Port-Alérion se réveillait à peine, baignée dans la lumière dorée de l’aube, alors que Claire et Kyria s’étaient plongées une nouvelle fois dans les documents découverts. Le silence de la maison, autrefois apaisant, semblait maintenant pesant, comme un rappel constant de la menace qui les guettait.

Les informations qu’elles avaient découvertes étaient de plus en plus troublantes. Les recherches de Sylvio sur son ordinateur les avaient menées à un nom qui revenait sans cesse dans ses e-mails et transactions : « Bader ». À première vue, cela pouvait paraître anodin, mais une recherche approfondie révéla que ce nom était associé à une bande criminelle redoutée à Lyon, connue sous le nom de « la bande à Bader ». Une organisation secrète, puissante, et particulièrement cruelle, spécialisée dans le trafic d’êtres humains, notamment de jeunes filles originaires des pays de l’Est et d’Afrique, qu’ils forçaient à travailler dans des conditions épouvantables.

Claire sentit un frisson d’horreur parcourir son échine en réalisant l’ampleur des activités dans lesquelles Sylvio avait été entraîné. Ce n’était pas seulement des transactions financières douteuses, c’était bien plus sombre, bien plus dangereux. Leurs découvertes montraient que Sylvio avait non seulement détourné de l’argent de son entreprise, mais qu’il avait également tenté de le faire fructifier en l’investissant dans les opérations de la bande à Bader, un gang qui utilisait la prostitution et d’autres activités illégales pour blanchir de l’argent. Mais ce qui était encore plus choquant, c’était la manière dont Sylvio avait cherché à se retirer de ce cercle vicieux. En tentant de se désengager, il avait signé son propre arrêt de mort.

Kyria, assise à côté de Claire, relisait un des courriels de Sylvio, son expression se figeant à mesure que les mots prenaient sens. « Il savait, Claire. Il savait qu’il ne pourrait pas s’en sortir indemne. Ce message… c’est une sorte de testament. Il parle de tout arrêter, de vouloir se sauver… Mais il avait trop d’informations. Trop de connaissances sur les opérations de Bader et de ses associés. »

Claire ferma les yeux, luttant contre la nausée qui la prenait. « Il a voulu jouer avec le feu, Kyria. Il a voulu profiter du système, puis il a compris qu’il en était devenu prisonnier. Ces gens ne laissent personne partir avec tout ce qu’il savait. »

Kyria posa une main rassurante sur l’épaule de Claire. « On ne peut pas le changer, mais on doit comprendre tout ce qui s’est passé. »

Pendant ce temps, l’inspecteur Stéphane Berkovici était également en pleine réflexion. Les informations qu’il avait obtenues lors de son entretien avec Claire et Kyria l’avaient profondément troublé. Il connaissait la réputation de la bande à Bader, un groupe qui opérait depuis des années dans l’ombre, impossible à coincer malgré les tentatives répétées de la police. Leurs opérations étaient soigneusement orchestrées, et quiconque s’approchait de trop près risquait gros.

En enquêtant sur les transactions financières de Sylvio, Berkovici avait commencé à comprendre l’ampleur de son implication. Les détournements de fonds de l’entreprise n’étaient que la partie visible de l’iceberg. Sylvio avait apparemment été utilisé comme un pion dans un jeu bien plus vaste, un jeu dont les règles étaient dictées par Bader et ses acolytes. Lorsqu’il avait voulu se retirer, il avait signé son arrêt de mort. La question qui taraudait maintenant Berkovici était de savoir si Sylvio avait été tué pour ses connaissances, ou s’il avait réellement tenté de se suicider pour échapper à la terreur que ces criminels lui faisaient subir.

Berkovici décida de pousser plus loin ses recherches, essayant de trouver un lien direct entre la mort de Sylvio et la bande à Bader. Il savait qu’il marchait sur une ligne dangereuse, mais il ne pouvait pas abandonner cette piste. Trop de questions restaient sans réponse, et il était déterminé à découvrir la vérité, même si cela signifiait affronter un ennemi redoutable.

