chapitre 14

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À son arrivée au chalet des parents de Charlie, la visioconférence avec Matthew devient une bouée salvatrice. Ses boucles brunes à l’écran lui apportent un semblant de réassurance. La charpente robuste du chalet, avec ses grands espaces ouverts et ses éléments de modernité telle la baie vitrée offrant une vue sur la rivière, évoque des souvenirs doux-amers. La dépendance jadis transformée en garage diffuse encore l'odeur des souvenirs, teintés d'une grisaille plus marquée qu'elle ne le souhaiterait.

À sa surprise, ses pas résonnent sans aucune annonce à travers le hall. Charlie, avec son accueil oscillant entre une froideur distante et une chaleur forcée, accentue l'inconfort ambiant. La jalousie, mal dissimulée derrière son sourire contraint, est presque palpable et vient encombrer encore plus l'espace entre elles. Comme si cette danse macabre des retrouvailles n'était qu'un prélude à la confrontation inévitable à venir.

Lorsque Sami, au parfum sucré et au souvenir de ses bras autrefois rassurants, approche, l’air du passé semble soudain s'intensifier. "Tu me manques", murmure-t-il, et dans cette confession, les distances passées se révèlent plus vastes qu'elles ne l’ont jamais été. Hailey s'écarte de lui, le regret affleurant dans un sourire qui en dit long sans prononcer un mot supplémentaire. La voix d'Hailey, un murmure friable presque inaudible, tranche le silence chargé :

— Je... Je suis désolée. Vraiment.

Hailey secoue la tête, une larme s'échappe et glisse sur sa joue, reflétant la confusion de son cœur. Elle murmure :

— Jules ….

Alors qu'une atmosphère pesante plane sur eux, Lùca décide qu'il est temps de s'adresser directement à Hailey. Il se lève discrètement et s'approche d'elle, son regard indéfinissable, emprunt à la fois de détermination et d'incertitude. Lorsqu'il atteint son niveau, il incline légèrement la tête, l'invitant à le suivre à l'écart, dans un coin plus isolé de la pièce. Hailey hésite un instant, surprise par son initiative, puis finit par se lever et le suivre, consciente que cette conversation est inévitable.

Ils s'arrêtent près de la grande baie vitrée qui offre une vue sur le jardin, où le vent agite doucement les feuilles des arbres, créant une danse silencieuse en arrière-plan. Dans cet espace que même le temps semble pénétrer avec hésitation, Lùca prend une inspiration profonde, cherchant ses mots.

— Hailey, comment ça va avec Matthew ? Enfin... je veux dire, avec vous deux ? commence Lùca, détournant son regard un instant, comme s'il redoutait la réponse qu'il pourrait entendre.

Hailey perçoit son malaise, mais elle décide de répondre honnêtement, même si sa voix est légèrement tremblante.

— Ça va bien, Lùca. Vraiment bien. On s'épanouit ensemble. Il y a quelque chose de solide entre nous, et je ne l'échangerais pour rien au monde, avoue-t-elle, un sourire timide mettant en lumière la sincérité dans ses yeux.

Lùca hoche la tête, absorbant ses mots, et un silence s'installe alors qu'il choisit soigneusement sa prochaine question. Finalement, il ose aborder le sujet qu'il redoutait le plus, celui qu'il porte en lui comme un fardeau.

— Hailey, j’ai réfléchi à... enfin, à nous. À ce qui s’est passé et à pourquoi tu es partie si brusquement. J'ai besoin de comprendre, besoin de savoir pourquoi tu as pris cette décision sans vraiment me donner une chance d'en discuter. Sa voix est un murmure, presque vulnérable, une prière à fleur de lèvres.

Hailey, émue par la franchise inattendue de Lùca, plonge son regard dans le sien. Elle respire profondément avant de répondre, choisissant chacun de ses mots avec soin.

— Lùca, notre histoire… elle a toujours été passionnée et intense, mais elle était aussi destructrice, admet-elle, sa voix tremblant légèrement sous le poids des souvenirs. Nous étions incapables de nous stabiliser, de nous ancrer. J'avais l'impression de me perdre dans nos confrontations incessantes.

Elle marque une pause, le regard chargé d'émotion, cherchant à sonder les yeux de Lùca.

— Quand j'ai rencontré Matthew, j'ai trouvé quelque chose de différent, un équilibre que je n'avais jamais ressenti avec toi… Sa compréhension et sa patience m'ont donné la force de grandir, de m’ancrer. Et il m'a offert quelque chose dont j'avais désespérément besoin : la sérénité, confie-t-elle avec une honnêteté cruelle.

Lùca baisse légèrement la tête, encaissant la vérité, douloureuse mais nécessaire. Il ne peut cacher le bris dans son regard, mais il la respecte pour sa franchise.

— Peut-être que ça n'aurait jamais marché. Mais toi, tu as fait en sorte qu'on ne puisse même pas l'essayer. À cause de toi.

