers la serrure pour passer. puis elle s'est mise à l'aise dans ta chambre, a dormi un peu, puis est repartie le "lendemain". Ici, pas de cycle solaire, pas d'horloge active, je ne pouvais que déduire qu'à chaque fois qu'elle revenait, c'était que le soleil allait se coucher. Parfois, elle restait très longtemps dans le Bunker, mais elle n'était jamais inquiétée. Moi non plus je ne m'en faisais jamais pour elle, puisque les autres fantômes avaient l'air de ne pas la voir et qu'elle finissait toujours par remonter à la surface.
Périodiquement, je la voyais revenir avec un habillage de plus en plus somptueux et avant-gardiste ; de plus, elle semblait ramener de la surface des lampes par dizaine, pour remplacer celles qui se déchargeaient, des robes pour petite fille, du matériel de maquillage, des bijoux, de la nourriture, des boissons, bref, le parfait petit attirail de la survivaliste coquette. Je m'étonnais de voir tout ce qu'elle ramenait, mais je me disais "Et si la guerre était finie, là-haut ? Merde, ce que Thauroji serait fier de voir les technologies d'aujourd'hui !"
Je la voyais grandir à vue d'oeil... Puis, un jour, sans prévenir, elle est partie définitivement. Je sais pas ce qu'il s'est passé. Et là, je la revois enfin, devenue une belle jeune femme, accompagnée de mon meilleur pote. C'est littéralement le meilleur jour de ma "vie" depuis le massacre.
-Michael, rassure-toi, je connais toute l'histoire, fit Héphaïstos. Cette petite fille, déjà, s'appelle Ametara. Et elle a réussi un exploit incroyable. Son passé a été douloureux ; orpheline depuis ses cinq ans, reléguée à la rue, elle a apprit à vivre à la dure, en fuyant toutes les institutions —même les orphelinats—. Elle a grandi dans la passion du danger, de la découverte de l'inconnu ; son premier sortilège, qu'elle apprit très jeune, fut la matérialisation aléatoire de portails. C'était son meilleur jouet ; rien n'était plus plaisant pour elle qu'invoquer ses portails, d'y entrer, et de découvrir avec joie et surprise là où elle atterrissait.
Mais elle a aussi grandi dans le besoin. Au départ, elle mendiait. Puis, elle a découvert la rentabilité du pickpocket. Aujourd'hui, peu de gens portent de l'argent ; elle chipait donc des objets, qu'elle faisait revendre par le mendiant qui l'élevait malgré sa situation. L'argent obtenu servait ensuite à l'achat de nourriture, mais les deux n'avaient jamais assez pour se permettre plus.
Puis, un jour, l'homme s'est fait emmener par la police et Ametara ne l'a plus jamais revu. Notre translatoire s'est mise à expérimenter de plus en plus avec ses portails aléatoires, pour compenser. Des portails qui la transportaient de plus en plus loin, dans des endroits toujours plus aléatoires.
Un jour, le portail qu'elle avait invoqué était apparu une centaine de mètres plus bas, dans la seule poche d'air disponible. Quand elle traversa le trou de ver, elle se retrouva dans le Bunker X. Déconcertée par le noir, elle eut l'idée de revenir à la surface, de voler une lampe et de partir en exploration. Là, tu sais ce qu'il s'est passé.
Ce qu'Ametara ne savait pas, c'est que les technologies de brouillage du Bunker la rendaient invisible aux systèmes de traçage de la surface. Elle ne voyait dans le Bunker qu'un abri sûr dans lequel elle pouvait se reposer. Comme elle connaissait l'emplacement du complexe, il était aisé pour elle de partir à la surface, y passer du temps, voler quelques machins, et partir dès que le soir arrive ou dès que la police se pointe. Peu à peu, elle a pris confiance en ses pouvoirs, et a commencé à voler plus de choses ; voilà pourquoi elle a commencé à ramener du cosmétique.
-Et alors, pourquoi elle est partie ?
