Chapitre 1 : Une rencontre inattendue
La vie nous réserve parfois des surprises inattendues, une parenthèse enchantée dans la banalité de notre quotidien, une bouffée de bonheur comme une bulle de champagne qui éclate et nous monte à la tête, éphémère et inoubliable en nous laissant la saveur du charme du moment.
Cette sensation d'être importante, de compter pour quelqu'un, ce sentiment de plénitude et de bien-être, parfois coupable mais si rassurant que chacun de nous souhaite ressentir un jour dans sa vie.
C'était il y a dix ans, ou peut-être quinze, je ne me souviens plus vraiment.
D’ailleurs, le moment où cela est arrivé a-t-il réellement de l'importance dans toute cette histoire ?
Je me suis souvent demandé ce qui se serait passé si je n'avais pas franchi la porte ce jour-là, si j'étais juste restée dans la voiture à l'attendre. Est-ce que je regrette ce qui s'est passé ? je n'en sais rien, qui le sait d'ailleurs ?
C'était une fin d'après-midi de mars, Antoine mon mari avait une réunion marqueting avec des investisseurs chinois, je devais aller chercher Julie notre fille à sa place.
Julie avait 17 ans, l’âge magique qui donne le droit de vivre pleinement, intensément, avec les amis, les sorties, plus qu'avec ses propres parents. Je me souviens un peu avec nostalgie de cette période pendant laquelle j’avais davantage l'impression de servir de taxi que de mère à ma propre fille.
J'attendais dans la voiture depuis plus d'une demi-heure et Julie n'arrivait toujours pas.
Elle ne répondait pas non plus aux nombreux textos que je lui avais envoyé.
A bout de patience, je décidai finalement d'aller la chercher à l'intérieur du bâtiment.
Au centre de l'entrée, une table était dressée avec une multitude de toasts et de boissons diverses et variées.
J'arrivai sans le savoir au milieu d'une réception d'un départ en retraite. Je me sentis aussitôt déplacée dans ce lieu luxueux, avec mon jean délavé et mes basquets de tous les jours. Julie portait sa jupe noire et la chemise blanche que je lui avais repassé le matin même. Elle évoluait avec aisance dans cet environnement qui lui semblait familier.
Au moment où je décidai de repartir en espérant secrètement que personne ne m'avait aperçue, un homme, élégant, bedonnant un sourire aux lèvres s'approcha en me tendant la main.
- Vous devez être la maman de Julie ? Vous lui ressemblez tellement ou je devrais dire, elle vous ressemble tellement.
- Oui, c'est ça, je suis la maman.
En prononçant ces paroles, je me sentis un peu ridicule, j'avais l'impression de plagier la réplique d'une mauvaise actrice de cinéma.
- Je suis Alexandre Lagrange, le tuteur. Votre fille est vraiment une stagiaire formidable, elle comprend vite, s'adapte facilement, c'est comme si elle travaillait ici depuis toujours. Ce n'est pas souvent que nous avons la chance d'avoir quelqu'un comme elle.
Julie balaya ces compliments avec l'arrogance de ses 17 ans et son comportement me mis mal à l'aise tout à coup. Je sentis la chaleur m’envahir, et mes joues s'empourprèrent.
Je restai un instant, un peu gauche, ne sachant plus quoi dire à cet homme qui me dévisageait avec une insistance un peu indécente.
- Alicia Demers ? Reprit-il alors, tu ne te souviens pas de moi ? Alex Lagrange.
- Alex … En effet, ce nom me disait quelque chose tout à coup. Il semblait ressurgir, tel un écho du passé du tréfonds de ma mémoire.
- Nous étions ensemble au lycée, en seconde ou en première, je ne sais plus trop.
- Alex ! Oui, je me souviens maintenant. Ça alors, si je m'attendais à te revoir ici, c'est marrant. Qu'est-ce que tu deviens ?
- Comme tu vois, je travaille ici, et toi ?
- Oh ! Moi… Je travaille chez Raylord industrie au service contentieux. Je passai sous silence le fait que j'étais mariée, mais il devait bien s'en douter puisqu'il connaissait Antoine et Julie. Il n'en parla pas non plus.
- On pourrait aller prendre un verre pour en discuter. Je connais un petit bar très sympa à deux pas d'ici.
J'allais répondre quand je croisai le regard de Julie et compris aussitôt que celle-ci n'avait absolument pas envie de venir prendre un verre avec son maître de stage.
- Une autre fois peut-être, répondis-je sur un ton désinvolte.
Je regrettai un peu cette réponse qui ne reflétait pas vraiment ce que j'avais envie de faire, mais comme Alex n'insista pas davantage, j'éprouvai un petit pincement au cœur.
- À demain peut-être ? Dit-il en me serrant la main, la tenant un peu plus que nécessaire.
Le soir à table, j'aurai voulu parler d'Alex, mais personne n’écoutait. Comme à son habitude, Julie monopolisait la parole, nous abreuvant avec enthousiasme des diverses anecdotes qui avaient peuplé sa trop formidable journée. Je m'isolai dans une bulle de solitude, l'esprit ailleurs, perdu dans de vieux souvenirs.
Au lycée, j'avais un petit faible pour Alex, il n'avait rien du garçon séduisant qui faisait craquer les filles. Il était légèrement enrobé, blond, les yeux marron, un léger zozotement que je trouvais attendrissant. J'aimais bien discuter avec lui le matin en faisant le chemin de l’arrêt de bus au lycée en sa compagnie. A peine moins de quatre minutes qui suffisaient à éclairer ma journée.
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