CHAPITRE 7

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CHAPITRE 7

Mais alors que Blanche-Prudence récupérait son petit ballot de lin, puis rejoignait la cuisine à la hâte, Berthe-Conteuse qui avait eu vent des allées-venues de la jeune paysanne dans les appartements du Prince, se fit annoncer à sa porte. Sans envie véritable, Philibert-Armand accepta de la voir. La coiffure haute et habilement tressée, la taille fine et cintrée dans une robe brodée couleur de nuit, sans conteste Berthe-Conteuse était somptueuse. Et bien qu'il n'ait aucune attirance pour elle, Philibert-Armand reconnaissait néanmoins qu'elle était fort belle. Berthe-Conteuse se courba devant lui et tendit sa main pour qu'il la baise. Ce qu'il fit. Mais à peine, Philibert-Armand avait-il posé ses lèvres sur la peau de la Princesse — au demeurant douce comme de la soie — que son nez se boucha, ses doigts se mirent à gonfler et sa respiration à siffler. Prestement, il tira un mouchoir du revers de sa veste et in-extremis, il y enferma un éternuement retentissant.

Pauvre Prince. Lui qui se sentait mieux, voilà qu'il reniflait de nouveau, avait la gorge en feu, se couvrait de plaque et enflait comme une baudruche. Berthe-Conteuse profita de cette réaction incendiaire pour faire montre de charité et de grande compassion.

— Pauvre Philibert-Armand, déplora-t-elle. Vous voilà bien affligé... bien mal en point. On vous laisse souffrir ainsi depuis si longtemps, mais dorénavant je suis là. Dorénavant, je vais m'occuper de vous et vous soulager de tous vos maux. Ce n'est pas pour rien si je suis Princesse du Pays de Maux. J'ai des aptitudes pour assister les souffrants, et puis je suis une femme vigoureuse. Soyez rassuré. En tant qu'épouse, je prendrai grand soin de vous.

Berthe-Conteuse s'approcha du jeune homme pour le prendre dans ses bras, mais il se recula brusquement et éternua une nouvelle fois.

— Éloignez-vous je vous prie. Il me semble que votre proximité réactive mes allergies.

— Mais comment donc ? Mais non, voyons. Cela est certainement dû à l'émotion. L’émotion de me voir et la proximité du mariage.

— Je vous assure que non.

— Mais si allons. Vous verrez, lorsque nous serons mari et femme, tout s’arrangera. Ma présence vous sera bénéfique et très utile. De toute façon, dans votre état et vos parents vieillissants, vous ne pouvez rester seul sans une épouse à vos côtés.

— Voudriez-vous me laisser, j'attends quelqu'un. J’ai grandement besoin de me détendre et de respirer un peu avant son arrivée.

— Désirez-vous quelque-chose ? Demandez-moi et je le ferai.

— Laissez-moi je vous prie ! s'énerva le Prince.

Vexée d'être éconduite, Berthe-Conteuse se retira en maugréant et croisa Blanche-Prudence qui revenait des cuisines avec son récipient de terre. La paume de main à plat sur son pot pour éviter les gouttes sur le sol, la jeune fille salua respectueusement la Princesse qui lui renvoya un regard méprisant.

Blanche-Prudence rejoignit le Prince qui ne cessait plus de renifler, d'expectorer et de s'égratigner la peau.

— Mais que se passe-t-il ? s'affola-t-elle. Je ne comprends pas, vous alliez si bien il y a quelques minutes à peine.

— Je ne comprends pas non plus. Auriez-vous quelque chose pour me soulager ? C'est intenable.

— Le miel que je vous ai donné, allez vite le chercher.

Aussitôt, Philibert-Armand fonça chercher le petit pot en terre. Blanche-Prudence y enfonça quatre doigts et en retira une couche épaisse qu'elle appliqua sur la peau enflammée du pauvre Prince. L'effet fut presque immédiat. Le feu sur ses joues et son cou diminua largement, et ses mains désenflèrent de moitié. Bien qu'encore dans un drôle d'état, le jeune homme soupira et se laissa tomber dans un fauteuil.

— Une nouvelle fois, vous me sauvez.

Le visage de Blanche-Prudence avait pris des couleurs. Elle retenait difficilement son envie de rire face au Prince badigeonné de miel de fleurs. Bientôt, n'y tenant plus, elle laissa échapper un gloussement.

— J'ai l'air idiot, n'est-ce pas ? s'affligea Philibert-Armand. Me voilà bien ridicule...

— Eh bien... sans vouloir vous manquer de respect votre Altesse, j'avoue que fardé de la sorte, vous êtes...

— Je suis ?

— Vous êtes...

La jeune fille éclata de rire et le Prince en fit de même. S'amusant de la situation, tous les deux plaisantèrent un long moment avant que Blanche-Prudence ne reprenne son sérieux et informe :

— Voici, dans ce récipient j'ai versé trente millilitres de lait et rajouté trois gousses d'ail finement écrasées. Cette solution est idéale pour désencombrer vos voies respiratoires.

— Bien. Et à quel moment devrais-je le boire ?

— Votre Altesse, l'ail je vous engage à le consommer de préférence au coucher. Votre haleine ne vous en sera que plus reconnaissante. De plus, le lait vous permettra un meilleur endormissement.

— Oui, l'ail... bien évidemment, sourit le Prince. Du moins, tant que je n'ai pas encore d'épouse à mes côtés pour en sentir les conséquences.

— Oui, confirma Blanche-Prudence avant d'éclater de rire une fois encore.

Hilare lui aussi, le Prince ajouta :

— Pauvre Berthe-Conteuse. Elle ne sait pas ce qui l'attend avec un individu tel que moi. Il lui faudra me supporter avec ce genre de cataplasmes sur la figure et des odeurs buccales peu séduisantes.

— Bien, je vais vous laissez vous reposer votre Altesse. N'hésitez pas à vous enduire de miel si les démangeaisons vous reprennent.

— Mais si j'utilise le miel pour ma peau, je n'en aurai plus suffisamment pour ces inhalations bienfaisantes ?

— Pas d'inquiétude. Pour déboucher vos cavités nasales, rien de plus simple. Faites couler de l’eau chaude un long moment dans une pièce fermée, puis respirez à pleins poumons la vapeur produite jusqu’à effet.

— Merci pour le conseil, je le ferai.

— Parfait.

— Demain, dès le matin, il me serait agréable d'avoir votre visite. Ainsi, vous constaterez l'efficacité de vos traitements sur moi.

— Entendu, à demain matin. Que Dieu vous bénisse votre Altesse !

— Et qu'il fasse prospérer vos talents !

Au menu des réjouissances du troisième jour, l'imaginative Berthe-Conteuse proposa une grande ballade en calèche dans les alentours du château, puis un colin-maillard et un cache-cache masqué dans le parc. Le programme fut apprécié de tous. Blanche-Prudence gorgea ses yeux des paysages verdoyants et de la bucolique campagne, puis adora courir pied nus dans l'herbe entretenue, son doux visage sous un loup de carnaval.

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