Le criminel, en retrait, l'entend, mais choisit de plonger dans un silence haineux. Dans sa tête, les pensées tourbillonnent ; il songe à le corriger, à le défier. Ce petit prétentieux. Jamais il n'a apprécié la manière condescendante qu'il avait de traiter Hailey, comme si elle était une propriété à revendiquer.

— J'avais besoin que vous compreniez... mais j'ai vu que Sami avait raison.
Leur tension envahit l'espace, un tissu invisible de regrets et de vérités non révélées. Ils sont à la croisée des chemins, oscillant entre la possibilité d'une réconciliation et l'abîme d'une séparation définitive. L'Amour reste un mystère impalpable, la douleur et l'espoir dansant en un ballet tumultueux. Hailey contemple le visage de Lùca, ce visage qu'elle n'aurait jamais cru revoir. Les minutes s'étirent entre eux, un sablier figé dans le temps. Lui, en silence, pèse chaque mot prononcé, chaque silence partagé.

Subitement, le masque de Lùca se fissure. Une étincelle d'empathie perce, difficile, sans promesse de pardon. Elle, ses mains gauches et son corps chancelant, offre une démarche incertaine. C'est un combat pour sa propre survie, pour sa paix, tandis qu'une compassion dure se fraye un chemin à travers son amertume. En répondant à sa douleur non exprimée, elle déclare avec une résolution brisée :

— Peut-être qu'un jour l'un de nous devra partir pour que tout cela prenne fin.

Il l'écoute, et dans son cœur, une prise de conscience difficile émerge comme un lever du soleil sur un champ de bataille. Ils semblent s'être confrontés sans armes, tous deux perdus et trouvés dans un moment où le passé confronte le présent.

La journée se termine sur une note étrangement douce, malgré les ombres qui planent, prêtes à enlacer l'avenir. Mais leur influence s'estompe lorsque Hailey se retrouve sous le regard inquisiteur d'un acteur invisible, le brun ténébreux, un machinateur d'un futur incertain qui se régale de la complexité de l'humain comme d'une partie d'échecs.

Leur arrivée est saluée par un tableau vivant d'émotions contradictoires — des rires qui tentent de chasser les ombres, des sourires qui tremblent sur le fil d'un chagrin refoulé. Hailey, secouée en son for intérieur par la brutale révélation de l'accident de Jules, lutte pour armurer son visage d'une sérénité trompeuse. Elle se lance dans la mêlée des conversations, forçant des participations pour ne pas se laisser emporter par la marée de sa propre détresse. Les échanges de politesses avec les convives lui coûtent, chaque sourire est un combat, chaque mot prononcé, une défense contre la tempête qui sévit en elle.

C'est un défi, celui de soutenir Emma, de montrer une solidarité dans l'infortune. Hailey, l'âme en peine mais la volonté farouche, aspire à être l'ancre dans la tempête pour son amie. Cependant, la présence inattendue d'Amanda — cette amie fidèle d'Emma au rire effervescent — et de son compagnon Soren, injecte une dose d'interrogation dans l'air déjà saturé d'émotions. Le temps semble suspendu pour Hailey qui, prise au dépourvu, se tient à l'écart des suppositions pour ne pas teinter l'atmosphère d'une curiosité malvenue.

La fête se déroule donc, perchée sur le fil tendu entre la joie forcée et la peine réprimée, un équilibre fragile que Hailey maintient avec une grâce pesée. Elle s'accroche à l'espoir que ce rassemblement apportera un peu de lumière, un morceau de réconfort à Emma, toujours à la recherche d'une échappatoire à ses propres déchirures intérieures.

Cependant, Charlie et Amanda semblent incapables de résister à l’envie de titiller Hailey avec des piques incisives, rappelant sans cesse sa relation passée avec Lùca. Charlie arbore un regard malicieux, ses commentaires fins et taquins sont distillés avec un sourire narquois, tentant visiblement de déclencher une réaction chez Hailey. De son côté, Amanda observe la scène avec une acuité perçante, analysant chaque geste, chaque échange, comme s’il s’agissait d’un puzzle complexe. À chaque évocation de ce passé qu'elle aimerait tant oublier, Hailey sent resurgir des souvenirs qui la lacèrent de l'intérieur. L'atmosphère vibre d'une tension presque palpable, mais Hailey, le cœur rempli d'une détermination tranquille, refuse de se laisser submerger par ces tracas. Son objectif reste inchangé, soutenir Emma dans cette épreuve douloureuse. Elle réplique avec des sourires diplomatiques et des réparties voilées, usant de sa grâce pour maintenir un semblant de convivialité.

Alors que la soirée continue son cours, Lùca s'avance vers Hailey, ses pas presque inaudibles. Ses mots lui parviennent dans un souffle, ses yeux la sondent, cherchant sans doute à revisiter le lien fragile qu’ils ont jadis partagé.

— Hailey... cela ne va plus avec Charlie. Elle n’est pas toi, admet-il en un chuchotement ébranlé d’incertitude. Nous étions heureux ensemble, n'est-ce pas ?

