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Je suis sortie de la voiture les larmes aux yeux. Je m'en voulais tellement de perdre ces instants avec lui, j'étais vraiment trop conne ! J'aurais pu être là depuis longtemps, j'aurais pu l'accueillir avec un bon petit café, un baiser tendre. J'aurais pu lui sauter dessus à son arrivée, le prendre dans mes bras. Nous aurions fait l'amour sur la table, sur le canapé, sur le sol, n'importe où en réalité, car nous étions ensemble, sans témoin, sans frein. Juste nous. Ce nous qui résume toute ma vie, ce nous qui me consume, ce nous qui me procure tant de joie et de peine, ce nous qui m'habite et me ronge, ce « nous » qui nous « dénormalise » aux yeux des autres, ce nous que je chéris.

Mais voilà, la vie et ses aléas !

Je suis rentrée tellement triste.

Quand j'ai ouvert la porte, il se tenait là, droit comme un « i », le visage impassible.

« Je suis vraiment désolée, je n'ai pas vu le temps passer, tu m'en veux pas trop ? »

Pas de réponse. Ce que je craignais.

« Mon amour ? »

Je m'approche doucement, comme une chatte, et lui caresse la joue.

« Pardon. Je sais que tu as fais ton possible pour te libérer. J'étais partie déposé Guizmo chez mes parents et ils m'ont encore pris la tête. Tu sais comme ils sont ! »

Les mots s'enchaînent, se bousculent, je lui raconte tout : notre prise de tête, mon envie de prendre l'air, le temps qui s'efface, mon retour à toute allure ; mais il ne dit rien, n'approuve pas de la tête, ne me touche pas et reste droit comme un piquet.

C'est mal parti, je sens l'orage gronder tout près.

J'ai raison.

« T'étais où ? »

Il n'a rien entendu. Il est perdu dans sa colère, dans le noir, dans la brume de sa peur.

« Tu ne m'as pas écouté. »

Je lui tiens tête, c'est pas le jour. Mes parents c'est déjà assez, ma course en ville avec des bottes à talons, c'est trop, alors une dispute pour pas grand-chose, non merci ! Je me sens déjà assez coupable toute seule sans qu'il ne s'y mette.

Il s'approche de moi. Enfin il bouge.

« Dis-moi ce que tu as fais ! Je suis là comme un con depuis des lustres ! Je fais chier toute l'équipe à me barrer avant pour profiter de ma petite femme qui n'est même pas là quand je reviens ! Putain, ça t'amuse ou quoi ? »

L'orage et là, il noircit sa vue, il encombre ses pensées.

« T'avais qu'à m'écouter ! »

Je le contourne et me dirige vers l'escalier, mais il attrape mon bras et me fait faire vole-face :

« Et tu vas où maintenant ? »

Ses yeux sont à présents des éclairs aveuglants, le tonnerre a envahi son âme entière.

Je voudrais l'apaiser, le rassurer, calmer l'orage, faire revenir le soleil et la chaleur. Mais je suis fatiguée, j'ai mal au pied, j'ai transpiré et je veux prendre une douche.

« Je monte me laver »

Évidemment je ne peux aller nul part, il me retient.

« Tu vas enlever son odeur ? »

Et voilà, ça le reprend.

« N'importe quoi ! T'as fumé ou quoi ? C'est ma propre odeur que je vais changer, j'ai couru comme une dingue dans la rue, habillée comme ça pour être avec toi le plus vite possible, mais ça, je viens de te le dire ! Alors oui, je suis désolée de ne pas avoir vu le temps filer, mais ce sont des choses qui arrivent ! Tu vas pas commencer à te faire des putain de films, okay ? C'est pour toi que je suis là. Uniquement pour toi. Toi, toi, toi, toujours toi, alors me fais pas chier ! »

Je me suis dégagée de son emprise, j'ai couru dans les marches, lui sur mes talons.

Je ne me laisse pas faire. Surtout quand ce n'est pas juste.

Il a attrapé ma cheville et je suis tombée la tête la première sur une marche. On a été surpris tout les deux. Il m'a lâché, et j'ai couru me réfugier dans la salle-de-bain.

« Tu m'as fait mal connard !

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