Chapitre 1 - Une journée comme les autres
Sous-chapitre 6 : Les ombres de Gorenth
Le crépuscule teinta le ciel d’un violet profond, les premières étoiles perçant à travers le voile du soir. Clara marchait aux côtés de Roderic, les jambes lourdes après une journée éprouvante. Chaque pas sur le sentier rocailleux la rapprochait de Gorenth, cette ville fortifiée que Roderic décrivait comme un carrefour vital d’Eryndor. Mais à mesure qu’ils approchaient, une appréhension grandissait en elle.
— On sera bientôt là ? demanda-t-elle, essoufflée.
Roderic, qui avançait avec la même assurance que depuis leur départ, jeta un regard vers l’horizon. Une silhouette massive émergeait dans la pénombre : des murailles imposantes surplombées de tours qui semblaient caresser les nuages.
— C’est là, dit-il simplement.
Clara s’arrêta un instant, observant la cité. Malgré la fatigue, un frisson d’excitation la parcourut. Gorenth n’était pas qu’une destination ; c’était la promesse de réponses, de nouvelles rencontres, et peut-être même d’un refuge dans ce monde brutal.
Ils reprirent leur marche, gravissant une colline qui offrait une vue plongeante sur la ville. Les murailles, noires comme l’obsidienne, reflétaient la lueur des torches qui éclairaient l’entrée principale. Des gardes en armure patrouillaient le long des remparts, leurs silhouettes projetant des ombres dansantes.
— Gorenth est différente des autres villes, expliqua Roderic. Elle est dirigée par le Conseil des Veilleurs, un groupe de sages qui surveillent les épreuves et les aventuriers. Si tu veux comprendre pourquoi tu es ici, c’est là que tu dois aller.
Clara fronça les sourcils.
— Le Conseil des Veilleurs ? Ce sont eux qui gèrent ce… ce monde ?
— En partie, répondit Roderic. Leur rôle est d’observer et d’assurer que les règles soient respectées. Mais ne t’attends pas à de la sympathie ou de l’aide gratuite. Ils ne se mêlent que rarement des affaires des aventuriers.
Ils atteignirent enfin les grandes portes de la ville. Deux gardes les arrêtèrent, croisant leurs hallebardes devant eux.
— Identifiez-vous, ordonna l’un d’eux d’une voix ferme.
Roderic leva la main, un sourire calme sur le visage.
— Roderic, ancien forgeron de l’Est. Je viens chercher refuge pour la nuit, avec une nouvelle aventurière.
Le garde posa un regard perçant sur Clara, qui sentit son cœur s’accélérer. Elle serra la poignée de son épée, mal à l’aise sous son regard scrutateur.
— Une nouvelle aventurière, hein ? dit-il avec un sourire moqueur. Elle a l’air un peu frêle pour survivre ici.
Clara sentit le rouge lui monter aux joues, mais elle resta silencieuse, incertaine de ce qu’il était prudent de répondre.
— Elle a déjà prouvé qu’elle savait se défendre, intervint Roderic, son ton glacial. Maintenant, laissez-nous passer.
Le garde haussa les épaules avant de se reculer. Les portes s’ouvrirent lentement dans un grincement sourd, dévoilant l’intérieur de la cité.
Dès qu’ils franchirent le seuil, Clara fut frappée par l’atmosphère de Gorenth. Les rues étaient étroites mais animées, éclairées par des lanternes suspendues entre les bâtiments de pierre sombre. Des étals bordaient les ruelles, proposant des armes, des potions et des objets qu’elle ne reconnaissait pas. Les voix des marchands et des clients se mêlaient dans un brouhaha constant, créant une symphonie chaotique mais étrangement vivante.
— Bienvenue à Gorenth, dit Roderic en balayant la rue du regard. C’est ici que commence vraiment ton aventure.
Clara regarda autour d’elle, émerveillée et légèrement intimidée. Chaque visage qu’elle croisait semblait marqué par l’expérience : des aventuriers portant des cicatrices, des artisans concentrés sur leurs travaux, des mages murmurant des incantations en manipulant des cristaux lumineux. Elle avait l’impression d’être une intruse dans un monde auquel elle n’appartenait pas encore.
— Où allons-nous ? demanda-t-elle en essayant de ne pas trop s’attarder sur les regards curieux qu’elle recevait.
— À l’auberge de l’Épée Noire, répondit Roderic. On y trouvera un toit pour la nuit, et peut-être des informations utiles.
Ils se frayèrent un chemin à travers la foule, atteignant finalement un bâtiment massif dont l’enseigne en bois représentait une épée gravée. À l’intérieur, l’ambiance était tout aussi bruyante, mais d’une manière différente. Des aventuriers riaient bruyamment autour de grandes tables, des barmans s’affairaient à servir des chopes débordantes de mousse, et un feu crépitait dans une cheminée imposante.
Roderic s’approcha du comptoir et échangea quelques pièces avec l’aubergiste, un homme trapu au visage jovial. Il revint vers Clara avec une clé en main.
— Chambre à l’étage, dit-il en lui tendant la clé. Tu auras besoin de repos.
Clara hocha la tête, reconnaissante. Mais alors qu’elle s’apprêtait à monter les escaliers, une voix l’interrompit.
— Hé, toi, la petite avec l’épée !
Elle se retourna, tombant nez à nez avec un homme à l’allure imposante, une cicatrice traversant son visage. Il tenait une chope dans une main, mais son regard était alerte et perçant.
— Toi, une aventurière ? lança-t-il avec un rictus moqueur. Tu ne tiendrais pas une seconde dans une vraie bataille.
Clara sentit une pointe de colère monter en elle, mais elle se força à rester calme.
— Peut-être, répondit-elle simplement. Mais je suis encore là, et je ne compte pas partir de sitôt.
L’homme éclata de rire, attirant l’attention des autres clients.
— J’aime ta bravoure, petite ! On verra combien de temps elle durera.
Roderic posa une main ferme sur l’épaule de Clara.
— Ignore-les, murmura-t-il. Ce genre de bravades ne mène à rien.
Elle hocha la tête, mais au fond d’elle, elle sentait une détermination croître. Elle ne voulait pas être vue comme une débutante ou une faible. Elle voulait prouver qu’elle méritait sa place ici, dans ce monde où chaque jour semblait être une bataille.
Clara monta à l’étage, sa clé serrée dans sa main. La chambre était modeste mais propre, avec un lit simple, une table en bois et une petite fenêtre donnant sur la rue. Elle posa son épée contre le mur et s’assit sur le lit, son esprit s’emballant.
Le poids des événements de la journée s’abattit sur elle. Elle avait quitté tout ce qu’elle connaissait, affronté un troll, combattu des pillards, et maintenant, elle se trouvait dans une ville inconnue, entourée d’étrangers.
Mais malgré tout cela, elle ne se sentait pas abattue. Au contraire, une flamme brûlait en elle. Elle était encore là. Elle avait survécu. Et elle était prête à continuer.
Elle se laissa tomber sur le lit, fixant le plafond en bois. La voix de Roderic résonna dans sa tête : « C’est ici que commence vraiment ton aventure. »
Clara ferma les yeux, un mince sourire aux lèvres. Oui, elle était prête.
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