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Samedi 19 avril 2024, 08h31
Le premier coup de feu avait retentit à six heures vingt-six du matin. Dans la luminosité encore sombre d’un tout début de matinée, embusqués tout autour de la base militaire qu’occupaient les armées de Jelena, ce ne fut pas une centaine, ou deux-cent résistants qui sous les ordres de Jon donnèrent l’assaut, mais bien huit cent. Du jamais vu, bien loin de leurs piètres estimations, Nathan comprit, perché au quatrième étage de l’un des bâtiments de la base que cette fois-ci, il faudrait se battre pour tenter de garder l’avantage sur l’ennemi.
Lui qui avait été persuadé par Jelena que la résistance ne pourrait rien contre eux, que leur force de frappe était insignifiante et rendue inefficace par leur condition de vie, voilà qu’il se retrouvait à assister à un déferlement de violence entre leurs deux camps à niveau et détermination égale.
C’était incroyable.
Ce qui l’avait étonné lors des premiers coups de feu, était la stratégie inexistante des résistants : encercler la base, et attendre l’ordre de Jon de foncer dans le tas. Point. Pas de plan sophistiqué, d’embuscade, d’arrivée aérienne oufs ou terrain, rien du tout. Simplement ces centaines d’hommes et de femmes qui dans un même corps, avaient débarqués en tous sens, usant d’armes et de dons pour rentrer de force dans l’enceinte de la base. Un peu comme si une colonie de fourmis en attaquait une autre, de front, sans plan ou stratégie, usant simplement de leur force brut pour atteindre leur objectif. Dans tous les cas, il devait bien reconnaître que dans sa propre fourmilière, les ouvrières étaient affolées : leurs soldats avaient été préparés à affronter un maximum de trois cent résistants supposément affaiblis, et voilà qu’ils se retrouvaient aux prises avec le double du chiffre annoncé, et dans une forme convenable pour le combat à mains nues.
Il aurait bien sûr pu matérialiser un dôme tout autour de leur base pour se protéger mais, à quoi bon ? Il était certain que leurs attaquants auraient attendus de l’autre côté qu’il s’épuise et que le dôme disparaisse pour attaquer. Jelena lui avait donc demandé de rester en hauteur, de surplomber l’affrontement pour venir en aide aux soldats qui seraient trop en difficulté en les protégeant de ses dômes, invisible aux yeux des résistants. Isolé de l’affrontement, seul dans son bureau, il ne pouvait donc que constater les coups, les balles et le feu qui lentement, se répandaient comme une traînée de poudre au travers des combattants.
Il avait cherché à repérer ses anciens camarades dans la mêlée, et n’avait aperçu que Jon qui avec un malin plaisir, s’amusait à jeter en l’air tous les soldats qui se dressaient sur son passage, sans pitié ni regrets.
Pas de traces de Eden ou de Erwan. Il se doutait bien que les résistants n’étaient pas bêtes au point de ramener des cibles potentielles sans don sur le terrain - Eden - mais se demandait bien pourquoi Erwan lui, manquait à l’appel. Son don était de plus utiles, des plus dangereux, et son absence devait faire défaut à la résistance.
La porte s’ouvrit dans un fracas tonitruant et bientôt, Jelena se tenait près de lui, les yeux rivés sur la zone d’affrontement en contre-bas.
— Combien de temps ?
— Deux heures. Il y a des pertes de notre côté, mais du leur aussi. J’essaye de protéger autant de nos soldats que je peux, mais c’est difficile : les résistants sont partout.
Jelena hocha la tête, muette, avant d’ouvrir la fenêtre et d’un geste souple, envoyer une colonne de flammes sur un petit groupe qui sans se faire voir, se rapprochait doucement de l’entrée d’un entrepôt remploi d’armes.
— Si j’arrivais à avoir une meilleure précision, il me suffirait de les cramer un par un, gronda t-elle sourdement.
— Hum, tu as le même problème que Théo en somme. Il est où d’ailleurs ?
