Chapitre 10
Après avoir entreposé tout l’argent de notre troisième attaque, Alex et Lionel partirent dormir, car ils n’avaient pas assez dormi, - d’après eux, je n’en croyais pas un mot - puisqu’ils s’étaient levés tôt. Je restai donc avec Thibault et Clara pour discuter.
- Qu’est-ce qu’on va faire de tout cet argent ?
- Je ne sais pas, on accumule, répondis-je. Pour s’offrir une belle retraite.
- Tu sais que normalement, je pourrais bénéficier d’une aide à la retraite ? dit Thibault. Mais le gouvernement ne sait pas où je suis. Et ils sont autre chose à faire que de me retrouver pour dire que je suis trop vieux pour travailler.
- C’est sûr que nous faisons un beau métier, ironisai-je. Le plus beau métier du monde.
- En plus, je n’ai personne à qui léger tout cet argent.
- Ça vaut mieux, dis-je. Sinon, ils se demanderaient où tu as eu tout cet argent, et il y aurait eu des problèmes pour les droits de succession.
- As-tu de la famille encore vivante, Edward ? demanda Clara.
- Ma mère est morte lorsque j’avais dix ans. Mon père était très pris par son travail, donc il ne s’occupait pas de moi. Je ne sais même pas où il est maintenant. Je n’ai ni frère ni sœur, et je ne sais même pas si j’ai des cousins. Et toi ?
- Pareil. Je suis fille unique, et orpheline.
- Mes pauvres petits ! railla Thibault. On dirait que vous faites un moment dépression, alors qu’on a plein d’argent.
- À quel moment on a commencé à se confier sur nous ? demandai-je. Je ne sais plus comment on en est arrivé là.
- Ah ! Il y a quelqu’un, pour une fois.
Nous nous retournâmes pour découvrir Adam. Je m’exclamai :
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Bah, il est midi, alors je venais pour voir si l’opération a été une réussite, - ce dont je ne doute pas, bien sûr.
- Il est déjà midi ? Alors il faut mettre le journal de midi !
- A vrai dire, je suis un peu en avance, donc vous avez le temps, me rassura Adam.
- Clara, tu peux t’en charger ?
- C’est un peu mon boulot, dit Clara en haussant les épaules.
- Où est l’argent ? demanda Adam. Déjà dans la quatrième salle, je suppose.
- Tu veux le voir ? demandai-je.
- Non, je ne verrai pas la différence. Où sont les deux frères ?
- Ils sont allés se coucher, sous prétexte qu’ils étaient trop fatigués car on s’est levé tôt.
- Quels flemmards, ceux-là. Bon, vous me racontez ?
Le temps que nous rendions notre compte-rendu à Adam, Clara avait allumé la télévision et s’était connectée à une des chaînes.
- La vache, il était malin, ce type, murmura Adam lorsque j’eus fini de lui raconter ce qui s’était passé. Pour avoir conçu un plan pareil, rien que pour son argent.
- Tu as eu des informations en plus, ou tu viens nous voir pour le plaisir ? demandai-je à Adam.
- Pour voir le journal de midi avec vous, répondit Adam.
- Je vais réveiller les deux frères, dis-je alors que le journal commençait.
J’allai dans le dortoir, secouai Lionel et Alex pour qu’ils se réveillent en leur glissant un rapide :
- C’est le journal de midi, pour voir nos exploits !
Auquel on me répondit :
- Hmmm... Barre-toi !
Puis je rejoignis la salle principale. La voix du présentateur annonçait les titres :
- Tout d’abord, la découverte de deux corps dans une ville. Après les deux séries de vols qui ont secoué le pays en une semaine, voilà que deux crimes ont été commis. Tout de suite, un reportage d’André Smith.
- Aujourd’hui, à dix heures, le corps d’un conducteur de taxi est retrouvé dans son lit. Il a été assassiné d’une balle dans la tête. Cet homme de trente-deux ans, marié, était le chauffeur personnalisé de Lord Geoffrey. La police a été le prévenir à son travail, où ils ont appris que Monsieur de Fontecourt n’y était pas. Les policiers ont alors été voir à son domicile. N’obtenant pas de réponse, ils ont dû enfoncer la porte. Ils ont retrouvé Lord Geoffrey par terre, une balle dans le cœur. Cet homme veuf de soixante-cinq ans, avec deux enfants, était un loyal serviteur de notre beau pays. Dans la salle où il se trouvait, un coffre fort a été retrouvé vide. La police en a conclu qu’il s’agissait d’un double meurtre ayant pour but au début un vol organisé. Si nous ne connaissons pas encore l’identité des tueurs, la police s’y emploie fortement.
