Gary
Je pénètre dans le seul bâtiment ignifugé du parc : le Country Saloon. Il ne dispose pas de fenêtre, seulement d'éminentes ouvertures qui offrent de la lumière au lieu. Au plafond, des lustres imposants, fabriqués en matériaux recyclés, y sont suspendus.
Sur la droite, se situe le bar. Les différentes bouteilles sont rangées sur des étagères en bois. L'installation de roues de diligence sur le devant donne une note Far West. Les clients peuvent tranquillement déguster leurs boissons sur de hauts tabourets en forme de selle. Un anachronisme saute aux yeux, avec la présence d'un passe-plat.
Au-dessus de ma tête, trône un balcon avec tout l'équipement nécessaire de lumière et son, pour les représentations.
En face de moi, un décor fixe de théâtre agrémente la touche western de la vaste pièce. Cette partie est délimitée par un muret de pierres artificielles. Lors des spectacles, la façade du saloon accueille souvent des personnages ivres et des échauffourées, celle de la banque des braquages et celle de la prison des détentions et des évasions. Le sol est couvert de sable, de l'eau y est souvent projetée afin d'empêcher la poussière de se soulever lors du passage des chevaux.
Pour accueillir la clientèle, des tables et chaises en bois massif sombre ont été ajoutées dans l'intégralité de la pièce. Une lampe à pétrole orne chaque établi.
Au centre, un ensemble de polos rouges attire mon attention. Je me dirige vers le groupe, prêt à les former sur les extincteurs.
- Bonjour à tous, honoré-je en déposant une pochette fournie sur la table.
Le silence s'installe rapidement et mes stagiaires prennent gentiment place.
- Parfait, commençons. Selon vous, pourquoi cette formation ?
- Pour éviter de vous faire taper sur les doigts, intervient Alice avec un sourire espiègle.
Au contraire de certains de ses collègues, je me retiens de rire à cette remarque. Par ailleurs, après toutes ces années, je me suis habitué aux frasques de la jeune Alice Villechaise et à sa langue bien pendue. Je m'abstiens de rentrer dans son jeu et demande :
- D'autres idées, qui pourraient nous faire avancer ?
- De pouvoir réagir au mieux en cas de début d'incendie, répond judicieusement Hector, le plus ancien des opérateurs manèges.
- En effet, le but de cette formation est de développer votre réactivité et de vous apprendre à maîtriser un départ de feu. Avant de continuer sur les extincteurs, un petit rappel sur la conduite à tenir à cas d'alerte incendie. Quelqu'un peut me rappeler la phrase qui annonce l'alerte ?
- Geronimo voit rouge, répond Marie-Anne en levant le doigt comme une écolière.
- Exact. À cette annonce, vous devez couper vos manèges, faire descendre les clients et les inciter à suivre les personnes avec des gilets jaunes. Ils seront redirigés au point de rassemblement : le Country Saloon. Avant d'évacuer vérifier l'enceinte de vos manèges, fermer les portes des cabines et dirigez vous au point de rassemblement. Aucun retour en arrière. Des questions ?
- Ne doit-on pas couper le courant ? Interroge Marie-Anne.
- L'équipe technique est avertie avant l'annonce et normalement aura déjà commencé à couper les différents compteurs.
- Tu as dit aucun retour en arrière, mais si on remarque des clients qui ne suivent pas les indications, que doit-on faire ?
- Sophie, c'est une très bonne question. Il suffit de m'en informer par radio et on s'occupera de les ramener à la raison. D'autres interrogations ?
Je patiente un instant, puis poursuis.
- Dès que vous entendez l'annonce « Geronimo voit blanc », il n'y a plus de danger et vous pouvez rejoindre vos manèges et reprendre où vous en étiez. Question ? … Non, très bien continuons. Que savez-vous sur les extincteurs ?
- Qu'il y a plusieurs types, tente timidement Audrey.
- En effet, il existe quatre types : à poudre sèche, à mousse, à eau, et à CO2. Au parc, vous trouverez seulement les trois derniers, donc on ne s'occupera pas du premier. Un code couleur sur les poignées ou dessous l'extincteur permet une identification rapide. Savez-vous quel est ce code ?