-Il existe une école, située sur le Mont Everest, qui accueille les mages en peine et les gens venant d'autres dimensions pour leur en apprendre plus sur leur magie, sur le monde qui les entoure désormais. Le directeur, l'Ancien, a remarqué Ametara, et l'a interceptée lors d'une de ses visites à la surface. Il a guidé la fillette vers l'Académie, et lui a donné une autre famille. Elle a appris à maîtriser ses pouvoirs avec plus de puissance, et elle s'est hissée à la place de professeure en magie translatoire en fonction des ans.
-Vraiment ? Oh, je suis si content pour elle ! Je ne l'aurais jamais cru...
-En ce jour, seules trois personnes connaissent l'emplacement du Bunker X ; Michael, en premier, moi-même, évidemment, et Ametara. Aucun dieu, pas même Célestia, Hydunn, Zeus, Cthulhu et Thot, n'ont idée de cet endroit, et ils s'interrogent tous sur la disparition de Thauroji-du-passé. Je crois, aujourd'hui, qu'il est temps de briser ce voile de mysticisme en rendant la liberté à ces fantômes du passé.
-C'est quand même un sacré hasard qu'Ametara ait réussi à trouver au hasard l'emplacement d'un bunker caché depuis tout ce temps, remarqua Witz.
-M'est avis que les âmes de Thauroji et d'Ametara étaient destinées à se croiser, hypothétisa Tarek. Ce genre d'événement ne peut pas être aussi casuel.
-Oui, surtout que Thauroji et Ametara sont tous les deux nés dans le même district. Le même "pays", si vous voulez.
-Ametara est Belge ? demandai-je.
-Oui. Et le Bunker X a été construit dans les environs de Bruxelles.
-QUOI ??? s'écria Alexandra. ELLE A FAIT UN UNIQUE PORTAIL ENTRE DELPHES ET BRUXELLES ? Même avec dix Raido, une Translatoire aussi peu calée dans les transportations longue distance mourrait dans l'effort !
-Je crois qu'à votre arrivée, j'ai senti une vague immense de Chi. Peut-être que c'est Shen qui l'a sauvée...
-C'est possible, confirma notre experte en magie, mais il aurait fallu que Shen soit très puissant pour qu'il utilise son pouvoir restant pour stabiliser le complexe, assister vos âmes, maintenir sa conscience entière pour survivre pendant deux-mille-cinq-cent ans et enfin... Non, ce n'est pas possible, il n'aurait pas pu la sauver en une seule vague de chi... A moins que... A moins qu'il ait littéralement sacrifié son essence pour fusionner avec Ametara. Miku, il faut vraiment que tu régénères le plus vite possible.
-Pourquoi, ma choute ?
-Ametara est censée être morte de manque de Muthane, elle ne vit que parce qu'il y a en elle deux esprits et le pouvoir du Chi. Elle n'est pas en état pour régénérer sa magie d'elle-même, elle ne peut pas se réveiller tant qu'elle ne reçoit pas une dose d'Arcanes pour forcer le processus.
-Finement observé, chère Muthanologue ! la félicita Héphaïstos. Malheureusement, dans les systèmes de brouillage, il existe surtout une partie d'émetteurs de rayons Thêta spécifiques pour empêcher la détection magique. Les mages simples ne ressentent pratiquement rien, mais les Arcanistes sont très affectés. En fait, je suis déjà allé soigner votre amie : j'avais amené quelques potions de Muthane pur, elle en avait bien besoin. Mais il va falloir du temps pour qu'elle s'en remette. C'était un grand risque de sa part, mais ce Bunker était votre seule option. Toutes les polices du monde vous auraient traqués et remis en prison. Même cette étrange M46-N37 n'aurait pas pu vous sauver.
-AH OUI ! manifestai-je. J'avais totalement oublié cette histoire... A ce propos, j'ai une dernière question.
-A propos du policier qui vous a aidé à vous échapper ?
-Oui.
-Vois-tu, Thauroji, il y a une sorte de secte bénéfique qui a juré allégeance à ta mère. Elle se fait appeler "l'Ordre de la Lanterne". Chacun de ses membres se veut être une balise d'espoir pour tous ceux qui l'entourent. Elle est là pour rétablir la paix parmi les peuples, la nature et les monstres ; empêcher le règne des Nécromanciens ; repousser les attaques de leurs homologues démoniaques et stellaires —les Prosélytes des ténèbres et les Adorateurs de R'lyeh— ; et même, sur le plan lunaire, guider les âmes en peine vers leur juste place.
