Chapitre 4

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Maison d’arrêt de Villebrouch-Sur-Mer,

16 mai 2027

Malgré la fatigue qui pèse sur lui, Sami affronte la nouvelle journée avec courage. Il ne laissera pas le criminel le briser. Il a juré de rendre justice à Mélina Clay et aux autres victimes. Cependant, son courage vacille lorsqu’il s’assoit au volant de sa berline. Le solide détective craque, ses larmes roulent librement sur son visage. Tandis qu’il se surprend à porter une attention particulière à une jeune blonde, il réalise qu’il partage beaucoup avec son amie absente ; tous deux mettaient leurs proches avant eux-mêmes. Ils sont à jamais liés par ce principe. Les questions sans réponse continuent de le perturber, le menant à se demander s’ils auraient pu faire les choses différemment.

— Pourquoi Mélina ? Lui demande sans détour Sami, sa voix emplie d’émotions mêlées de colère et de douleur.

Le tueur esquive la question, son sourire s’agrandit. Il s’assoit nonchalamment, les bras croisés sur la table en acier.

— As-tu bien dormi ? demande-t-il.

— Réponds à ma question ! Rugit Sami, ses poings se serrant involontairement.

— Toi d’abord !

Le plaisir ressenti durant l’agonie apparente sur le visage de son visiteur semble exciter l’homme, qui est surpris par la détermination renouvelée de Sami. Le visiteur presse ses lèvres en une fine ligne. Il sait que la psychologie est la clé pour faire avouer le tueur.

— Non, je n’ai pas dormi, espèce d’enfoiré, révèle-t-il finalement.

Les peines des autres semblent être pour le tueur une source de jouissance perverse, couvrant son état constant de vide. Il savoure la réponse de Sami.

— Dommage collatéral ? Elle s’est juste adressée à la mauvaise personne. Si Hailey n’avait pas été aussi énervante, je n’aurais pas eu besoin de me défouler sur quelqu’un… Elle n’a jamais su faire de choix, ajoute-t-il d’un ton glacial.

Il poursuit, avec une perversité calculée :

— Je déteste les doubles-jeux.

Sami, bien que profondément dérangé, ne montre aucune émotion. Il reste fort, concentré sur son objectif. Mais le tueur poursuit ses récits sordides avec une obscène délectation, décrivant comment il a tourmenté sa deuxième victime avant de la tuer. Le dégoût envahit Sami, qui sait qu’il doit continuer à écouter.

— Je me souviens de cette nuit-là. Elle criait si fort, tu sais. C’était une mélodie délicieuse.

Sami sent un frisson d’horreur le parcourir, mais il reste déterminé.

— Pourquoi, putain ? Pourquoi tant de souffrance ?

Le tueur sourit, un sourire dénué de toute humanité.

— Parce que c’est comme ça que je me sens vivant. Et parce que je sais que tu es venu ici pour comprendre, pour jouer à ce petit jeu avec moi.

Les visites répétées à ce monstre détraqué commencent à peser lourdement sur les épaules de Sami. Chaque confession du tueur en série est un voyage dans l’horreur, et Sami sent son propre équilibre émotionnel chanceler. Cependant, sa détermination à découvrir la vérité ne faiblit pas. Il se rapproche enfin de la vérité. Après des semaines d’interrogatoires accablants et déstabilisants, l’infâme assassin annonce soudain :

— Je mets fin à nos entrevues, elles ne servent à rien, annonce-t-il, tranchant dans le vif de leur conversation.

Cette déclaration est comme un coup de poignard pour Sami, tandis qu’il tente de masquer son tumulte intérieur. Sa silhouette se tend, son dos se redresse sous l’effet de la tension, comme une corde de violon soudainement trop serrée. Un tremblement presque imperceptible s’empare de ses mains, alors qu’il joue nerveusement avec le bord de la table, ses doigts serrant le métal avec plus de force qu’il ne l’aurait voulu. Son teint, d’ordinaire si assuré, vire au pâle, tandis que les muscles de sa mâchoire se contractent, dans un effort désespéré pour conserver son calme. Son regard s’élargit, errant entre le tueur et un point fixe au loin, cherchant une issue à cette confrontation inattendue. Sa respiration s’accélère. L’angoisse qui découle de l’idée que son enquête pourrait stagner se mêle sournoisement à la frustration de semaines de travail potentiellement gaspillé, se heurtant à son besoin obstiné de justice pour les victimes. La tension monte.

— Tu ne peux pas faire ça, rétorque-t-il, une lueur implorante dans le regard, sa voix vibrante de tension malgré lui, symbolisant la lutte entre son désir ardent d’obtenir des informations cruciales et la façade dure d’un détective aguerri.

— Tu ne trouveras pas ce que tu cherches tant que tu ne poseras pas les bonnes questions. Et je n’ai plus envie de jouer. Tiens.

Il jette une petite clé sur la table, une clé négociée pour une nouvelle phase de leur jeu sadique. Sami la ramasse et l’observe avec méfiance.

Un jeu de piste commence. Sami sait que cette clé détient les réponses à toute cette énigme. Le tueur se lève, satisfait de la confusion qu’il a semée. L’homme ajoute :

— Ce n’est pas la taille du chien qui compte, mais sa résilience, tu comprends ?

Pourquoi distinguer cette vie de la suivante quand de l’une l’autre renaît ? Le temps manque toujours à ceux qui en auraient besoin, mais pour ceux qui aiment, il est éternel. Sami sort de la salle de visite, tenant la clé avec précaution. La sensation de sa main moite sur le métal froid lui rappelle l’ambiguïté et la dangerosité de ce nouvel indice.

