«Voici venu le jour de votre Héritage. Entrez. Installez-vous dans la Géode, Uhna Martin ».

La voix désincarnée se mue dans un silence tandis qu’à l’extrémité du pont se manifeste une architecture géodésique. Je suis la seule à la voir ; ainsi est-elle conçue. Au cours de notre vie, elle ne nous apparaît qu’une seule fois.

— Ça y est, elle est là ? me demande mon fils sur un ton soupçonneux. Comment est-elle ?

La structure est un polyèdre non régulier inscrit dans une sphère. Je sais qu’elle n’est pas réelle et cependant, on dirait qu’elle existe vraiment.

— C’est une merveille de technologie virtuelle ! On dirait une bille géante, noire et brillante.

Mon fils m’adresse un sourire tendre. Il sait que j’ai pris ma décision. L’heure est venue pour moi de souffler ma flamme, de rejoindre mes ancêtres.

— Prends ton temps. Je t’attendrai au Symposium.

Il m’étreint l’épaule et tourne les talons. Mon fils se dématérialise sous mes yeux et me laisse seule. Je commande par télépathie à mon siège roulant robotisé de m’emmener au seuil de la géode. La construction délimite une entrée virtuelle dans laquelle je m’engage.

Je fais un état rapide des lieux : intérieur gris, concave sans mobilier apparent. Au centre, une entité virtuelle, silhouette diaphane humanoïde nommée Le Récepteur, patiente. D’un geste fluide, il m’indique une position. : je m’y place tandis qu’un siège holographique apparaît derrière lui. Il s’y installe et me décline avec précision mon identité, mon ascendance et les grandes lignes de ma longue existence. Je suis née il y a si longtemps … Vient ensuite la question essentielle qui définit ma présence en ce lieu.

— Y a-t-il un souvenir que vous souhaitez léguer, Uhna Martin ?

Je rassemble mes pensées ; ces précieux vestiges qui ne leur appartiennent pas et font de moi un être unique. J’ai déjà choisi l’Héritage que je souhaite abandonner à la Postérité. J’acquiesce.

Le Récepteur appose ses paumes de chaque côté de mes tempes créant un flux d’énergie entre nous. Mon souvenir se manifeste avec panache ! A la surface de la conscience, mon âme bascule dans cette pensée. Le temps du legs, je vais revivre cette aventure pour la seconde fois.

A très bientôt, Grand Pa’.