- Ils ne sont pas près de nous retrouver, ricanai-je.
- Maintenant, nous allons interviewer une ou deux personnes, reprit le journaliste. Bonjour monsieur, que pensez-vous de ces meurtres ?
Malgré la mauvaise image de la télévision, je reconnus l’homme que nous avions rencontré devant la maison de Lord Geoffrey, un ancien majordome de celui-ci. Il dit :
- Je trouve ça parfaitement regrettable. Voyez-vous, j’ai été à son service pendant un an et demi. Même s’il m’a renvoyé après, c’était comme même un bon gars.
- Pourquoi aviez-vous été renvoyé ?
L’homme hésita un instant. Il n’avait sans doute pas envie d’expliquer alors qu’il venait de complimenter son ex-patron. Il finit par dire :
- Je ne peux pas vous le dire.
- Avez-vous vu quelque chose ce matin, près de la maison du Lord ?
- Je suis veilleur de nuit. Je viens de finir mon service, donc non, je n’ai rien vu. Par contre, je crois savoir certaines choses...
On voyait bien qu’il faisait exprès de ne pas dire tout de suite les "certaines choses" qu’il savait. Il reprit :
- Malheureusement, je ne peux pas vous les dire, car c’est confidentiel. Je suis déjà allé rendre mon rapport à la police. Nous verrons bien si ça leur sera utile.
- Maintenant, un autre reportage sur les séries d’attaques qui ont secoué le pays. Sont-elles commis par la même personne ou le même groupe ?
- Le même groupe ! chantonnai-je.
- Ok, je dois inscrire quelque chose de nouveau sur la liste de choses à ne pas faire : Ne pas entendre Edward chanter alors que je viens de me réveiller.
Je me retournai et découvris Alex, appuyé contre la porte du dortoir, les yeux à demi-fermés pour se protéger de la lumière de la lampe. Je répliquai :
- Tu es juste jaloux de mes talents de chanteur ! Tu n’es pas assez réveillé pour apprécier ma musique. Je n’aurais pas dû te réveiller.
- Revenons à ce que je viens faire ici, dit Alex en titubant vers moi. Est-ce qu’on a parlé de moi ?
- Si ça avait été le cas, ça aurait été un problème, dit Adam.
- Tiens ? Tu es là toi ? Je ne t’avais pas vu.
- Taisez-vous ! dit Clara. On peut continuer d’écouter les informations ?
- ... on ne peut donc pas dire si ce sont les mêmes personnes, car lors des deuxième et troisième attaques, on n’a pas vu les agresseurs. Une preuve de la possibilité d’une relation entre les attaques a été rejetée. Celle-ci était la présence d’une forêt à chaque fois, mais...
- Mais la police l’a rejetée car les trois-quarts des villes au Royaume-Uni sont bordées de forêt, finis-je.
- Comment tu sais ce qu’il allait dire ? demanda Alex.
- C’était prévisible. Et j’ai appris des choses à l’école, en géographie, dont je me souviens encore.
- Incroyable.., ironisa Alex.
- Bon, tant que je suis là, c’est quoi le nouveau plan ? demanda Adam.
- Parce que tu penses que j’ai déjà un nouveau plan ?
- Bien sûr, tu en as même deux en avance ! dit Adam. Non ?
- Tu as à moitié faux. Oui, c’est vrai que j’ai déjà une autre idée de plan, mais seulement un à la fois.
- Tu nous déçois beaucoup, assura Lionel, qui était arrivé entre-temps. Claude, lui...
- Attendait un mois avant de faire une autre attaque, répliquai-je immédiatement. Donc je pense que trois attaques en deux semaines, c’est bien, non ?
- Hé, calme-toi ! dit Lionel. Je rigolais...
- Tu ne sais donc toujours pas faire la différence entre les blagues et les paroles pensées ? demanda Alex.
- Avec toi encore moins, dis-je. Et de toute façon non.
- C’est la base de toute relation amicale !
- On s’en tape ! cria soudain Adam. Revenons au sujet d’origine. Je trouve que vous divaguez un peu trop souvent.
- Calme-toi aussi, docteur ! ironisa Alex.
- Que diriez-vous d’une nouvelle cible, mais mouvante ?
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