Chapitre 6 : Le Clan Ulfur
Le loup que vous avez sauvé regarde le sol. Vous le trouvez bien poli, lui qui a tenté de vous tuer... Il vous demande de le suivre, mais où ? Peut-être avez-vous souhaité lui venir en aide, mais vous ne lui faites pas confiance pour autant, c’est pourquoi vous reculez de quelques pas.
- Je veux pas vous faire de mal, ni à toi, ni à la lapine, j’ai juste besoin que vous veniez avec moi.
- P-Pourquoi… ?
- Je sais pas, quelqu’un veut te voir.
Connille s’avance sur votre tête et se baisse devant vos yeux.
- Dis… tu crois qu’on peut lui faire confiance ?
- Hmm… J-Je ne sais pas…
Vous balayez du regard votre semblable. Il est assis sur la neige, sa queue se balance lentement, et sa tête est baissée. Pendant votre silence, il ne fait rien d’autre qu’attendre une réponse en se léchant les pattes pour se nettoyer. Vous avez longtemps été seul, et de ce fait, vous aviez tout le loisir d’observer les autres de loin. Que ce soit un humain ou un animal, vous parvenez maintenant à analyser assez justement la communication non verbale d’un individu. En l’occurrence, ce loup ne vous veut vraiment aucun mal, son regard est perçant mais sincère. Vous décidez donc de bien vouloir lui laisser une chance.
- Bon, d-d’accord, je te suis…
- Quoi ?! Mais... proteste Connille.
Vous ne lui répondez pas et avancez derrière votre ancien ennemi qui s’est déjà mis en route.
Sur le chemin, vous reconnaissez le lac à côté duquel vous vous êtes éveillé sous cette forme. Cela vous fait songer à toutes ces questions sans réponse. Pourquoi avez-vous été réincarné ? Et surtout, pourquoi un loup ? Vous pensez brièvement à la possibilité que tous ceux qui meurent renaissent dans un autre corps. Mais alors pourquoi vous êtes vous transformé en loup adulte ? La logique voudrait plutôt que vous soyez devenu un nouveau-né. Mais la logique ne s’applique peut-être pas à votre cas… Plus vous y réfléchissez, plus les interrogations prolifèrent, si bien que vous oubliez tout ce qui vous entoure, plongé dans vos pensées. Vous en êtes cependant tiré par votre amie lapine.
- Hé ! Tu m’écoutes ?!
- Hein ? A-Ah Oui, d-désolé, j’étais en train de réfléchir… T-Tu disais quoi ?
- Je disais qu’on est arrivés !!
En effet, devant vous, le loup gris est assis et semblait attendre que vous reveniez à vous. Derrière lui se trouve une petite clairière entourée par de grand rochers pareils à d’énormes menhirs. Votre congénère vous fait un signe de la tête pour entrer, ce que vous faites sans rechigner. Vous avancez au centre et attendez de voir ce qui va se passer. Un promontoire vous fait face. Vous vous demandez ce que vous faites là, mais l’heure n’est pas aux questionnements, car quelque chose apparaît. Il s’agit d’un autre loup. Celui-ci est d’un pelage noir comme le charbon. Il vous observe du haut de son rocher et lève la tête, comme pour donner un signal. Aussitôt, une meute de loups encercle la zone. Ils sont de différentes couleurs : gris, noir, marron, blanc, mais aucun n’a un pelage aussi clair que le vôtre, et aussi sombre que celui qui semble être leur mâle dominant. Soudain, l’obscure bête se met à grogner, vous regardant toujours de ses yeux dédaigneux.
- Je suis Nero, il paraît que tu as sauvé l’un des miens ?
- Euh… O-Oui…
- Comment est-ce que tu as fait ?
- Hein ? E-Euh, j’ai utilisé des p-plantes…
- Bien…
Il s’arrête un moment, semblant réfléchir, avant de reprendre.
- Tu as l’air d’avoir des connaissances qui nous échappent, tu me ferais presque penser à ces satanés humains... Voilà ce que je te propose : rejoins le Clan Ulfur, soumets-toi à moi, et tu pourras vivre ici en toute impunité.
Les animaux, tout comme les humains, forment naturellement des groupes. Il y créent des hiérarchies sociales, et ceux qui ne deviennent pas les dominants, les alphas, portent un fardeau pour l’éternité : celui d’avoir échoué lamentablement. Dans ce monde, former un groupe, une meute, n’apporte aucun avantage à l’individu, seul l’intérêt collectif compte. Un individu en meute perd sa personnalité, son identité. C’est pourquoi vous choisissez le chemin du loup solitaire. Avoir Connille près de vous suffit amplement, vous n’avez guère besoin de vivre une nouvelle fois dans une société, vous qui avez tant voulu fuir ce système.
Vous redressez la tête et fixez Nero droit dans les yeux. Alors que vous vous apprêtez à donner votre réponse, il vous coupe, comme s’il avait compris le fond de votre pensée d’un simple regard.
- Je vois, tu ne veux pas te soumettre…
Le mâle alpha saute de son rocher pour atterrir à quelques pas de vous. Il avance lentement en vous fixant, ce qui vous force à vous mettre sur vos gardes : il cherche probablement à vous attaquer. Cependant, ce qui se produit dépasse vos attentes. La meute qui vous encercle s’approche à son tour pour venir se resserrer. C’est alors qu’il se mettent tous à tourner simultanément sur eux-mêmes avant de s’asseoir l’un après l’autre à une seconde d’intervalle, vous croiriez voir le défilé du 14 Juillet tant ils sont synchronisés. Ils se baissent alors d’un seul mouvement, collant leur tête contre le sol enneigé. Nero, quant à lui, lève le museau et ouvre la gueule. Il hurle alors de toutes ses forces, de ce cri si caractéristique des loups, ce hurlement majestieux que vous entendiez souvent dans les films et les séries. Une fois que l’écho de sa voix a fini de résonner, il baisse rapidement la tête de la même façon que ses semblables avant de finalement grogner quelques mots :
- Dans ce cas, j’aimerais te demander une faveur.
Surpris par ce que vous venez de vivre, vous comprenez que ces fiers animaux ne feraient pas tout cela s’il n’avaient pas un problème de taille. Vous décidez donc de les écouter.
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