Tchernobyl
(26 avril 1986 – Le Vrai Monde : Tchernobyl)
COMPTE RENDU D'EXPÉRIENCE
Objet : Réveil du sujet de référence.
Identité : Olga Volk.
Sexe : Femme.
Âge : 17 ans.
Date de mise en sommeil paradoxal : Le 15 avril 1986.
Date du réveil : Le 26 avril 1986.
Ratio heure minute : 1 minute réelle pour 1 heure fictive.
Durée de l'expérience (en jours) : 11.
Motif(s) de l'expérience :
Rêves connectés, influence sur les choix du sujet.
Variable : Parentalité.
Identité du sujet influenceur : Ulrich Van Oaken.
Lien de parenté avec le sujet étudié : Demi-frère de sa mère.
À compléter ultérieurement (entourer l'élément correct):
Résultat de l'expérience : succès / échec.
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Olga se réveille, lentement, peinant à se redresser à cause de son manque d'exercice physique. Elle à du mal à comprendre. Elle vient de vivre toute une vie en l'espace de onze jours. Sa propre vie. Ce qu'elle pourrait être.
Elle se trouve dans une pièce sombre où seules quelques lampes en métal permettent, de leurs lumières atténuées, d'apporter un peu de visibilité. Cet environnement ressemble à un bunker verdâtre et humide, où la température est fraîche.
À proximité de son lit, qui n'est qu'une planche d'acier recouverte de plusieurs couches de duvets de l'armée russe, de nombreuses machines d'enregistrement, toutes aussi différentes les unes des autres, forment une muraille d'électronique au niveau de sa tête. Et il y a ces deux hommes. Un assistant qui prend des notes sur un porte-bloc marqué de deux initiales qui sont V et O, et l'autre, que Olga reconnaît immédiatement. Elle l'a vu plusieurs fois dans son rêve, dans sa vie montée de toute pièce. Il n'est autre qu'Ulrich Van Oaken, avec dix ans de moins.
L'assistant aide Olga à se redresser et à s'asseoir sur le bord du lit, tandis qu'Ulrich Van Oaken lui adresse quelques mots :
— Bonjour Olga. Bienvenue parmi nous. Tu dois te sentir désorienté. C'est normal.
— Qu'est-ce que vous m'avez fait ? demande-t-elle à voix basse.
— Je t'ai étudié. Et maintenant tu vas devoir faire un choix.
— Où est ma mère ? Où est Zdenka ? commence-t-elle à s'affoler.
— Malheureusement, j'ai dû la tuer.
— Non. NON ! Qu'est-ce que … Vous êtes un monstre !
— Calme-toi Olga. D'ailleurs, tu préfères quoi comme nom ? Stempson, Volk, ou bien Van Oaken ? Oui, tu es un peu de ma famille Olga. Ta mère était ma demie-sœur, mais ça, tu le savais déjà, puisque je t'en ai parlé dans tes fictions. Oui, c'est depuis Le Vrai Monde, depuis ce sous-sol, que je te parlais dans tes rêves. N'est-ce pas majestueux ?
— Je veux partir. Laissez-moi partir !
Elle bondit du lit et tente de repousser les bras de l'assistant qui la retient fermement.
— Allons, allons, Olga. Reste encore un peu. Je n'ai plus besoin de toi, c'est vrai, mais je dois te proposer un dernier choix, pour me permettre de valider ou d'invalider le succès de mon expérience. Pense à tous ces morts. Pour rien. Pense à ta mère. Pense à ces onze jours que tu as perdu. Que pourrais-tu faire de mieux que de les honorer en choisissant une dernière fois ?
Elle hésite, se calme, et finalement, accepte, par dépit :
— Bien, finissons-en.