Il fit venir un ancien contact de la brigade des stupéfiants, quelqu’un qui avait une connaissance approfondie des réseaux criminels lyonnais. En croisant leurs informations, ils découvrirent que Sylvio avait été en contact avec plusieurs intermédiaires de Bader, des hommes de main qui géraient la partie visible des opérations : des clubs privés, des transactions immobilières douteuses, et des virements financiers complexes. Berkovici comprit rapidement que la bande à Bader utilisait ces moyens pour dissimuler leurs véritables activités : l’exploitation de jeunes femmes, souvent enlevées dans leurs pays d’origine sous de faux prétextes, pour ensuite être forcées à travailler dans des conditions épouvantables en France.

« Si Sylvio avait vraiment décidé de se retirer, » dit le contact à Berkovici, « il savait qu’il serait une cible. Ces types n’ont aucun scrupule. Ils auraient pu l’éliminer pour être sûrs qu’il ne parle jamais. »

Cette hypothèse renforça la conviction de Berkovici que la mort de Sylvio n’était pas un suicide ordinaire. Quelqu’un avait probablement veillé à ce que Sylvio disparaisse avant qu’il n’ait la chance de révéler ce qu’il savait. Les preuves étaient encore minces, mais le lien était de plus en plus évident.

Claire et Kyria, de leur côté, savaient qu’elles devaient se protéger. Si la bande à Bader découvrait qu’elles fouillaient dans les affaires de Sylvio, elles seraient en grand danger. Pourtant, elles ne pouvaient se résoudre à abandonner leur quête de vérité. Elles décidèrent de rassembler tout ce qu’elles avaient trouvé et de le confier à Berkovici. C’était un pari risqué, mais elles savaient qu’elles ne pouvaient pas affronter seules un réseau aussi puissant et impitoyable.

Le lendemain, elles prirent rendez-vous avec l’inspecteur, l’accueillant chez elles avec une tension palpable dans l’air. Claire, le visage fermé, commença à lui expliquer en détail ce qu’elles avaient découvert sur les transactions de Sylvio et son implication dans le réseau de Bader.

« Nous avons trouvé ces documents, » dit-elle en ouvrant un dossier rempli de copies d’e-mails, de relevés bancaires, et de notes manuscrites. « Sylvio était impliqué bien plus qu’on ne le pensait. Ces gens… ils kidnappent des jeunes filles, ils les forcent à… à des choses horribles. Sylvio a détourné de l’argent pour eux, et quand il a voulu arrêter… ils l’ont tué, j’en suis sûre. »

Berkovici prit les documents, les examinant avec soin. « Vous avez bien fait de me les apporter. Mais cela signifie aussi que vous êtes maintenant sur leur radar. Ces gens ne reculent devant rien pour protéger leur business. »

Kyria, assise à côté de Claire, hocha la tête. « Nous en avons conscience. Mais nous ne pouvons plus reculer. Nous devons aller jusqu’au bout. Pour Sylvio, pour ces filles… et pour nous-mêmes. »

L’inspecteur les regarda, impressionné par leur détermination. « Je vais utiliser ces informations pour renforcer l’enquête. Mais vous devez être extrêmement prudentes. Si la bande à Bader comprend que vous êtes impliquées, ils n’hésiteront pas à agir. Je vais essayer de sécuriser votre position, mais ce ne sera pas facile. »

Après le départ de Berkovici, Claire et Kyria restèrent silencieuses. Elles savaient que leur vie venait de basculer dans une autre dimension, où chaque pas les rapprochait du danger. Mais elles étaient prêtes à tout pour obtenir justice, même si cela signifiait affronter les ténèbres de la bande à Bader.

Ensemble, elles se préparèrent à ce qui allait suivre, sachant que les jours à venir seraient décisifs. Leurs vies, leur amour, tout était désormais lié à la résolution de cette affaire. Mais une chose était certaine : elles ne se laisseraient pas intimider. Elles iraient jusqu’au bout, coûte que coûte.