… toi toujours avec moi, et toujours seul - Octavio Paz
De nouveau le silence tire sur la corde tendue de la nuit. C’est peut-être la solitude, la très haute solitude – solitude « en seul majeur » ! – qui nous fait connaître le fait d’aimer. Etre avec quelqu’un, c’est finalement retrouver sa propre essence et découvrir qu’elle est une cinquième dimension, une cinquième direction, un cinquième point cardinal :
Le visage à moitié rongé par l’ombre et le sel
Je m’en reviens
Dans l’enceinte de ton patio
Déterrer ta rosace
Ouvrir tes sept portes
Aux cinq points cardinaux
Abdelghani Fennane
Nous sommes pleins d’espaces en friches, avec des mots libellules pour nous souhaiter d'éblouissants vieillirs.
La solitude - mon manteau - m’accompagne tout le jour, me caresse quand je dors. Je ne sais pas ce que cela signifie, que je sois aussi triste : ma vieille, les yeux baissés sur sa vie de lambeaux, sa peau sourde aux fringales d’amour ?
C’est là qu’un soir de juillet, petit garçon pieds nus, seul déjà venu, marcher dans l’eau douce, j’ai découvert les rosiers sauvages. Je couche dans la rivière, m’ébroue comme un chien fou qui reconnaît son maître. Je suis la faim, la soif, la fureur au bord de moi. Je suis la sève montante, le bouillonnement des mousses. Moi, l’arbre creux, j’ouvre mes sentiers à l’étrangère !
Mes mots tombés, lucioles sur l’argile sèche du seuil ; semis de mousse tendre, au-dessous des orties. Mes mots lacés, treille d’appâts dans l’eau grouillante d’ombres écarlates. Veux-tu que ce soir je t’emmène là où poussent les roses sauvages ?
J’ai vu un homme. J’ai vu la vie. Et pelotonnées contre les herbes hautes : l’espérance, la consolation. Au village on le disait forceur de femmes, taiseux dans sa caverne, loup de supplices étouffés. On disait bien des choses. Mais… Un souffle après l’autre, homme silence. Je compte bien les mots par lesquels je respire. Je crois voir ici l’essence de l’homme-poète : il respire par les mots.
Et la condition sine qua non de la création, de la parole dite ou écrite est un certain silence. L’homme a cherché, dans son retrait du monde, à la fois la solitude et « le grand silence ». Que le geste de l’homme soit de folie ou bien conscient, cela n’empêche sa douleur.
- Qui était cette femme au visage froissé dans ma poche ? Je ne m’en souviens plus ; sauf la nuit parfois, quand, dans le grand silence résonnent les cris des bêtes et que la lune pleine baigne de sang sa lumière. La différence homme – femme n’est pas si nette, ni très importante.
- Je mendiante à l’amour, prête à la courbure. Avant que mes lèvres cousues ne durcissent et plus ne s’entrouvrent. Cercueil, chair et brique, d’un baiser fantôme. Ne te cache plus sous ma peau fine et blanche, trop pleine de lune ; Tu t’éprends de mon sang, me blesse - Griffe le temps.
Je marche vers toi
Entre deux ombres
Entre deux mondes
Je marche vers toi
J’entre deux mondes
Muriel Carrupt
Annotations
Versions