Extrait du journal d'Alice
Cher journal,
Gary m'a demandé du temps pour réfléchir. Comme tu peux t'en douter, j'ai mal pris ses paroles. J'ai gardé mes larmes toute la journée, maintenant que je suis seule, elles coulent à flots. Après, je ne suis pas idiote, je comprends sa réaction, elle est tout à fait logique. Je pense que j'ai réagi aussi violemment, car les souvenirs concernant Jérôme que j'avais réussi à enfouir au plus profond de mon cerveau sont revenus me hanter. J'ai résumé mon histoire avec Jérôme à Gary, il a été très compréhensif et à l'écoute... Mais il y a une chose que je n'ai pas pu dire, même pas à toi, mon confident. Un an et demi que ça s'est passé et c'est toujours oppressant pour moi, même si grâce à Gary, cette sensation est un peu moins présente. Il m'a donné le courage d'en parler et je vais commencer à te l'avouer à toi, cher journal.
Te rappelles-tu du jour où je t'ai parlé de ma première fois ? Oui, la fois qui a été plus que décevante. Tu t'en rappelles ? Ma première fois avec Jérôme, ma première fois tout court. Je l'attendais avec impatience, surtout avec lui. J'en avais rêvé des milliers de fois. Cette fois devenue un cauchemar qui manquait cruellement de délicatesse, de romantisme, qui a été sauvage, rapide et surtout douloureuse physiquement. Eh bien, tu peux ajouter l'aspect psychologique. Les jours sont passés, les nouvelles de Jérôme étaient inexistantes. Ignorance et évitement ont fait leur chemin. Je sais que tu t'en souviens, car je t'en ai parlé très souvent. Les semaines ont passé, mes règles ont tardé, je n'y ai pas prêté cas, car elles n'ont jamais été très régulières. J'ai eu de gros doutes quand la fatigue et les nausées se sont installées. Eh oui cher journal, tu as deviné ! J'étais enceinte. Tout un questionnement s'est bousculé dans ma tête. Encore à faire des études, sans boulot très fiable et surtout seule. Il était hors de question d'en parler à Jérôme et encore moins à mes proches. Je ne voulais pas les décevoir. La décision à prendre s'est imposée d'elle-même. Je ne pouvais pas le garder. Étant encore dans le délai, j'ai avorté sans en parler à personne.
Tu dois te demander pourquoi je te balance tout ça maintenant et qu'est-ce que ça a à voir avec Gary ? J'y viens. Mon rapprochement avec Gary a été une aubaine. Il m'a fait oublier certaines choses, je me suis sentie en sécurité et en confiance, notamment pour parler, pour m'ouvrir. À part toi, Gary est le seul à savoir pour Jérôme et moi. Et puis ce que je ressens pour lui, je l'ai jamais ressenti auparavant. Depuis que je le connais, il a toujours été doux avec moi, à l'écoute, remotivant. Il a toujours pris soin de moi. Au début, sur une promesse qu'il avait faite à mon père, mais depuis quelque temps, j'ai l'impression qu'il le fait pour moi et pour lui. Sa présence est vitale pour moi. Cette semaine va être longue, très longue. L'attente sera épouvantable, mais elle peut tout changer, donc je dois être patiente. J'espère, oui, j'espère au plus profond de moi qu'il fera le bon choix. Qu'il me choisira ! Sinon... Je te laisse ici sur cette interrogation et reviens vers toi dès que j'aurai une réponse.
Alors que je mets le point final à mes réflexions, une larme vient s'écraser sur la feuille. Je ferme mon ami, mon confident, et le cache dans le tiroir de mon bureau, que je verrouille à double tour. Je retourne me coucher. Allégée d'un poids, que j'ai gardé trop longtemps, le sommeil se fait sentir. Alors que mes paupières deviennent de plus en plus lourdes, mes lèvres s'étirent en un sourire de bien-être. Je m'endors sereine sur l'avenir.
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