— Olga, tout est entre tes mains. Ce choix, c'est celui de ta vie, mais également celui de l'humanité. Je te propose deux possibilités. La première est de vivre ta vie. Mais cette vie, tu le sais, sera rythmée selon mes envies. Selon ce que j'ai semé dans ton cerveau au court de ces onze jours. Tu vas me dire que tu peux très bien faire ce qu'il te plaît, mais tu connais également ma puissance. La vie que tu vas vivre sera identique à celle que tu as rêvée. Même ville, même famille, mêmes problèmes, morts et tout ce qui s'en suit. La seconde possibilité, c'est d’empêcher cette vie de se réaliser, de ne pas faire subir toute cette souffrance à ta famille et à toi même. Il faudra simplement que tu appuies sur ce bouton.
— Quoi ? Et c'est tout ?
— L'actionnement de ce bouton n'aura pas une conséquence anodine Olga. Sais-tu où nous sommes ?
— Non.
— Nous sommes dans les sous-sols de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Actuellement, le réacteur quatre est en train d'être testé à faible puissance. Appuyer sur ce bouton entraînerait une série de dysfonctionnements qui rendrait instable le réacteur, avant qu'il n'explose et ne d’éclanche la plus grosse catastrophe nucléaire jamais connue. Des milliers d’innocents mourraient, mais tu serais sauve. Sauve de cette vie et de tes inévitables tortures.
— C'était donc ça. Ce désert post-apocalyptique dans mes rêves.
— Absolument. Alors ? Tu choisis de vivre cette vie, souffrir et faire souffrir des innocents avec une technologie déjà puissante actuellement et qui évoluera, tuant un très grand nombre de personnes, ou tu préfères mettre un terme à cela en faisant sauter la centrale, ruinant mon plan, épargnant ta vie au dépens de celle des autres ? Réfléchis bien Olga. Tout est entre tes mains.
Au même moment, l'assistant d'Ulrich Van Oaken lui glisse dans les mains le boiter en question. Olga ne tardera pas à donner une réponse.
— Je ne te laisserai pas cette chance Van Oaken ! C'est fini, ton plan tombe à l'eau.
Puis elle appuie sur le bouton.
— C'en est fini de tes conneries ! Va bien te faire foutre !
— Fini ? Tu le crois ? Mon expérience est une réussite, grâce à toi, félicitations.
— Tu le fais exprès ou t'es réellement cinglé ? C'est fini, ton expérience est un échec ! Il n'y aura pas de suite pour toi et ton plan diabolique.
— Et si elle était une réussite ? Et si je ne voulais pas d'autre suite ?
— Je ne comprends pas.
— Olga, depuis le début mon plan n'est pas de pourrir ta petite vie misérable. Non. Il est de pourrir celle de milliers de gens. Et si je devais te pousser à croire que toute ta vie serait un enfer ? Et si depuis le début, mon seul et unique objectif était que tu appuies sur ce bouton ?
— Non. Non ! Qu'est-ce que j'ai fait. Arrêtez ça ! Tout de suite !
— Trop tard Olga. Tu as choisis. Merci pour ta coopération. Je te fais mes adieux, Olga Volk Van Oaken.
Dans la centrale, une violente explosion de vapeur fait s'envoler la dalle supérieure du réacteur. Un panache radioactif s'élève alors du bâtiment éventré et gagne les nuages, dans une ascension vertigineuse et monstrueuse.
Dans le bunker, un bruit sourd se répand soudainement dans le plafond. Puis il s’effrite, s’émiette, se morcelle quand finalement, une énorme masse de béton s’effondre sur eux trois, broyant leurs corps dans un bruit de craquement répugnant. Bourreaux et victime sont transformés en une épaisse masse cadavérique d'où s’échappent des litres de sang.
Le visage d'Ulrich Van Oaken arbore toujours ce sourire de psychopathe. Olga ne tardera pas à mourir de cette compression, dans une asphyxie et une douleur sans nom. Sa peau se grise lentement, transformant le visage de cette jeune fille de dix-sept ans en un masque pâle. Alors qu'elle est morte, il subsiste dans son regard une grande frayeur doublée d'une culpabilité incommensurable.
Ainsi prirent fin les vies d’Ulrich Van Oaken, d'Olga Volk et de nombreux innocents, dans ce que tout le monde connaît aujourd'hui comme la plus grosse catastrophe nucléaire à l'échelle mondiale. La catastrophe de Tchernobyl.
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