CHAPITRE 18
CHAPITRE 18
Dans la réserve où l'arachnide pourchassait des insectes volants, grimpants et rampants, ils entendirent des sons semblables à un grattement. Le Prince comprit que le monstre essayait d'ouvrir la porte avec ses pattes démesurées. D’un geste directif de la main, le Prince provoqua le repli général de la petite troupe. En deux temps trois mouvements, Anophèle traîna la Reine derrière les gros tonneaux où elle reprit ses esprits. Le Roi fila s'abriter sous les cuves d'eau-de-vie et le Prince se moula à un lot de sacs ventrus. Dès sa sortie du garde-manger, la bête reprit forme humaine et simultanément, la Reine poussa un soupir puis retomba dans les pommes.
Berthe-Conteuse entendit le gémissement de la Reine. Elle se baissa pour prendre un lumignon brûlant à ses pieds, et se redressa en promenant la petite flamme en direction des gros tonneaux. Craignant un cri de la Reine, Anophèle plaqua une main sur la bouche de l'inconsciente et tira son couteau de sa lanière de cuir en priant que la femme araignée confonde le soupir d'évanouissement avec le couinement d'un rongeur.
Anophèle fut exaucé. Berthe-Conteuse se détourna. D’un rapide balayage du pied, elle étouffa chaque flamme disposée sur son passage puis remonta l'escalier, son lumignon tenu droit devant.
Le monstre éloigné, le marmiton honora la Reine de quelques claques de réanimation.
— Que s'est-il passé ? marmonna-t-elle en ouvrant des paupières alourdies.
— Tout va bien, la rassura Anophèle. Le monstre n'est plus ici.
— Ah... oui... le monstre... Bien sûr...
— Relevez-vous madame, il nous faut remonter sans attendre.
Évoluant dans un noir d'encre, dépourvus de lumières et naviguant entre les sacs, les tonneaux et les jarres, tous sortirent de leurs cachettes et se groupèrent au bas de l'escalier
— Diantre, ce que j'ai vu est la chose la plus horrible qui soit ! s'écria le Roi.
— Si fait, approuva le Prince. Comprenez-vous maintenant la raison de ce rendez-vous nocturne ?
— Ah ça oui alors ! dit le Roi.
— Partons d’ici ! exigea la Reine au bord de l’hystérie et tremblant comme une feuille. Il faut que je m’allonge et que je prenne mes sels, je suis à deux doigts de défaillir !
Devant un tel ultimatum, Anophèle prit le taureau par les cornes.
— Nous allons devoir rejoindre le rez-de-chaussée sans aucun éclairage, alors accrochez-vous les uns derrière les autres pour ne pas rater les marches et suivez-moi !
Pareils à des wagonnets reliés à une locomotive, le cortège gravit l'escalier, Anophèle s'assurant à chaque montée que personne n'avait de difficultés et que la Reine ne flanchait pas. Les quatre arrivèrent sans encombre aux cuisines. Le jeune apprenti qui connaissait par-cœur la salle de préparation récupéra trois bougies dans un tiroir qu'il alluma. Il donna la première au Roi et à la Reine, la deuxième au Prince et se garda la troisième.
— Anophèle, pour ce soir nos chemins se séparent ici... murmura le Prince. Merci pour ton aide, pour ton courage et ta débrouillardise. Sans toi, cette mission aurait probablement échouée et, peut-être, aurions-nous péri entre les pattes de ce monstre...
— Quelle horreur ! s'effraya la Reine. Je n'ose pas penser à ce qu'il serait advenu.
— Nous sommes vivants ! Dieu soit loué ! s'exclama le Roi d'une voix forte mais contenue. Nous allons maintenant réfléchir au sort de cette... de ce... de cette bestiole.
— Oh oui, faites donc cela... approuva la Reine qui tournait de l'œil tandis qu'Anophèle la soutenait et lui administrait quelques soufflets. Je ne pourrais supporter que cette... cette chose rôde dans le château, une nuit de plus ! Par pitié, qu'on nous en débarrasse ! Et au plus vite !
— Ce sera fait mère. Pas d'inquiétude. Allez donc vous étendre car vous en avez grand besoin. Pendant ce temps, Père et moi discuterons de la meilleure façon d'anéantir ce monstre et de l'empêcher de nuire à tout jamais.
— Parfait. Bonne nuit à tous, dit la Reine en proposant son bras à Anophèle. Jeune homme, voudriez-vous ?
Sans un mot, le garçon noua son bras à celui de la reine. Il l'escorta jusqu'à ses appartements, cependant que le Roi et son fils allèrent tenir conseil.
En parallèle, les gardes missionnés pour retrouver l'herboriste, scellèrent leurs chevaux, et s’élancèrent sous une nuit chaude et étoilée. Sans s’octroyer de pause, ils sollicitèrent leurs montures pour galoper à vive allure.
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