Gary (7)

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Samedi 28 octobre 2023

La nuit a été brève. Je n'ai pas cessé de penser aux paroles de Patrice, à Babeth et à Alice. Après quelques minutes à ressasser ma soirée, je m'extirpe de la voiture. En fermant la portière, j’entraperçois mon reflet dans la vitre. J'ai du mal à me reconnaître : des yeux cernés, la naissance d'une barbe et des cheveux en bataille. Je soupire et me hâte vers l'entrée des employés. Sur le chemin, je réfléchis à ce que je vais dire à Alice. Comment lui annoncer que j'ai besoin de temps, sans la peiner ? J'aurais dû réagir plus tôt ? Oui, je n'aurais jamais dû laisser les choses en arriver là. Et comment taire certains sentiments ? Bientôt cinquante ans et il me manque encore des réponses, de l'expérience. Rien n'est jamais acquis.


— Bonjour Gary.


Cette voix, douce, adorable, mélodieuse qui me trémule de plaisir. Je stoppe ma marche et lève la tête vers ce subtil son. J'évite soigneusement son regard, ce qui me permet de remarquer tout un tas d'objets sur la table à pique-nique. Alice les remet un à un dans son sac.

— Bonjour, comment vas-tu ? demandé-je la gorge sèche.

— J'ai un petit souci, révèle-t-elle en rougissant.

— Je vois ça. Explique-moi.

— Voilà, ma tenue pour aujourd'hui est dans le casier, mais j'ai oublié mon trousseau et dessus, il y a la clé du cadenas. J'ai essayé de trouver un membre de la technique, mais soit ils se cachent, soit ils m'évitent.

Ma réponse ne tarde pas. Je me contente juste de rire. Mon comportement l'exaspère, car elle souffle, croise les bras et tapote du pied dans une cadence hâtive. En dépit de son air sérieux, je ne peux m'empêcher de rire davantage. Comment fait-elle pour me faire perdre toute contenance ? Mais surtout faire en sorte que je sois moi-même ? Je chasse mes questionnements et j'avance vers elle avec en main mon trousseau de clés.

— J'espère que l'une d'elles fonctionnera.

L'un à côté de l'autre, nous nous dirigeons vers les vestiaires. Dois-je lui annoncer maintenant ou attendre la fin de la journée ? Sachant que demain c'est son jour de repos, je le lui formulerai ce soir. Oui, c'est préférable.


J'ouvre la porte puis la laisse passer. Face à son casier, j'expérimente les clés les une après les autres. La concentration est de mise. Si je perds de vue le cadenas, même quelques secondes, elle m'aura de nouveau ensorcelé.

— Je me suis dit que ce soir... qu'on pourrait aller prendre un verre, murmure-t-elle en s'appuyant sur le casier voisin.

Merde ! Ça ne m'arrange pas.

J'arrête mon geste, surpris par son audace, puis reprends mon labeur sans lui lancer un regard. Mes mains tremblent superficiellement et je m'égare dans ma logique. J'espère qu'Alice n'a pas remarqué mon trouble. Enfin, le cadenas cède.

— Qu'en penses-tu ? réitère-t-elle.

— Je ne pense pas que ça soit une très bonne idée, réponds-je avec aménité.

— Ce n'est pas grave, un autre jour...

— Alice... Nous deux... Ce n'est pas possible.


Quoi ? Mais qu'est-ce qui m'a pris de dire ça ? Je n'arrive même plus à raisonner et les battements de mon cœur s’accélèrent dangereusement.

— J'ai fait quelque chose de mal ? interroge-t-elle d'une voix enraillée.

— Bien sûr que non, tenté-je de la rassurer.

— Ça vous amuse de jouer avec mes sentiments, c'est ça ?


Mais de quoi parle-t-elle ? Je ne comprends plus rien. Je dois me reprendre et vite. Je progresse vers elle et me hasarde à prendre sa main. Alice s'écarte d'un pas.

— Je... S'il te plaît, laisse-moi t'expliquer, laisse-moi te... balbutié-je par mégarde.

— Non. Dans le passé, on m'a déjà fait souffrir de cette manière, je ne veux pas que ça recommence, explique-t-elle cette fois-ci en pleurant.


Je souhaite la prendre dans les bras pour la calmer toutefois, elle me repousse et sort. La porte claque violemment contre le mur et un vent froid pénètre dans la pièce.

— Putain, m'écrié-je en octroyant un coup de pied dans une case.

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