- Bleu pour l'eau, jaune pour la poudre et rouge ou gris pour le CO2, énumère Alice le nez sur un cahier. Pour la mousse, la couleur est aussi le bleu, mais la forme de la poignée est différente de celle de l'eau.
- À ce que j'entends, tu as fait des recherches, la complimenté-je en ajoutant un sourire qu'elle me rend sans tarder. On reprend. Pour l'extincteur à eau, la couleur sera le bleu. On s'en sert sur les incendies de classe A. C'est-à-dire les incendies causés par des matériaux combustibles, notamment du papier, du tissu, du bois et d'autres solides inflammables.
- Gary, peux-tu ralentir s'il te plaît, interrompt Marie-Anne en écrivant.
- Bien sûr. Ensuite, vient l'extincteur à mousse, ça sera aussi bleu avec une poignée différente de l'eau. Je vous montrerai la différence plus tard, lors de la prise en main... Ils doivent être utilisés sur les incendies de classe A et B... La classe B, concerne les incendies causés par des liquides inflammables tels que la peinture, la térébenthine ou l'essence ect. Et pour finir, on a l'extincteur à CO2, le code couleur est soit rouge, soit gris... Les extincteurs à CO2 sont principalement utilisés pour les risques d’incendie d’origine électrique... Je sais, il y a beaucoup d'informations à retenir, et encore, j'ai résumé. Avez-vous des questions ?
Encore une fois, je relâche. J'en profite pour observer mon auditoire. Certains discutent entre eux, d'autres terminent de rédiger ou encore de relire leurs notes. Seul Alice sort du lot. Debout, un stylo dans la bouche, elle se recoiffe. Son haut se relève légèrement, dévoilant un ventre bronzé et plat. Nos regards se croisent. Immédiatement, je reviens sur mes documents. Je les parcours un instant.
- Toujours pas de questions ? Non, bien. Nous allons passer dehors, pour vous montrer comment utiliser un extincteur.
Sans perdre plus de temps, je gagne les trois extincteurs que j'ai placés pour la pratique. Les apprenants, forme un demi-cercle autour de moi. J'en saisis un et j’éclaircis les étapes tout en les exécutant. En un : retirer la goupille. En deux : percuter l'extincteur. En trois : faire un test sur le côté et enfin viser la base des flammes.
Chacun leur tour, les participants prennent en main l'objet et mettent plus ou moins de sérieux dans la manipulation. Je circule de groupe en groupe, explique les distances d'utilisation, deux mètres pour l'eau, deux à trois mètres pour la mousse et un mètre pour le CO2.
Afin d'avoir une vue d'ensemble, je m'éloigne de quelques pas. Sur les marches de la terrasse, Alice assise, se masse les tempes. Je m'installe auprès d'elle.
- Migraine.
- Oui, depuis onze heures ce matin. Je commence à fatiguer.
- Alice, pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Je savais que tu allais me renvoyer chez moi et je voulais participer à cette formation.
- Ok, maintenant, on va faire le tour du parc pour voir les emplacements de chaque extincteur. Toi, tu vas te reposer. Viens, je vais t'ouvrir le poste de secours, tu pourras dormir un peu.
- Merci, me dit-elle de sa douce voix.
- De rien.
Je me relève, lui tend la main, qu'elle ne barguigne pas à prendre. Je l'accompagne et l'aide à se coucher. Je rabats les volets puis regagne le lit. La tête sur l'oreiller, les yeux fermés, sa respiration est quiete. Je lui dépose un baiser sur le front et sors sans un bruit.
Note : voilà la seconde partie du chapitre 4. J'ai eu beaucoup de mal à l'écrire, car il y a un long dialogue et se n'est pas ma tasse de thé. J'ai du faire pas mal de recherches sur les extincteurs, je suis allée à l'essentiel, sinon la partie aurait été trop longue. Et même en résumant, j'ai l'impression que c'est long et barbant. N'hésitez pas à me le dire si c'est le cas.
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