L'Ordre de la Lanterne possède une philosophie peu adhérée par le grand public ; "Le passé compte peu, seuls le présent et le futur définissent l'essence d'un être". Ils auraient accompagné des tyrans à travers les portes du paradis, si et seulement si ils s'étaient sincèrement repentis, qu'ils étaient mentalement torturé par leurs propres actes.
Le policier qui s'était présenté à vous était un membre secret de l'Ordre. Voilà pourquoi il ne voulait parler qu'à toi, Thauroji, parce que tu est le fils de la déesse à laquelle il a prêté allégeance. C'était comme un rêve, pour lui, de pouvoir te parler. Il a joué le jeu, pour connaître tes intentions, et puis il a décidé que ta place n'était pas dans une cellule électromagnétique. Cela lui a fait beaucoup de peine, de relâcher M46-N37 et d'être responsable de la mort de beaucoup de ses collègues, mais il sait que ta quête est juste et qu'elle servira à sauver bien plus d'innocents.
-Mais comment ??? Nous avons vu la puissance de Chara, c'est impossible qu'on puisse l'arrêter !
-L'Espoir, Thauroji. Ce policier y croit dur comme fer, tout comme les autres membres de l'Ordre. Tu n'est pas n'importe qui, Thauroji. Rappelle-toi qu'il n'est pas forcément utile d'utiliser la force brute pour défaire un ennemi. Rappelle-toi des douze travaux d'Héraclès ! Le fameux Hercules n'était pas qu'un simple paquet de muscles. Cette situation me rappelle cette histoire à propos de Typhon. Tu sais ce qu'il s'est passé ?
-Oui, mais je suis certain que vous mourez d'impatience de la conter.
-Typhon, le père de tous les Mythics grecs... Une sorte de titan sans trop de pouvoirs arcaniques, mais des centaines d'abilités physiques. Crachat de poison, de flammes, force surdimensionnée, gigantisme extrême... Il était, pour nous autre, dieux, un ennemi de taille. Chara ne résisterait pas une seule seconde, même avec tout le pouvoir de sa Détermination, contre Typhon.
Un jour, cette créature est sortie du Tartare, où il était enfermé. En ce temps-là, Odin et son armée, qui auraient pu facilement le défaire, étaient déjà en guerre avec des dragons, et tous les autres cultes nous disaient "Allez, vous qui vous croyez si puissants, si vous nous donniez un peu de spectacle ?"
Tous les Olympiens se sont rués sur Typhon. Athéna, Hadès, Poséidon, Arès, aucun d'eux n'a pu effleurer le monstre. Athéna sonna le repli stratégique ; c'était trop tard, Zeus était déjà fait prisonnier par le cataclysme vivant. Typhon, sachant qu'il est impossible de tuer un dieu Grec, délesta notre roi de tous ses tendons, et Zeus fut incapable de bouger.
Alors que tout semblait perdu, deux dieux seulement se rebellèrent contre le tyran ; Hermès, notre dieu malicieux, et Pan, notre dieu de la nature, une véritable poule mouillée. Pan distraya Typhon en jouant sur sa flûte, et le monstre arrêta sa destruction pour l'écouter. Le dieu de la nature, bravant ses plus grandes peurs, se mit à converser posément avec le monstre, qui prit confiance et se laissa bercer par la musique. Quand le père des horreurs s'assoupit, Hermès arriva pour lui voler les tendons de Zeus, les rendre à son propriétaire, et le soigner.
Notre roi, fou de rage, profita lui aussi du sommeil de Typhon pour déchaîner le paroxysme de sa puissance dessus. Hors d'état de nuire, mais toujours vivant, le Fléau des Dieux ne pouvait pas résister, et se fit écraser par l'Etna. Aujourd'hui, Typhon ne peut plus se manifester que par des éruptions volcaniques périodiques.
Il arrêta son récit et nous fixa un par un, de ses yeux asymétriques.
-Proportionnellement, Typhon est un aussi grand ennemi pour nous, les dieux, que Chara l'est pour vous dans son état actuel. La démone doit encore augmenter en puissance ; aucun démon ne retrouve la totalité de ses pouvoirs à la suite d'une possession.
