Chapitre 1 - Une journée comme les autres
Sous-chapitre 2 : La Plaine des Échos
Clara ouvrit lentement les yeux, ses paupières lourdes comme si un poids invisible l’empêchait de se réveiller complètement. La lumière aveuglante qui l’avait enveloppée avait disparu, remplacée par une clarté douce et diffuse. Elle était allongée sur le sol, une étendue d’herbe étrangement dorée qui semblait scintiller sous les rayons d’un soleil qu’elle ne reconnaissait pas.
Elle se redressa avec difficulté, un frisson parcourant son corps. L’air était frais, mais pas désagréable. Cependant, il y avait quelque chose d’inconnu dans cette fraîcheur, une pureté presque artificielle qui contrastait avec l’air pollué de la ville qu’elle connaissait. Autour d’elle s’étendait une vaste plaine bordée par des collines ondulantes et, au loin, des montagnes aux cimes enneigées. L’horizon semblait s’étirer à l’infini, comme un tableau peint par une main divine.
Clara frotta ses yeux, persuadée qu’elle rêvait encore.
« Qu’est-ce que… ? » murmura-t-elle en balayant du regard ce paysage irréel.
Elle porta la main à sa poitrine, sentant les battements frénétiques de son cœur. Tout était trop tangible : l’odeur légèrement sucrée de l’herbe, la chaleur des rayons du soleil sur sa peau, le bruissement du vent qui caressait doucement son visage.
« C’est… C’est impossible… »
Elle tenta de se souvenir des derniers instants dans sa chambre. Le jeu. La lumière. Cette sensation de vertige. Et maintenant, elle se retrouvait ici, dans un endroit qui semblait tout droit sorti d’un conte fantastique.
Alors qu’elle se levait, elle sentit un poids inhabituel sur ses épaules. Elle baissa les yeux et découvrit qu’elle portait une tenue qu’elle ne reconnaissait pas : une tunique simple en cuir brun, des brassards légèrement usés et des bottes robustes. Une ceinture ornée d’un fourreau pendait à ses hanches, et en tâtonnant, elle sentit la garde d’une épée.
Son souffle se coupa.
« Ce n’est pas… »
Elle tira doucement l’épée de son fourreau. La lame, bien qu’assez basique, scintillait sous la lumière du soleil. Une arme. Une vraie arme. Elle n’en avait jamais tenu, sauf dans Knight’s Trial, bien sûr. Mais là, elle pouvait sentir le poids du métal dans sa main, la fraîcheur de la poignée sous ses doigts.
« Je suis dans le jeu… » chuchota-t-elle, une pointe de panique montant dans sa voix.
Elle recula d’un pas, ses pieds s’enfonçant légèrement dans l’herbe moelleuse. Comment cela pouvait-il être réel ? Était-elle morte ? Était-ce une hallucination ? Un rêve particulièrement réaliste ? Son esprit s’emballait, cherchant une explication rationnelle.
Soudain, un bruit sourd interrompit ses pensées. Un grondement lointain, comme celui d’un tambour de guerre, résonna dans la plaine. Clara se retourna brusquement, scrutant l’horizon. Une silhouette massive se découpait à contre-jour, avançant lentement mais sûrement dans sa direction.
Ses mains tremblèrent lorsqu’elle réalisa ce qu’elle voyait.
Un troll.
Il faisait facilement trois fois sa taille, sa peau grisâtre couverte de cicatrices et de tatouages primitifs. Ses pas lourds secouaient le sol à chaque avancée, et dans sa main droite, il tenait une immense massue ornée de pointes rouillées. Ses yeux jaunes brillaient d’une lueur féroce, et une sorte de bave s’échappait de ses lèvres entrouvertes.
Clara sentit son corps se figer. Ce n’était pas comme dans le jeu. Dans le jeu, les trolls étaient des obstacles, certes imposants, mais ils n’étaient qu’un amoncellement de pixels. Celui-ci était bien réel. Elle pouvait sentir la vibration de ses pas dans le sol, entendre son souffle guttural, presque sentir son odeur fétide portée par le vent.
« Non, non, non… » murmura-t-elle en reculant, son épée tremblant dans sa main.
Le troll poussa un rugissement terrifiant, dévoilant une rangée de dents tordues. Clara trébucha et tomba à genoux, son esprit paralysé par la peur. Elle voulait fuir, mais ses jambes refusaient de bouger. Elle voulait crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge.
C’est alors qu’une voix grave et assurée résonna derrière elle.
« Ne reste pas là comme une proie facile. Relève-toi. »
Clara tourna la tête et aperçut un homme imposant à quelques mètres d’elle. Il portait une armure usée mais solide, et une hache massive reposait sur son épaule. Ses cheveux noirs étaient tirés en arrière, et une barbe bien taillée encadrait un visage marqué par les batailles.
« Si tu veux survivre, utilise cette épée. »
Clara ouvrit la bouche pour répondre, mais l’homme ne lui laissa pas le temps.
« Maintenant ! » cria-t-il en chargeant le troll.
La scène semblait irréelle. L’homme, bien qu’expérimenté, semblait minuscule face au colosse. Mais il se battait avec une habileté impressionnante, esquivant les coups brutaux du troll et portant des attaques précises à ses jambes.
Clara regarda son épée, ses doigts crispés sur la poignée. Sa respiration était erratique, ses pensées chaotiques. Elle savait qu’elle devait faire quelque chose. Elle ne pouvait pas rester là à attendre que cet inconnu se sacrifie pour elle.
Inspirant profondément, elle se releva sur des jambes tremblantes. Ses mains étaient moites, et l’épée lui semblait incroyablement lourde. Pourtant, elle avança. Un pas, puis un autre, jusqu’à se trouver derrière le troll.
L’homme croisa son regard et lui hurla :
« Ses genoux ! Vise ses genoux ! »
Rassemblant tout son courage, Clara serra les dents et bondit en avant. Elle visa maladroitement l’arrière du genou droit du troll et planta sa lame avec toute la force qu’elle pouvait rassembler. La créature rugit de douleur, vacillant sous l’impact.
L’homme profita de l’ouverture pour lui porter un coup fatal à la gorge. Le troll tituba avant de s’effondrer lourdement, soulevant un nuage de poussière.
Clara recula, essoufflée, son cœur battant à tout rompre. Elle regarda ses mains, encore tremblantes, tachées du sang noirâtre de la créature.
L’homme s’approcha d’elle, un sourire légèrement moqueur sur les lèvres.
« Pas mal pour une débutante. Mais tu as encore beaucoup à apprendre. »
Clara leva les yeux vers lui, ses pensées un tourbillon. Ce monde était bien réel, et elle n’avait aucun moyen de s’en échapper.
« Où suis-je ? » murmura-t-elle.
L’homme planta sa hache dans le sol et répondit simplement :
« Bienvenue à Eryndor. »
Annotations
Versions