CHAPITRE 2 partie 2 - Gary
L'entrée déverrouillée, je pénètre chez moi, fatigué de ma journée. Je manque de trébucher sur les chaussures de mes enfants. Mon pardessus pendu au portemanteau, je retire mes souliers pour passer des chaussons et j'en profite pour ordonner celles de ma progéniture. Harassé, je me dirige vers la salle de bain. En ouvrant la porte, je découvre un désordre sans nom. La tornade Samantha, quatorze ans a traversé le lieu. Désappointé, j'ouvre le robinet de la douche, referme différents produits de soins, étends les serviettes, replace les tapis et enfin, je me dévêts. Je me glisse sous une eau brûlante. Une nébulosité envahit progressivement la pièce. Insensiblement, mes muscles se décontractent un à un. Les yeux clos, je profite de ce moment de quiétude.
De longues minutes s'écoulent, je me décide à sortir et m'essuie vaguement. Alors que j'enfile un tee-shirt, mes cheveux perlent encore. J'accompagne mon haut d'un bas de survêtement qui a perdu sa teinte depuis belle lurette.
Dans la convivialité de ma cuisine, je consomme les restes que j'ai dénichés au fond du frigidaire. Repu, je comble le lave-vaisselle et lotionne le plan de travail. J'insiste ardemment sur la partie où Jack a pris son petit-déjeuner : un mélange de chocolat au lait et de confiture de fraises. Sans oublier les miettes qui jonchent le sol autour de son tabouret que je retire à l'aide d'une pelle et d'une balayette.
Un tant soit peu en ordre, je me prépare enfin une tisane au tilleul. Rituel que j'exécute tous les soirs depuis ma désunion avec mon ex-femme. Si je compte bien, le jugement a été prononcé il y a deux ans. Je ressasse un instant les années passées en compagnie de mon amour de jeunesse. Des années pénibles, constituées d'incessantes disputes. Notre séparation s'est faite tardivement, à cause des enfants. On voulait attendre, qu'ils aient un âge décisif pour la compréhension de la situation. Dans l'ensemble, on a bien piloté cette étape de notre vie.
Le sifflement strident de la théière m'extirpe de mes souvenirs. Avec précaution, je verse la décoction dans un mug et me retire dans le salon.
Installé dans un fauteuil, la tasse posée sur la table basse, je contemple le foyer que je viens d'attiser. Ma fascination pour cet élément redoutable a fait de moi un soldat expérimenté. La chaleur, la beauté des flammes, le son du crépitement, la couleur de la fumée, stimulent chez moi plusieurs sens à la fois. Mes combats, quelques fois laborieux, m'ont davantage éclairés. Prenons pour exemple, la nuance des flammes : les blanches s'avèrent être les plus caniculaires, ensuite les bleues et pour terminer les jaunes et les rouges. Ou encore, on constate souvent des fumées grises : notre interprétation est faussée par l'exposition à la lumière. Dans la réalité, elles se révèlent soit blanche ou soit noire. Il existe quantité d'autres choses à apprendre sur le feu et sur les manières de le braver. J'expose mes connaissances lors des formations que j'organise au parc : comme le fonctionnement d'un extincteur ou l'utilisation d'une lance à eau.
Je bois une gorgée de ma boisson. Le florilège de couleurs ballant m'hypnotise, mes paupières se guerroient contre l'assoupissement. Je me résous donc à aller me coucher.
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