La morale, dans cette histoire, c'est que vous pouvez le faire. Chaque mage, chaque monstre, chaque démon, chaque Grand Ancien possède ses faiblesses ; rappelez-vous que, parfois, cette faiblesse n'est pas forcément physique.
-Notre tâche serait plus facile si vous veniez avec nous, remarqua Xenthores. Au lieu de rester à discuter comme ça.
-Fils de Pyro, tu ne sais pas ce que c'est d'être un dieu. J'ai créé la science de mes propres mains pour nous assister dans la gestion de l'univers, mais même Vincia n'est pas toute-puissante. Vincia nous donne beaucoup de répit, notamment, en ce qui concerne Midgard. Tous les phénomènes que vous connaissez d'Anthropia, elle les dirige tous d'un coup sans broncher. Mais les choses que vous qualifieriez d'illogique, de mystique, d'impossible, c'est nous qui le gérons, il ne faut pas l'oublier !
Je suis le dieu grec le plus apprécié par les nains, et puis je suis le dieu des volcans. Alors non seulement j'ai beaucoup d'activité à Nidavellir, mais en plus je dois me coltiner la gestion de tous le flux magmatique de Muspellheim ! Tu sais ce que c'est, de gérer l'activité volcanique DU MONDE DU FEU LUI-MÊME ? D'accord, je suis aidé d'autres divinités. Mais nous autres, entités supérieures, devons gérer non pas un, mais DEUX archimondes !
Juste ici, je donne l'impression d'être calme. Mais j'ai actuellement dix-huit autres formes physiques, chacune disposées dans chacun des neuf mondes de chaque Archimonde. Les gens ne se rendent pas compte du travail qu'on fait, nous autres, les dieux. Je me suis libéré pour vous parler, mais si j'attends trop, ce bon vieux Typhon va encore faire cracher ses tripes à l'Etna. Depuis le temps que le père des démons est coincé dans ce trou, il en a pris, de la puissance. Et il faut bien mes armes et mes équipements pour aider tous les autres dieux des volcans pour le repousser.
On pourrait se dire aussi que Hydunn et Tyr, vos dieux du Courage, seraient disponibles. Eh ! Ils ont le rôle le plus crucial de tous ! Nous autres, nous formons comme une société. Célestia, Zeus, moi-même, nous sommes des Empereurs, paramétrant la vie et la mort, les phénomènes naturels, et etc. Hydunn, Athéna, Tyr, et bien d'autres dieux de la guerre, ce sont notre armée, nos vigiles, nos éclaireurs. Et s'ils ne sont pas assez attentifs, les démons peuvent sortir de terre, profiter d'un tout petit effet de surprise et achever leur but de reconquête de la Terre. Avant d'être décimés par les Grands Anciens.
Tout ça pour dire que vous ne devriez pas trop espérer d'aide de la part des dieux. Ils peuvent vous bénir, vous accorder certains privilèges si tout va bien, mais très rares seront les occasions, comme maintenant, où vous pourrez en croiser un pour obtenir son aide.
-Sympa ! fit Xenthores. C'est la même chose du côté démoniaque ?
-Les démons son bien plus disponibles, parce que justement ils ne sont pas les entités dominantes dans l'Univers. Par contre, pour eux, se montrer à la surface est très dangereux, comme Hydunn et ses comparses veillent. Ils ne vous aideront pas non plus, pas parce que vous êtes pour la plupart des serviteurs des dieux —tous les démons ne sont pas "mauvais"—, pas non plus parce qu'ils sont très occupés, mais surtout parce que s'ils se montrent au jour de la vision divine, ils y risqueraient leur vie.
Les Grands Anciens, c'est une autre affaire... Vous pouvez faire appel à eux sans aucun problème, mais vous devriez faire attention à votre santé mentale à chaque rencontre. Quoi qu'il en soit, vous ne recevrez d'aide immédiate que si vous vous trouvez en profondeur, dans un lieu qui n'est pas surveillé par les dieux.
Sur ce, je vous laisse. J'ai l'Etna à calmer et une forge à faire tourner.
Puis, l'image du dieu s'estompa rapidement.
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