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Chris ouvrit les yeux; c'était le matin. Elle regarda le réveil. Il affichait cinq heures trente. Elle était enroulée dans une couverture à un bout du sofa, tandis que Katheryn dormait profondément à l'autre bout. Elle repoussa la couverture et se mit debout. Elle contourna le lit, se dirigea vers la fenêtre dont le store était baissé et écarta de l'index deux lames pour regarder à l'extérieur. Aussitôt qu'elle eut placé son œil face à la petite ouverture, le soleil l'inonda et sa pupille se recroquevilla dans son iris. Elle tourna alors la tête en direction du sofa et sourit : Katheryn était étalé, la tête enfoncée dans le matelas, un bras et une jambe pendant dans le vide. Chris s'avança vers lui à pas de loup et soudain lui bondit dessus. Katheryn ouvrit les yeux et hurla, dans un sursaut qui le propulsa hors du lit. Chris se tordait de rire sur la couverture, tant qu'elle avait du mal à reprendre son souffle. Katheryn se releva en grognant. Elle s'esclaffa de plus belle :
- On dirait un ours !
Il secoua la tête :
- Es-tu toujours aussi matinale ?
- Ça se pourrait.
- Toujours aussi chiante ?
- Je le crains.
- Mon Dieu, je suis gâté !
Katheryn se dirigea vers les placards de la cuisine et en sortit un bol dans lequel il versa du jus d'orange et des céréales. Chris était septique quant au goût de ce mélange et préféra ne pas tenter l'expérience. Elle se prépara un thé à la menthe et ils s'installèrent pour déjeuner sur ce qui faisait office à la fois de lit, de sofa et manifestement de table à manger.
Quand leurs bols furent vides, Chris demanda :
- Tu n'enlèves jamais ta boucle d'oreille ?
- Non.
- Tu ressembles à un indien.
Il ne répondit pas.
- Tu es indien ?
Katheryn fixait son bol, impassible.
- Mais c'est génial ! Je croyais que les indiens avaient tous été exterminés !
Il fronça les sourcils. Elle s'écria :
- Bon sang, ce que tu es susceptible !
Chris alla prendre une douche puis se prépara. Quand elle retourna dans la pièce de vie, Katheryn était en train de sculpter des morceaux de bois avec des ustensiles de cuisine. Elle comprit qu'il était inutile d'essayer de discuter et se mit en tête d'éplucher une pile de livres posés à même le sol. Tous traitaient de philosophie. Elle était plongée dans ces thèses laborieuses lorsqu'elle entendit le rire de Katheryn. Sans relever la tête de l'ouvrage, elle demanda :
- Qu'est-ce qui t'amuse ?
- Jamais Chris n'aurait lu ça !
- Maintenant; Chris lit ça.
Elle se replongea dans sa lecture et Katheryn continua son travail en silence. Ils étaient toujours ainsi occupés quand on sonna à la porte une heure et demie plus tard. Katheryn se leva en toussant bruyamment et alla ouvrir d'un pas nonchalant. Chris l'entendit marmonner :
- Bonjour.
- Bonjour, lui répondit une voix féminine. Est-ce que Chris est ici ?
- Qu'est-ce que vous lui voulez ?
- Je suis Emily Reid. Je l'avais appelée pour une affaire. L'affaire était entendue, mais elle ne m'a pas recontactée.
- Écoutez, votre affaire est annulée.
- Dommage, j'étais prête à l'en récompenser dignement.
- On se fiche de votre argent. Votre affaire est annulée.
Chris releva la tête de son livre et se précipita vers la porte :
- Ne te mêle pas de ça Katheryn ! Je suis une tueuse, oui ou non ?
Elle repoussa son colocataire et considéra la visiteuse. La femme qui lui faisait face était grande, svelte et musclée. Ses membres longs et fins étaient gracieux, son regard doux, sa peau lisse, ses joues roses. Elle avait les lèvres légèrement épaisses, le nez délicat, les yeux bleus pleins d'innocence. Ses longs cheveux blonds étaient admirablement soyeux. Elle portait une robe noire moulante et un cache-cœur adorable. Elle avait une gueule d'ange !
- Emily, c'est bien cela ? se renseigna Chris.
- Vous vous souvenez de mon appel téléphonique ?
- Oui... à vrai dire non.
Katheryn la coupa :
- Mon amie a eu un grave accident qui l'a rendue amnésique. Voilà pourquoi je vous prie d'annuler votre affaire.
- Je suis amnésique pas infirme ! répliqua Chris. Je suis tout à fait capable de tuer ! Combien m'offrez-vous ?
- Je vous en donne six mille, répondit Emily, c'est ce que nous avions convenu.
- J'exige une avance de deux mille dollars; simple garantie.
- Tout ce que vous voudrez, du moment qu'Aiden meurt. Je serai à la piscine demain à dix heures. Venez et vous serez payée.
- Très bien. J'accepte votre offre.
Emily la salua poliment et partit. Chris referma la porte. Katheryn se tourna vers elle :
- Pourquoi as-tu accepté, pauvre folle ?
- C'est mon boulot.
- Cette fille-là n'est pas fiable.
- On est payés à tuer des gens et on devrait encore s'assurer de la fiabilité de ceux qui nous emploient ? Le prix était bon et Chris avait accepté son offre avant moi.
- Rappelle-toi où est Chris à l'heure qu'il est.
- On s'en fiche puisque je suis Chris, maintenant.
- Tu es aussi têtue qu'elle en tout cas ! Cette histoire va mal se terminer.
- Tu devrais faire du yoga, Katheryn, ça t'apaiserait !
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