Dans ces mots tremblants, une vulnérabilité à fleur de peau se dévoile, amplifiant le poids de l’émotion qui flotte entre eux. Les paroles de Lùca s'infiltrent dans l'esprit de Hailey, réveillant un tourbillon de sentiments entre le doux souvenir de leur intimité et la douleur des cicatrices laissées par leur séparation. À la lumière de cette confession, Hailey capte son regard, y lisant une détresse qui ne lui est pas étrangère. Elle lui répond avec une douceur teintée de fermeté, la voix aussi claire que les eaux d’un lac au matin.

— Lùca, ma vie avec Matthew est épanouie. Il est trop tard pour les regrets, pour les retours en arrière.

Dans la pénombre, Lùca vacille, ses mots une constellation de pensées non formulées, de sentiments non explorés.

— Hailey, tu as laissé une empreinte indélébile, tu comptes... tu as toujours compté, mais...

Le cœur d'Hailey martèle contre sa cage thoracique, une symphonie douloureuse marquant le conflit entre passé et présent. C'est alors qu'Amanda, dissimulée par l'ombre, saisit leurs murmures. Un témoin silencieux, elle observe, analyste discrète d'un tableau dont elle détient désormais un fragment secret. Son visage, une fresque d'impassibilité, cache les tourbillons intérieurs qu'elle ne révèle pas pour l’instant, choisissant la stratégie de l'attente, afin de laisser se décanter les émotions et les intentions.

Lùca, tenant Hailey du regard, pose un ultimatum qui brise l’atmosphère déjà fragilisée.

— Dans deux jours, chez toi, à 18 heures. L'heure et le lieu importent peu, mais il est essentiel que nous parlions.

Sous la pression de ces mots, Hailey sait que ses choix forgent son destin. Fidèle à sa décision, elle refuse de laisser le passé obscurcir le chemin qu'elle a choisi.

— Je suis là pour Jules, pour lui seul, insiste-t-elle avec conviction.

Tandis que la soirée s'étire, des rires et des chants remplissent l'air, voiles dérisoires face à l'ombre de la peine où chacun trouve refuge, les cœurs battant à l'unisson dans une quête de chaleur humaine. Les éclats de rire résonnent, créant une mélodie en contraste avec les véritables émotions présentes. Pars des descriptions de la luminosité variée pour chaque action.

Le lendemain matin, Hailey se réveille avec une gueule de bois terrible. Elle est tirée de son sommeil par le bruit des gouttes de pluie qui s'écrasent bruyamment sur la vitre de sa fenêtre. Ouvrant lentement les yeux, elle réalise qu'elle est encore vêtue des mêmes vêtements que la veille. Sa tête lui fait un mal de chien, et elle ressent une soif insatiable. En massant ses tempes pour atténuer sa douleur, les événements de la veille se bousculent dans son esprit, lourds de préoccupations. Malgré ses sentiments embrouillés, elle sait qu'elle a fait ce qui était juste.

Après s'être préparée, elle se rend à l'hôpital où son ami se trouve entre la vie et la mort. En franchissant les portes, l’odeur familière des désinfectants et du lin immaculé l’immerge instantanément. Chaque pas résonne dans le corridor, une mélopée funèbre en dissonance avec le silence religieux qui règne. Hailey sent son cœur se serrer, les battements accentués par la gravité de la situation. Elle sait qu'elle est là où elle doit être, pour Jules. Peu importe les difficultés à venir ou les conséquences de ses décisions, elle est résolue à rester à ses côtés jusqu'à ce qu'il se réveille.

Dans la salle d’attente, Sami, Lara la compagne photographe de Sami, et Lùca sont déjà présents. Chacun attend son tour pour visiter Jules, espérant qu’il se réveille rapidement. Le siège en vinyle grince légèrement sous le poids de ses doutes et de ses espoirs. Hailey, plongée dans ses pensées, les observe tour à tour. Le visage de Sami est marqué par l’inquiétude, ses yeux cernés témoignent de nuits sans sommeil. Lara, assise à côté de lui, aspire par moments un peu d'air par ses narines avec une force de détermination, fidèle à cette force tranquille qu'elle a toujours incarnée. Quant à Lùca, il est légèrement penché en avant, ses mains jouant avec une carte de visite, manifestation d’une agitation intérieure.

En s'asseyant, Hailey se remémore leur rencontre. L'air ambiant est lourd de souvenirs partagés, chacun imprégné des émotions de leur passé. Son cœur bondit entre les réminiscences douces et douloureuses de son lien avec Lùca, et la froide réalité imposée par la situation actuelle. Le parfum floral délicat que Lara porte évoque une proximité affectueuse, tandis que la nervosité de Sami qui rebondit légèrement sa jambe la rattache à l’urgence présente. Les murmures de médecins passant et l'éclat lointain d'un téléphone à l'accueil ajoutent une couche de réalité à son arrière-plan émotionnel. Les heures passent, lourdes comme le plomb. Le silence se fait presque palpable, entrecoupé par des allées et venues silencieuses. C'est dans cette attente impatiente et douloureuse que Hailey trouve la force de rappeler à chaque battement de cœur pourquoi elle est là : pour Jules, envers et contre tout.

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