Alors que la soirée se profile, le ciel semble retenir son souffle. Les nuages blancs résistent à l’intrusion de leurs cousins sombres, comme si le moindre trouble pouvait rompre cet équilibre précaire. Une unique goutte d’eau cède à la gravité, annonçant un déluge imminent. Fou de colère, il rejoint Lara au bistro « Au bon truc d’ici », à seulement deux rues de chez eux. Il souhaite esquiver les assauts déferlants de sa mémoire, mais ils le submergent malgré lui.

Épuisé, Sami se confronte à la mine choquée de Lara, qui prend une profonde inspiration avant de dire avec hésitation :

— Ça ne peut plus continuer comme ça, mon amour.

Son agacement s’intensifie quand Xavier, leur bon ami et propriétaire du bar, s’en mêle en déposant leur commande habituelle.

— Pas ici les tourtereaux.

— Tout va bien, mon pote. Merci.

Une vieille amitié lie Xavier et Sami. Autrefois, Xavier dirigeait le Liberty’s avec sa sœur Aéliana, et Sami fréquentait l’endroit presque tous les week-ends avec ses amis. Xavier a réussi à ouvrir un autre établissement quelques années plus tard grâce à son grand succès. Lara était sur le point de demander ce qui se passait lorsque Sami l’interrompt en s’essuyant la bouche avant d’admettre :

— J’ai commis une erreur.

— Pardon ?

Il explique le stratagème du criminel qui a accepté de coopérer de manière trop enthousiaste et soupçonne qu’il n’y a rien d’innocent dans ce geste.

— Il nous manipule.

Lara se fige et arrête son verre de vin à mi-chemin. Sami lui raconte leur rencontre, trébuchant parfois sur certains mots sous le poids de ses émotions. Le couple âgé à la table d’à côté les réprimande du regard alors que Sami frappe la table avec son poing. Xavier guette le tout de loin et s’apprête à intervenir une fois de plus lorsqu’il voit Lara s’excuser avec un regard. Elle attrape la main de son partenaire et plonge son regard dans le sien.

— Tu devrais le faire. Ça te bouffe, mon amour. Ne sois pas arrogant et écoute-moi. Si tu ne vas pas au bout de cette histoire, tu ne pourras pas t’en remettre. Ça fait cinq ans maintenant, Sami.

Se sentant désemparé, réalisant combien il était perdu sans elle, il dépose un baiser tendre sur ses lèvres et se lève brusquement de sa chaise pour se diriger vers le bar qu’il contourne et où se trouve sans aucun doute ce qu’il recherche. Il a l’intuition que c’est là qu’il doit se rendre pour trouver ce qu’il cherche, bien que la raison de cette certitude lui échappe. Sami se tient sous le majestueux chêne, éclairé par la douce lumière du clair de lune. Alors qu’il se demande désespérément où chercher, son regard s’arrête sur une petite pierre, différente des autres, juste à côté de ses pieds. Convaincu que cette pierre est un signe, il se baisse pour la prendre en main. Sami essuie d’un geste rapide une larme salée et, suivant son instinct, il commence à creuser avec ses mains nues, sentant la terre froide glisser entre ses doigts. Sa conviction grandit lorsqu’il heurte quelque chose de dur et de métallique, et il creuse avec encore plus de détermination puis exhume un coffre de terre sous le chêne. La chaîne autour de son cou semble rétrécir et la clef qui s’y trouve, le brûlé. D’un geste brusque et sans la regarder, il l’arrache et ouvre le coffre qui révèle un vieux journal. À mesure qu’il fait défiler les pages de ce carnet, il découvre de sombres récits terrifiants, imprégnés d’atrocités inimaginables. Pris de vertige, il referme brusquement le journal et inspire profondément pour tenter de calmer les émotions qui l’assaillent.

De retour à son domicile, posté sur leur balcon, il s’allume un joint. Finalement, en quête de réponses, alors qu’il flotte quelque part entre conscience et inconscience, il parcourt les pages assombries par le temps. Les premières feuilles ne contiennent que des unes de gazette, toutes relatant sa vie, ses crimes. À mesure qu’il s’enfonce dans les recoins sombres du journal macabre, son estomac se serre. La souffrance, le désespoir et le désir de vérité se mêlent en une concoction amère. Chaque battement de son cœur semble le presser davantage. Plusieurs heures s’écoulent, mais pour Sami, ce n’est qu’un clignement d’œil. Son obsession pour le recueil maudit ne connaît aucune limite. Lara reste à ses côtés, sa présence physique réconfortante l’aidant à rester connecté au monde réel lorsqu’il se plonge trop profondément dans le grimoire.

Plusieurs semaines passent ainsi, le couple immergé dans les horreurs de l’histoire, scrutant chaque ligne écrite pour trouver une trace, un indice, une raison à toute cette folie. Parmi les pages couvertes de souffrances partagées, Sami finit par tomber sur une page qui attire particulièrement son attention. Celle-ci détaille les meurtres d’un groupe spécifique de femmes, toutes ressemblant étrangement à son amie disparue. Cela le choque et le tire soudainement de sa torpeur. Il se met à étudier scrupuleusement ces pages, cherchant à comprendre le lien entre ces meurtres et Hailey. Il apprend avoir été trahi par quelqu’un de son propre entourage, mais le nom de cette personne ne figure nulle part. Sami soupçonne qu’il s’agit là de la clé du mystère, le dernier motif de vengeance du tueur. Mais chaque fois qu’il pense s’approcher de la vérité, un nouvel obstacle complexe à résoudre se dresse sur son chemin.

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