Gary

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Je considère les quatre feuilles de planning des manèges qui sont sagement alignées sur mon bureau. Elles sont vierges de toutes écritures. Alice assise sur mon bureau, les jambes croisées. En quelques heures, le nombre d'absents chez les opérateurs a doublé. Je dois remanier l'attribution sur la semaine. Sa voix chantante, son regard pétillant. Entre ceux qui ne veulent pas tels manèges, ceux qui ne veulent pas œuvrer avec telles personnes, cela devient compliqué d'organiser quoi que ce soit. La douceur de ses lèvres sur les miennes. Je note des prénoms dans quelques cases, en raye certains et en repasse d'autres avec mon stylo. L'effluve de son parfum à la vanille qui me désinhibe. Je vérifie qui a été formé sur quoi, qui est présent tel jour, le matin ou l’après-midi. Sa maladresse, le rouge lui montant aux joues... Mon dieu qu'elle était belle !

Je n'ai pas cessé de penser à elle depuis l'événement de ce matin. Encore une fois, je ne me reconnais plus. Mais que m'arrive-t-il ? Il est clair que mes sentiments changent. Je ne peux pas, je ne dois pas les laisser me déstabiliser.

Je ballotte la tête pour chasser ses images impures. Un coup d’œil à l'horloge murale m'indique treize heures. Il est temps que je prenne ma pause déjeuner. Avant de quitter le bâtiment, je mets en ordre mes papiers, mon portable dans la poche arrière de mon pantalon et accroche ma radio à ma ceinture.


Des rayons de soleil parviennent à traverser les nimbus gris. Je m'achemine vers « chez Laurent » pour récupérer ma commande. La terrasse du restaurant apparaît sur ma droite, j'emprunte l'allée. Je vais pour entrer dans le lieu quand je l'aperçois, accoudée au comptoir, parlant avec le patron. Je ne peux m'empêcher de sourire et de l'admirer de la tête aux pieds en m'attardant sur certaines de ses courbes. Sa robe moulante noire de son costume de sorcière lui va parfaitement et ses bottines hautes accentuent le galbe de ses jambes.

— Gary...

Alice tourne la tête vers moi. Nos regards se croisent, mais elle ne le maintient pas.

— Gary, ça va ?

— Comment ? demandé-je en découvrant la personne qui m'extirpe de ma contemplation.

— Je te demandais comment tu allais, répète Babeth en souriant.

— Excuse-moi, j'ai eu une matinée compliquée.

— Ce n'est rien. Tu veux bien récupérer nos plats pendant que je cherche une table ?

— Si tu es d'accord, j'aimerai un endroit plus tranquille. J'ai besoin de calme. On pourrait retourner à ta boutique ?

— Très bonne idée. Je vais faire un peu de place. À tout de suite, termine-t-elle en déposant un chaste baiser.

Babeth hors de vue, je m'avance vers le comptoir et me pose aux côtés d'Alice. Bien qu'il n'y ait aucun contact entre nous, une décharge électrique parcours l'ensemble de mon corps, dressant les poils sur mes bras. Je me retiens de poser mes yeux sur elle. Je me contente de suivre les gestes de Laurent. Il m'adresse un signe de main pour me signaler qu'il s'occupe de moi. Je perçois un mouvement de la part de la jeune femme, positionnée sur le côté, et je comprends qu'elle souhaite prendre la parole. Je l'imite et la rassure d'un nouveau sourire.

— Je suis désolée pour ce matin, murmure-t-elle.

— Tout est oublié, assuré-je avec douceur.

Un serveur dépose une salade et une boisson gazeuse devant Alice. Elle lui donne l'appoint, puis remise le tout dans son sac.

— Je m'excuse, mais je ne regrette pas, me révèle-t-elle avant de s'éloigner.

Un « Eh merde ! » s'échappe malgré moi de ma bouche.

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