— J’en sais rien. Je lui ai donné pour ordre de ne pas intervenir de façon massive et de faire attention à nos soldats si jamais il venait à utiliser ses ondes. Mais qui sait ce qui pourrait lui passer par la tête s’il croise le chemin de Jon ou de Erwan au milieu d’un groupes de nos propres soldats ? Je suis prête à parier qu’il ne cherchera pas à faire attention à qui pourrait mourir sous ses ondes à ce moment-là.
Il était d’accord avec elle, mais n’en dit rien. Il préférait face à la reconnaissance à demi-mot de la dangerosité de Théo, resté muet car après tout, depuis la mort de Amali, l’un et l’autre s’étaient voilé la face à son sujet, et semblaient le regretter sans oser se l’avouer.
Il était de toute façon trop tard, le mal ayant été entretenu depuis trop longtemps pour en inverser les effets.
— Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Murmura Jelena, en fixant par la fenêtre un Jon aussi déchaîné que redoutable.
Nathan suivit son regard, et considéra longuement son ancien camarade aux prises avec deux de leurs soldats et qui, sans hésiter, sembla briser la colonne de l’un d’eux, et les jambes du deuxièmes d’e deux coups de pieds brutaux. Ils ne savaient pas où Jon se dirigeait mais une chose était certaine il y allait, et rien ne semblait pouvoir l’arrêter.
— On l’a poussé à bout je crois. Et on sait tous ce que la mutation peut faire sur notre cerveau, n’est-ce pas ?
La cheffe d’état sourcilla à peine, mais jeta tout de même un coup d’œil en biais à Amali, négligemment assise sur le rebord du bureau.
— Oh oui, on le sait, sourit l’éducatrice avec malice.
— Tu as remarqué d’autres résistants avec des dons dangereux ? Demanda Jelena, sans se soucier du sourire en coin du fantôme de la jeune femme.
— Une nana qui semble gérer la glace, un type qui court super vite, un mec qui peut transformer ses avant-bras en sabres… je sais pas trop, je vois pas grand-chose ici.
Il se tut soudainement car, loin, très loin, proches de la barrière d’enceinte qui entourait la base, il venait enfin de localiser les absents du grand affrontement.
Il n’en pipa mot, supposa que Jelena ne les avait pas vu et préféra ne rien lui dire. Si Eden et Erwan n’arrivaient que maintenant, c’est qu’il y avait une raison, et il était curieux de la connaître.
— Je vais aller me poster dans le bâtiment d’en face, lança t-il d’un ton désinvolte. J’aurais une meilleure vue sur la zone d’affrontement principale.
Jelena ne releva pas, repartit dans une discussion surréaliste avec le vide, les sourcils froncés.
Sans attendre, il attrapa son fusil à pompe resté près de lui depuis le début du combat, au cas où, et descendit les marches quatre par quatre pour rejoindre l’extérieur. L’air était chargé de fumée et de poudre : lourd et étouffant, il rendait la respiration et la vision difficile. Pour se protéger un maximum de l’agitation sanglante du centre de la cour interne de la base il préféra faire le tour en longeant les grandes barrières qui délimitaient l’enceinte de l’endroit, pour rejoindre Erwan et Eden, espérant qu’ils n’aient pas bougé jusque là. Les balles filaient en tous sens, des cris s’élevaient un peu partout autour de lui, il lui semblait progresser en plein milieu d’une scène de film de guerre. Il avait déjà connu des situations similaires, mais jamais à si grande échelle, jamais si violente, si brûlante d’enjeux.
Alors qu’il accélérait encore le pas, il entre-aperçu enfin Erwan et Eden, abrités derrière une carcasse de voiture - appartenant sûrement à la résistance - abandonnée à la lisière des barrières.
— Erwan !
