Un soir de pluie
« Solange ? Elle est pas farouche penses-tu ! Surtout si tu l’héberges rien qu’un soir, c’est bien normal… »
Vanessa Paradis, Elisa, long métrage de Jean Becker
Ça faisait plus d’une heure que je végétais dans ce pub à regarder les trombes d’eau qui s’échouaient lamentablement contre la baie vitrée. Combien de bières pressions avais-je déjà ingurgitées ? Beaucoup trop sans doute… Je me faisais l’effet d’être un de ces piliers de comptoir qui finirait sa misérable nuit sur la banquette en moleskine. Qu’attendais-je au juste ? Un miracle peut-être, celui qui pourrait changer ma vie…
Et puis, tu entras dans cet univers de perdition. Tu n’étais pas seule. Un groupe aussi bruyant que goguenard t’accompagnait. Tu paraissais inaccessible au commun des mortels. D’ailleurs, tu l’étais. Ces bellâtres te tournoyaient autour tels des prédateurs ne songeant qu’à fondre sur toi, s’agglutinant en une nuée de prétendants. Ils voulaient te coucher dans leur lit, fantasmaient sur ton corps si sculptural. Pauvres imbéciles ! Moi, je savais qu’aucun d’entre eux n’aurait jamais tes faveurs. Tes courbes voluptueuses se reflétaient dans la clarté du houblon. Et comme eux, je n’avais d’yeux que pour elles… Mais que cachais-tu derrière cette suffisance, cette attitude aussi sensuelle qu’aguicheuse ? Que pouvait-on lire dans tes prunelles dorées ? Un voile de mélancolie dissimulé, enfoui au plus profond de toi sans doute. Celui que j’étais le seul à deviner. Les autres ne voyaient pas au-delà de ton apparence, de ta blondeur et de ton teint de porcelaine.
La nuit s’acheva, tu t’éclipsas avec elle. Ce sourire que tu m’adressas alors m’était-il réellement destiné ? Je ne le saurais jamais. Cette putain de foule t’emporta au loin sous cette pluie glaciale, et mon cœur se brisa comme du cristal. Mon premier chagrin d’amour…
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