Son appel, assez fort pour être entendu, mais assez bas pour que seuls les deux jeunes hommes l’entendent, attira immédiatement l’attention du plus jeune qui d’un air suspicieux, le regarda s’approcher. Avec un soulagement qu’il ne tenta même pas de dissimuler, Nathan se jeta derrière la carcasse de l’habitacle pour reprendre son souffle. Son torse se soulevait rapidement, bien plus rapidement que d’habitude. Il se fit la réflexion que ce n’était pas que son essoufflement qui jouait, mais aussi set surtout la peur viscérale qu’il avait ressentie de devoir ainsi se fondre dans l’affrontement avec le risque de ne pas en ressortir.
— Nathan ? Qu’est-ce que tu veux ?
La question de Erwan ne le surprit pas. Il lui fit signe de le laisser reprendre son souffle, avant de se poster correctement, un œil sur l’affrontement, un œil sur les deux résistants :
— Vous étiez pas avec les autres au moment de l’attaque. Pourquoi ?
— A ton avis ? On est pas ok avec l’idée.
— Ben tiens, c’est étonnant.
Eden fronça les sourcils, et commença à lever les mains, mais Nathan l’interrompit :
— Te fatigue pas, je parle pas la langue des singes. Bon, et vous comptez faire quoi maintenant que vous êtes là comme deux idiots planqués derrière une voiture cabossée ?
— Où est Vasco ?
Piqué au vif par la question, Nathan finit par se désintéresser totalement de l’affrontement pour se concentrer uniquement sur Erwan qui l’air bien trop déterminé pour ses traits juvéniles, attendait une réponse avec impatience.
— Vasco ?
— Oui tu sais ? Un mètre quatre-vingt, la peau mate et les cheveux noirs, avec un air de tagine, ça te dit rien ?
— Depuis quand tu es sarcastique toi ? Bref, si vous cherchez Vasco il est pas là. Il est au trou depuis que… depuis que Théo a fait croire à tout le monde qu’il était l’assassin de Amali.
Bouche bées, les deux résistants échangèrent un long regard interdit avant que Eden ne signe quelque chose que Erwan accusa d’un hochement de tête, avant de traduire :
— Vous êtes cons ou vous y faites exprès ? C’est pas Vasco qui a tué Amali ! Il était enfermé avec Eden pendant qu’on se battait à la base de Annecy ! Regarde !
Comme une preuve de ses dires, il tendit ses bras, découvrant des cicatrices de brûlures encore récentes, qui s’étiraient de ses doigts jusqu’à ses biceps.
— Je le sais ça, siffla Nathan. Je le sais depuis le début, alors me mettez pas dans le même sac que Jelena et les autres. Le hic vous voyez c’est que comme Vasco devait déjà être blessé au moment où Théo l’a retrouvé, ça a été la bonne excuse pour inventer une histoire que personne pouvait vraiment vérifier. Et comme Jelena décartonne a fond depuis la mort de Amali, elle a pas cherché à comprendre et a coffré Vasco.
— Et il est où là ?
D’un coup d’œil, Nathan vérifia que personne ne se trouvait à proximité, et expliqua aux deux jeunes hommes où se trouvait le centre de confinement où se trouvait Vasco. Dans un filet de voix, i leur donna l’itinéraire à suivre, l’âge numéro de la cellule où était enfermé le jeune homme, ainsi qu’un estimation sur l’état de ce dernier.
— Dans du ciment ? Non mais vous êtes sérieux ? hoqueta Erwan, horrifié.
— Vasco peut utiliser son don lorsque ses mains sont dans une position bien particulière : il faut que ses doigts soient pliés, comme s’il retenait l’explosion au creux de sa paume. Lorsque Théo lui a coulé les mains dans le ciment, il a fait attention à ce qu’elles soient doigtés, pour qu’il puisse pas utiliser ses explosions pour s’échapper.
— Jon lui a pété les mains de toute façon ! C’est pas croyable ça ! Allez viens Eden on y va.
Sans plus accorder d’importance à Nathan, ils firent demi-jour, en direction de la zone indiqué par le Phoenix avec l’appréhension en arrivant là-bas, de ne rein trouver sinon un Vasco brisé, et incapable de se battre.
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